Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2019 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;
- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen de sa situation au regard des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît ces dispositions, celles du 7° de l'article L. 313-11, celles des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- et les observations de Me D..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 8 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2019 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. M. A..., qui déclare être entré en France le 22 mars 2017 à l'âge de 16 ans, a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de la Loire-Atlantique. Il s'est inscrit, au titre de l'année 2018-2019, en première année de formation pour l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) mention " peintre-applicateur de revêtements ". Il ressort des pièces du dossier que M. A..., bien qu'ayant eu une moyenne générale de 10,07 sur 20 au premier semestre de cette année scolaire, n'a pas été évalué dans quatre matières (français, mathématiques, prévention santé environnement et technologie) et a obtenu une moyenne de 4,31 sur 20 au cours du semestre suivant. Il a fait l'objet d'appréciations laissant apparaître des difficultés sérieuses de compréhension de la langue française. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait plus de lien avec sa famille restée dans son pays d'origine. Dès lors, au vu de l'ensemble des éléments de l'espèce et eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Au demeurant, le motif tiré de la fraude à l'état civil aurait pu, à lui seul, justifier le refus de titre de séjour contesté. En effet, pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet de la Loire-Atlantique s'est également fondé sur l'existence de manoeuvres frauduleuses en vue d'obtenir un droit au séjour. Le préfet de la Loire-Atlantique a en effet produit un rapport d'analyse documentaire de la police aux frontières qui conclut au caractère irrégulier des actes d'état civil produits. Le préfet de la Loire-Atlantique a également relevé le fait que Mme E... n'avait pas qualité pour légaliser les actes d'état civil en cause. Le préfet a aussi relevé le fait que la transcription du jugement supplétif avait été faite en méconnaissance des articles 601 et 682 du code de procédure civile guinéen, que l'acte fourni par M. A... ne comportait pas les mentions prévues par l'article 175 du code civil guinéen, que le jugement supplétif avait été rendu le jour même de la requête, rendant impossible toute enquête et que les mentions de l'extrait d'acte de naissance méconnaissent les dispositions de l'article 182 du code civil guinéen. Le préfet de la Loire-Atlantique a produit également un rapport de mission en Guinée de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile qui mentionne le fait qu'il est possible d'obtenir facilement un jugement supplétif mentionnant n'importe quelle date de naissance, et ce pour moins d'un euro. Enfin, M. A... n'a fourni aucune explication sur les raisons pour lesquelles il aurait été contraint de solliciter la délivrance d'un jugement supplétif. Au regard de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il existe un contexte de fraude massive à l'état civil en Guinée visant à l'obtention du statut de mineur non accompagné en France, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement se fonder sur l'existence de manoeuvres frauduleuses en vue d'obtenir un droit au séjour pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, M. A... se borne à reprendre en appel sans apporter d'élément nouveau les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente, de ce que la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen de sa situation et méconnaît les dispositions des 2° bis et 7° de l'article L. 313-11, celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. En troisième lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit l'être par voie de conséquence. Il en va de même, en l'absence d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, pour la décision fixant le pays de renvoi.
8. Il résulte de tout ce qui précède M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. C..., premier conseiller,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
H. C...Le président,
F. BatailleLe rapporteur,
H. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
P. Chaveroux
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT01461