Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018, M. et MmeF..., représentés par MeE..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, d'admettre Mme F...au séjour au titre du regroupement familial ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée et le préfet n'a pas examiné leur situation familiale avant de prendre la décision ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et le préfet a commis une erreur de droit au regard des certificats médicaux postérieurs mais révélant une situation antérieure ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est discriminatoire au sens de l'article 14 de cette convention.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme F...ne sont pas fondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les observations de MeD..., substituant Me E...et représentant M. et MmeF....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... F...et Mme C...F..., son épouse, de nationalité algérienne, nés respectivement en 1941 et 1950, ont déposé auprès du préfet de la Loire-Atlantique une demande d'autorisation de regroupement familial en faveur de MmeF.... Par décision du 4 septembre 2015, confirmée sur recours gracieux le 30 octobre suivant, le préfet a refusé de donner une suite favorable à leur demande. M. et Mme F...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 octobre 2015. Par un jugement du 2 novembre 2017, le tribunal a rejeté leur demande. Les intéressés relèvent appel de ce jugement.
2. Le préfet de la Loire-Atlantique, sur le fondement de l'article 4 du l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, qui stipule que peut être exclu du regroupement familial un membre de famille séjournant irrégulièrement sur le territoire français, a rejeté la demande de M. F...au motif que son épouse séjournait irrégulièrement en France, après deux précédentes décisions de refus de séjour, et que l'intéressé, qui devait subir une opération chirurgicale, pouvait bénéficier des structures sociales et médicales en France dans l'attente de l'examen de sa demande de regroupement familial.
3. Mme F...a effectivement fait l'objet de deux mesures d'éloignement les 27 janvier et 17 octobre 2014 et s'est maintenue depuis lors sur le territoire français. Toutefois, à la date de la décision contestée, M.F..., âgé de 74 ans, résidait en France depuis 1963, soit depuis 52 ans, et était titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 20 juillet 2019. Il est marié depuis 1981 avec MmeB..., née en 1950. Il est constant que M. F...est atteint de tuberculose urogénitale. Des certificats médicaux, certes postérieurs à la décision attaquée mais révélant une situation antérieure à celle-ci, mettent en évidence la nécessité qu'il soit assisté par son épouse de manière permanente en raison de la mise en place d'une poche urinaire et de malaise éventuel à tout moment. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce et alors même que MmeF..., qui est entrée en France le 2 juillet 2013, a vécu séparément de son mari pendant de nombreuses années en Algérie où elle a élevé les cinq enfants de leur couple, la décision litigieuse du 30 octobre 2015 a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme F...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme F...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, l'annulation de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 30 octobre 2015 implique que le préfet délivre à M.F..., sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, une autorisation de regroupement familial en faveur de son épouse, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à MeE..., conseil de M. et MmeF..., d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 novembre 2017 et la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 30 octobre 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique d'autoriser sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, le regroupement familial au profit de Mme F...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à MeE..., conseil de M. et MmeF..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme F...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F...et Mme C...F..., à Me E...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
J.-E. GeffrayLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A . Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01082