Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mai et 18 décembre 2019, la SAS Financière des Eparses, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'existence de deux secteurs de son activité doit être rétroactivement prise en compte pour les années d'imposition en litige ;
- c'est à tort que l'administration a pris en compte les rémunérations du président de son directoire et de son directeur général dans le calcul de la taxe sur les salaires dès lors qu'ils exercent des fonctions techniques ; en particulier, les rémunérations de son président constituent dans leur intégralité la contrepartie de son activité salariée de directeur commercial et les fonctions rémunérées relèvent du seul secteur taxable à la taxe sur la valeur ajoutée, M. A... n'ayant pas de compétences transverses comprenant le secteur financier et ne percevant aucune rémunération en contrepartie de son mandat social de président du directoire ;
- elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 195 de l'instruction référencée BOI-TPS-TS-20-30 du 7 novembre 2014 n°195.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 28 décembre 2020 et non communiqué, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Financière des Eparses ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me B..., pour la SAS Financière des Eparses.
Considérant ce qui suit :
1. La société par action simplifiée (SAS) Financière des Eparses a fait l'objet, au titre des années 2011 à 2013, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a estimé qu'elle était redevable de la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts, sur les rémunérations versées à M. A..., son président de directoire et directeur commercial, et à M. C..., son directeur général. La demande de la société tendant à la décharge des impositions et des pénalités correspondantes, mises en conséquence à sa charge, a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 mars 2019, dont la société relève appel.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Dans sa rédaction applicable aux années 2011 et 2012, le 1 de l'article 231 du code général des impôts dispose que : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations (...). ". Dans sa rédaction en vigueur, applicable à l'année 2013, issue de l'article 13 (V) de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, ce même article dispose que : " Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés (...) sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale (...). Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations (...) ". Le 1 de l'article 231 du même code applicable aux années 2011, 2012 et 2013 dispose que : " (...) L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. / (...) ".
3. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, les dispositions de l'article 231 de ce code doivent recevoir application à l'intérieur de chacun de ces secteurs, en sorte que l'assiette de la taxe sur les salaires soit, pour chacun d'eux, déterminée en appliquant au montant des rémunérations versées au personnel qui lui est spécialement affecté, le rapport qui lui est propre entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. La taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels qui ne seraient pas exclusivement affectés à l'un des secteurs ne peut, toutefois, qu'être établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.
4. L'administration a constaté lors de la vérification de comptabilité que la société requérante avait deux secteurs d'activité dont l'un, à caractère financier, comprenait la perception de dividendes de ses deux filiales et l'autre, à caractère administratif, avait pour objet la réalisation de prestations de services destinées à ses filiales. La société a été soumise au titre de ce second secteur à la taxe sur la valeur ajoutée pour moins de 90 % de son chiffre d'affaires et était, de ce fait, passible de la taxe sur les salaires.
5. En premier lieu, si la SAS Financière des Eparses invoque le bénéfice rétroactif de la constitution de secteurs distincts d'activité, elle ne verse aucun élément comptable démontrant un suivi comptable propre à chaque secteur entre 2011 et 2013 et ne peut donc s'en prévaloir sur le fondement de la loi.
6. En second lieu, la SAS Financière des Eparses soutient que les rémunérations du président de son directoire, également directeur commercial, et de son directeur général ne doivent pas être incluses dans le calcul de la taxe sur les salaires au motif qu'ils exercent des fonctions techniques.
7. Le président du directoire et le directeur commercial d'une société par actions simplifiée à directoire et conseil de surveillance sont investis, en vertu des articles L. 225-64 et L. 225-66 du code de commerce, des pouvoirs les plus étendus dans la gestion de la société. S'agissant d'une société holding, ces pouvoirs s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible. Toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires.
8. S'agissant des fonctions de M. A..., président du directoire et directeur commercial, l'article 7.4 de son contrat de travail signé le 1er août 2007 en qualité du directeur commercial du groupe stipule que celui-ci " compte-tenu de sa qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 212-15-1 du code du travail (...) disposera en effet d'une totale liberté et indépendance dans l'organisation et la gestion de son emploi du temps pour remplir les missions qui lui sont confiées " et que " la rémunération est indépendante du temps consacré à l'exercice de sa fonction ". De plus, si le contrat de travail définit des missions dans le secteur commercial, marketing et communication, il mentionne également que le détail des attributions de M. A... lui est précisé au fur et à mesure des besoins de l'entreprise et que son poste a un caractère évolutif et non limitatif, ses attributions étant susceptibles d'évoluer en fonction des nécessités de l'entreprise. Ces stipulations ne sont pas de nature à démontrer que la rémunération versée par la SAS Financière des Eparses à son dirigeant n'aurait pour contrepartie que l'exercice de fonctions salariées au sein du seul secteur taxable à la taxe sur la valeur ajoutée, à l'exclusion de toutes fonctions transverses, y compris dans le secteur financier.
9. S'agissant de M. C..., directeur général du groupe, les termes de son contrat de travail signé le 7 août 2007, dont l'article 8.5 comporte les mêmes mentions que l'article 7.4 du contrat de travail de M. A..., lui assigne explicitement des missions dans le domaine des investissements avec l'élaboration de la politique d'investissements et le suivi de son application, mais également des missions dans le domaine de la communication financière avec des missions de relation avec les partenaires financiers. Il précise aussi, comme pour M. A..., que son poste a un caractère évolutif et non limitatif, ses attributions étant susceptibles d'évoluer en fonction des nécessités de l'entreprise. De telles stipulations ne sont pas de nature à démontrer que la rémunération versée par la SAS Financière des Eparses à M. C... n'aurait pour contrepartie que l'exercice de fonctions salariées au sein du seul secteur taxable à la taxe sur la valeur ajoutée, à l'exclusion de toutes fonctions transverses, y compris dans le secteur financier.
10. Il résulte des points 8 et 9 que la SAS Financière des Eparses n'apporte pas d'éléments de nature à établir que MM. A... et C... n'avaient pas d'attributions dans le secteur financier. Les rémunérations que percevaient ceux-ci devaient donc être soumises à la taxe sur les salaires.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
11. La SAS Financière des Eparses n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 195 de l'instruction référencée BOI-TPS-TS-20-30 du 7 novembre 2014 n°195 selon lequel " Les holdings mixtes doivent déterminer la taxe sur les salaires par secteur en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Pour les personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs, la taxe sur les salaires doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la TVA et le chiffre d'affaires total. ", qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
12. La société n'est pas fondée, en l'absence de tout élément comptable démontrant un suivi comptable propre au secteur financier, comme il a été dit au point 5, à se prévaloir de la réponse ministérielle n°26298 publie au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 12 juillet 1999.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Financière des Eparses n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Financière des Eparses est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Financière des Eparses et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. E..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.
Le rapporteur,
J.E. E...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02000