Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 juillet 2018, 11 mars 2019 et 4 mars 2020, M. F..., représenté par Me E..., demande, dans le dernier état de ses écritures, à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 7 080 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les rectifications opérées au titre des bénéfices distribués ne sont pas fondées dès lors qu'il n'est pas maître de l'affaire de la société Diles ; sa signature a été usurpée dans de nombreux documents de gestion de la société, ainsi qu'en attestent les rapports d'expertise établis par M. D... ; M. A... a été reconnu maître de l'affaire dans la société Diles par jugement du 14 mai 2018 du tribunal correctionnel de Chartres ;
- les déclarations qu'il a faites le 28 octobre 2014 au cours de son interrogatoire par la gendarmerie de Luce sont trop approximatives pour constituer le fondement de l'imposition ;
- les avantages occultes, soit la somme de 3 157 euros, ne peuvent être laissés à sa charge dès lors que l'administration fiscale reconnaît qu'il n'est pas le maître de l'affaire ; ces frais ont été exposés au profit du maître de l'affaire ;
- la preuve de l'appréhension de la somme de 3 450 euros n'est pas rapportée ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors que la preuve de l'intention délibérée n'est pas établie ; il était âgé de 23 ans en 2011, ignorait tout de la matière fiscale, n'était pas le gérant de fait de la société Diles et attendait des bulletins de salaire qui ne lui ont jamais été remis ;
- il lui est réclamé, par courrier du 7 mars 2020, la somme de 76 953 euros alors que, compte tenu du dégrèvement prononcé, il n'est redevable que de la somme de 7 315 euros.
Par des mémoires, enregistrés les 21 janvier 2019, 22 janvier 2020 et 25 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des montants dégrevés et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions relatives aux dépens sont irrecevables en tant qu'elles sont dépourvues d'objet ;
- les moyens relatifs aux majorations et frais de recouvrement sont sans objet dans un litige relatif au contentieux d'assiette ;
- un dégrèvement de 197 743 euros a été prononcé le 22 janvier 2020 compte tenu de l'abandon des rectifications opérées des suites de la qualification de maître de l'affaire de la société Diles et de la prise en compte de la perception de la somme de 16 000 euros en dehors de tout contrat de travail ;
- les autres moyens présentés ne sont pas fondés.
Par décision du 10 décembre 2018, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée le 1er juin 2018 par M. F....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant le requérant.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Diles, qui exerçait une activité d'agence de travail temporaire, l'administration fiscale a, par proposition de rectification du 14 mai 2013, notifié à M. F..., qui en était associé à hauteur de 50% des droits et gérant, des rectifications dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre, d'une part, des bénéfices distribués par la société Diles sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et, d'autre part, des rémunérations et avantages occultes sur le fondement du c de l'article 111 du même code. Les impositions supplémentaires en résultant au titre de l'année 2011 ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2013 pour un montant total, en droits et pénalités, de 160 803 euros en matière d'impôt sur le revenu et de 58 737 euros en matière de prélèvements sociaux. Après le rejet, par décision du 2 février 2017, de sa réclamation préalable, M. F... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge de ces impositions. Il doit être regardé comme relevant appel de l'article 2 du jugement du 9 mai 2018 par lequel ce tribunal, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur du dégrèvement de 14 182 euros prononcé le 31 août 2017 en matière de contributions sociales de l'année 2011 (article 1er), a rejeté le surplus de sa demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 22 janvier 2020, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, de 157 222 euros s'agissant de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 et de 40 521 euros s'agissant des prélèvements sociaux de l'année 2011, soit la somme totale de 197 743 euros.
3. Si le requérant évoque des discordances entre le montant de 7 315 euros dont il reste redevable selon les écritures produites par l'administration fiscale dans la présente instance et les montants à régler qui lui ont été ou sont réclamés par divers documents, il ne soutient pas que le calcul aboutissant au montant du dégrèvement prononcé le 22 janvier 2020 serait erroné. Le courrier du 7 février 2020, qui mentionne certes un montant erroné d'impôt restant dû au titre des droits et pénalités en matière de prélèvements sociaux, dès lors qu'il ne prend pas en compte les sommes ayant déjà été dégrevées le 30 août 2017 au cours de l'instance devant le tribunal admistratif, fait état d'un degrèvement, en droits et pénalités, de 40 521 euros, soit un montant identique à celui figurant dans le courrier du 22 janvier 2020.
4. Par ailleurs, M. F... n'est pas recevable à contester, dans le cadre du présent litige d'assiette, le montant de la dette totale qui lui est réclamé, montant qui peut inclure, notamment, des intérêts moratoires et majorations de recouvrement et relève d'un litige distinct de recouvrement.
5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête sont devenues sans objet à hauteur de la somme de 197 743 euros. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer dans cette mesure.
Sur le surplus des conclusions :
6. En vertu du c de l'article 111 du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués.
En ce qui concerne les sommes versées à M. F... par la société Diles :
7. Après avoir eu communication, lors de la vérification de comptabilité de la société Diles et d'un contrôle par sondage, de deux chèques émis par cette société libellés au nom de M. F..., le vérificateur a analysé ces chèques comme des sommes mises à disposition de l'intéressé au sens du c de l'article 111 du code général des impôts et les a imposées pour leur montant total de 3 450 euros, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des rémunérations et avantages occultes. Alors que M. F... conteste désormais l'appréhension de ces sommes, ce qu'il n'avait au demeurant fait ni au stade de la réponse aux observations du contribuable ni devant le tribunal administratif, l'administration fiscale soutient devant la cour que ces chèques s'inscrivent dans le cadre du versement, reconnu par M. F... lors de ses auditions dans l'affaire pénale concernant la société Diles, de la somme d'environ 2 000 euros par mois pendant la période d'activité de la société et soumet à l'impôt la somme totale de 16 000 euros. Il ressort des procès-verbaux d'audition du 28 octobre 2014 versés par le requérant dans la présente instance que celui-ci a reconnu, à deux reprises, avoir perçu en moyenne, sans contrat de travail ni fiche de paie, une rémunération de 2 000 euros par mois pendant la période de février à septembre 2011 inclus. L'administration fiscale, qui a pu se fonder sur les déclarations faites par l'intéressé dans le cadre de cette procédure judiciaire, doit ainsi être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'appréhension par M. F... de la somme de 16 000 euros, incluant la somme initiale de 3 450 euros,.
En ce qui concerne la déduction de frais d'un montant de 3 157 euros :
8. L'administration fiscale a imposé entre les mains de M. F..., en sa qualité de maître de l'affaire de la société Diles, la somme de 3 157 euros correspondant à des dépenses de carburant, de péage, de parking, de restaurant et de nourriture qui n'ont pas été retenues dans le résultat imposable de cette société dans la mesure où elles n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Alors qu'elle renonce désormais à qualifier le requérant de maître de l'affaire et que M. F... soutient que ces dépenses ont été exposées au profit de M. A..., le maître de l'affaire de cette société, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que M. F... aurait appréhendé ces sommes et ainsi bénéficié de ces avantages occultes. Par suite, M. F... est fondé à soutenir qu'elles doivent être distraites de ses revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
En ce qui concerne les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40% en cas de manquement délibéré (...) ".
10. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré dont ont été assorties les impositions supplémentaires résultant de la prise en compte des rémunérations occultes, l'administration fiscale a notamment fait valoir, dans la proposition de rectification du 14 mai 2013, que des chèques émis par la société ont été directement libellés à son nom alors que M. F... n'a porté sur sa déclaration de revenus de l'année 2011 que la somme de 3 297 euros versées par Pôle Emploi Ile-de-France, qu'il avait connaissance des versements effectués à son profit et qu'il ne pouvait ignorer, en sa double qualité d'associé personne physique et de représentant légal, l'effectivité de cette minoration de son revenu. En admettant même que M. F... fût, comme il l'allègue, dans l'attente de la transmission de bulletins de salaires, cette circonstance n'était pas de nature à le faire douter du caractère imposable des sommes versées mensuellement par cette société, avec le gérant de fait de laquelle il était régulièrement en contact. Par suite, quand bien même elle renonce à la qualification de maître de l'affaire, l'administration fiscale apporte la preuve de l'intention délibérée d'éluder l'impôt et donc le bien-fondé de cette pénalité au regard des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.
11. Il résulte de ce qui précède que M. F... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande relative à la réintégration dans son revenu imposable de l'année 2011 de la somme de 3 157 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
En ce qui concerne les dépens :
12. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. ".
13. M. F... sollicite la prise en compte, au titre des dépens, de deux factures de 568,50 euros et de 318,50 euros relatives à une expertise en graphologie. Toutefois cette expertise n'a ni été diligentée par la cour ou le tribunal administratif ni été utile. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à M. F....
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête relatives aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. F... a été assujetti au titre de l'année 2011 à hauteur de la somme totale de 197 743 euros.
Article 2 : M. F... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 correspondant à la réduction, à hauteur de la somme de 3 157 euros, de sa base d'imposition.
Article 3 : Le jugement du 9 mai 2018 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2.
Article 4 : L'Etat versera à M. F... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
P. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 18NT026692