Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 mars 2019 et 24 septembre 2019, la SARL TSD, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en se plaçant implicitement sur le terrain de l'abus de droit, l'administration l'a privée de la faculté de saisir le comité de l'abus de droit fiscal mentionné à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; la procédure d'imposition est par conséquent irrégulière ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a requalifié le contrat conclu avec la société Gabriel TP comme étant composé d'une part d'une prestation de services assurée par la société TSD et d'autre part comme une vente de métaux, pour le même montant, de la part de Gabriel TP ; la somme de 304 700 euros inscrite en déduction du coût de la prestation de services ne constitue par une vente de métaux mais une remise commerciale prévue par le II de l'article 267 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 12 septembre 2019 et le 23 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL TSD ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Techniques de Sciage au Diamant (TSD) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2015. Lors du contrôle, le vérificateur a constaté que la SARL TSD avait émis une facture à la société Gabriel TP d'un montant de zéro euros, n'ayant donné lieu à aucune collecte de taxe sur la valeur ajoutée. Le vérificateur a constaté que cette facture mentionnait un montant de 304 700 euros pour une prestation de démolition et un même montant de 304 700 euros venant en déduction, en raison de la " valorisation des métaux ferreux et non ferreux en centre de recyclage ". Le vérificateur a alors estimé que cette facture devait s'analyser d'une part comme une prestation de services de démolition effectuée par la société TSD, soumise au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée de 19,6% et, d'autre part, comme une vente de métaux de la part de la société Gabriel TP, devant faire l'objet d'une auto-liquidation par le preneur. Le vérificateur a également estimé qu'il y avait lieu d'appliquer l'amende de 5% prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts, la société ayant omis de déclarer l'auto-liquidation correspondant à l'achat de métaux. Après mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende découlant de ce contrôle et rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2012, pour un montant total de 57 116 euros et de l'amende prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts d'un montant de 2 496 euros. Par un jugement n° 1801159 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. La SARL TSD relève appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. "
3. Pour justifier le rappel de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale a estimé que la facture émise par la SARL TSD devait être regardée comme comportant, d'une part, la facturation d'une prestation de services de la part de la SARL TSD et, d'autre part, une vente de matériaux ferreux et non ferreux de la part de la société Gabriel TP. En procédant de la sort, l'administration n'a pas entendu écarter cet acte en raison de son caractère fictif, mais s'est seulement bornée à le requalifier et à en tirer les conséquences sur le plan fiscal. La requalification des opérations réalisées entre la société TSD et la société Gabriel TP ne constitue donc pas la dénonciation implicite d'un abus de droit, pour lequel l'administration aurait été tenue de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration s'est implicitement placée sur ce terrain sans respecter les garanties applicables à cette procédure doit être écarté.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
4. L'article 256 du code général des impôts dispose que : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". L'article 266 du même code prévoit que : " 1. La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; (...) ". Aux termes du 2 sexies de l'article 283 du même code : " Pour les livraisons et les prestations de façon portant sur des déchets neufs d'industrie et des matières de récupération, la taxe est acquittée par le destinataire ou le preneur qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. ". Le II de l'article 267 du même code prévoit que : " Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients (...) ".
5. Pour requalifier les opérations commerciales réalisées entre la société TSD et la société Gabriel TP, l'administration fait valoir que la " remise " de 304 700 euros concédée par la société TSD à la société Gabriel correspond en réalité à la vente des métaux présents sur le site par la société Gabriel TP à la société TSD. Lors de la réalisation de son devis, la société TSD a, d'une part, évalué le prix des travaux de démolition et, d'autre part, évalué le prix des métaux présents sur le site afin de déterminer le montant de la " remise " qu'elle pourrait accorder à la société Gabriel TP en raison de la présence de métaux sur le site. L'exécution des travaux de démolition par la société TSD impliquait donc implicitement le transfert des métaux présents sur le site à la société TSD. La société TSD reconnaît elle-même qu'elle s'est comportée, après la signature du contrat, comme le propriétaire des métaux. Elle a d'ailleurs, compte tenu de l'augmentation du cours des métaux, pu vendre les métaux en cause au-delà du prix escompté, sans que la société Gabriel TP revendique une quelconque rémunération supplémentaire. Ainsi, compte tenu du lien direct entre la réduction de prix et la cession de métaux par la société Gabriel TP, c'est donc à bon droit que l'administration a requalifié l'inscription, sur la facture, d'une remise pour " valorisation des métaux ferreux et non ferreux " en vente de métaux par la société Gabriel TP à la société TSD. En outre, si la société TSD soutient que l'application d'une remise est prévue par les dispositions du II de l'article 267 du code général des impôts, de telles remises doivent être justifiées par des circonstances particulières, comme l'importance de la vente ou la récurrence des relations commerciales avec le client. Enfin, à supposer que la société TSD ait entendu se prévaloir de l'interprétation administrative du paragraphe n° 50 de l'instruction BOI-TVA - BASE-10-10-30 du 15 janvier 2014, cette instruction ne comporte pas une interprétation différente de l'article 267 du code général des impôts et précise d'ailleurs que lorsque la " somme versée constitue la rémunération d'un service rendu par le bénéficiaire, celui-ci doit soumettre le montant à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions ordinaires ". Dès lors, l'administration fiscale apporte bien la preuve, qui lui incombe, de ce que la remise accordée à la société Gabriel TP devait être qualifiée de vente de métaux et devait être assujettie, tout comme les travaux de démolition, à la taxe sur la valeur ajoutée.
Sur l'amende prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts :
6. Aux termes du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. ".
7. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 5, la société TSD, en tant qu'acquéreur de matériaux de récupération assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, aurait dû, en application du 2 sexies de l'article 283 du code général des impôts, auto-liquider la taxe sur la valeur ajoutée. La société s'étant abstenue de procéder à cette auto-liquidation, c'est à bon droit que le service a appliqué l'amende prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL TSD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Techniques de Sciage au Diamant est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Techniques de Sciage au Diamant et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
H. A...
Le président,
F. Bataille
Le greffier,
P. Chaveroux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT010535