Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2015, MmeD..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 juin 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vendée du 8 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeA..., d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision relative au séjour est insuffisamment motivée ; sa situation personnelle n'a pas été examinée ; l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ; le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision relative au séjour ; sa situation personnelle n'a pas été examinée ; le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peut être utilement invoqué, y compris lorsqu'aucun titre de séjour n'a été demandé en qualité d'étranger malade, a été méconnu, de même que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des autres décisions contestées ; sa situation personnelle n'a pas été examinée ; l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu, de même que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, le préfet de la Vendée, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jouno.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante arménienne née en 1959, est entrée en France, selon ses propres déclarations, le 23 septembre 2011 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au bénéfice de l'asile par décision du 27 avril 2012 ; que le recours dirigé contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 3 mai 2013 ; que MmeD..., qui avait antérieurement demandé un titre de séjour en qualité d'étranger malade, a demandé, le 19 décembre 2013, le renouvellement de ce titre ; que, par arrêté du 25 mars 2014, le préfet de la Vendée a refusé de renouveler ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée ; que, le 29 septembre 2014, Mme D...a demandé à l'Office de réexaminer sa demande de reconnaissance du statut de réfugié ; que l'Office a rejeté cette demande le 28 novembre suivant ; que, par arrêté du 8 janvier 2015, le préfet de la Vendée a rejeté les demandes de titre de séjour dont il s'est estimé saisi par Mme D...en qualité de réfugiée, sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de bénéficiaire de la protection subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 313-13 de ce code ainsi qu'en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code ; que, par ce même arrêté, il a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que d'une décision fixant le pays à destination duquel Mme D...serait éloignée ; que cette dernière relève appel du jugement du 5 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que Mme D...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de séjour et du défaut d'examen de sa situation personnelle ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., veuve, était, à la date de l'arrêté litigieux, présente sur le territoire français depuis moins de trois ans et demi ; que, mis à part deux de ses neveux, les membres de sa famille séjournant en France faisaient l'objet, au même titre qu'elle, de mesures d'éloignement vers l'Arménie ; que, s'il ressort des pièces du dossier que son état de santé impose qu'elle fasse l'objet d'un suivi médical régulier, celui-ci peut être mené en Arménie, pays où elle a d'ailleurs vécu la majeure partie de son existence ; que, dans ces conditions, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme D..., protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant, en premier lieu, que Mme D...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français et du défaut d'examen de sa situation personnelle ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision relative au séjour doit être écarté ; que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de Mme D...doivent quant à eux être écartés par les motifs retenus au point 4 ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
8. Considérant que Mme D... soutient qu'elle a des " problèmes de santé importants " qui ne peuvent recevoir un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'elle ajoute qu'elle avait, pour ce motif, demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, laquelle lui a été refusée, et précise, d'une part, que ce refus a fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Nantes qui a été rejeté par un jugement du 30 septembre 2014, et d'autre part, que la cour, qui avait été saisie d'un appel dirigé contre ce jugement, n'avait pas statué à la date de l'arrêté litigieux ;
9. Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, le 24 janvier 2014, que Mme D... nécessitait certes une prise en charge médicale mais que, d'une part, le défaut de celle-ci ne pouvait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que, d'autre part, il existait en Arménie un traitement approprié à sa pathologie et qu'enfin, elle pouvait voyager sans risque vers ce pays ; que les termes de cet avis ne sont contredits par aucun élément du dossier ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du 10° de l'article L. L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision relative au séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que Mme D...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant fixant le pays de destination et du défaut d'examen de sa situation personnelle ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes ;
12. Considérant, en troisième lieu, que Mme D...fait valoir que son époux a été maire d'une commune arménienne de 1990 à 2000 ainsi que député arménien de 1990 à 1995 et ajoute que celui-ci est décédé en 2010, à la suite d'une dégradation de son état de santé consécutive aux persécutions qu'il aurait subies à la suite d'une défaite électorale, en 2002, marquée par d'importantes fraudes ; qu'elle précise enfin que ses proches ont, depuis 2002, été menacés, voire persécutés, et que son propre fils a été accusé à tort, en 2011, d'être l'auteur d'une tentative d'assassinat d'un général géorgien ; que, cependant, à les supposer même fondées, ces allégations, qui ne sont pas étayées par des documents suffisamment probants, ne sont pas de nature à révéler qu'elle courrait personnellement des risques en cas de retour en Arménie ; que, d'ailleurs, la réalité de ces risques n'a pas été tenue pour établie par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de celui tiré de la violation de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de MmeD..., soulevé à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, n'est pas assorti des précisions nécessaires pour que la cour se prononce sur son bien-fondé ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeD..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant que les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme dont MmeD..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 25 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mars 2016.
Le rapporteur,
T. Jouno Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02937