Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2018, et un mémoire, enregistré le 30 mars 2020 et non communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la SNC Eco Dreux la somme de 755 euros dont l'administration a prononcé le dégrèvement en exécution de ce jugement.
Il soutient que :
- le bien à évaluer ne justifie pas un abattement de 20 % du tarif unitaire en application des dispositions de l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts ; en effet le classement hôtelier prévu par la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques résulte d'une démarche volontaire de l'exploitant au regard des éléments mobiliers, subjectifs ou liés directement à l'exploitation de l'hôtel, indépendamment des caractéristiques physiques intrinsèques de l'immeuble qui sont seules prises en compte pour l'établissement de la valeur locative ;
- seules certaines chambres sont dotées d'une baignoire ;
- la présence d'un restaurant et d'une salle de conférence dans le local-type se rattachent à l'exploitation de l'établissement hôtelier et non à sa consistance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2019, la SNC Eco Dreux, représentée par Me A..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société en nom collectif (SNC) Eco Dreux exploite un hôtel situé 40, avenue Winston Churchill à Dreux, sous l'enseigne " Première Classe ". Elle a été assujettie à raison de cet établissement à la cotisation foncière des entreprises et à la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie au titre de l'année 2016. La SNC Eco Dreux, dont la réclamation préalable a été rejetée par décision du 23 mai 2017, a demandé au tribunal administratif d'Orléans la réduction de la cotisation foncière des entreprises, à hauteur de la somme de 3 499 euros, ainsi que de la cotisation de taxe sur les frais de chambre de commerce et d'industrie, à hauteur de la somme de 281 euros, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2016 dans les rôles de la commune de Dreux à raison de cet établissement. Par un jugement du 19 juin 2018, le tribunal a réduit les bases de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation de taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie mises à la charge de la SNC Eco Dreux au titre de l'année 2016, à raison du local commercial " Première Classe ", à concurrence des montants résultant de l'application d'un abattement de 10 % sur la valeur locative cadastrale de ce local ayant servi à l'établissement de ces impositions et a déchargé la SNC Eco Dreux de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation de taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2016, correspondant à cette réduction des bases d'imposition. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel de ce jugement.
2. Il résulte des dispositions des articles 1467, 1607 bis et 1600 du code général des impôts que les cotisations à la taxe spéciale d'équipement, à la cotisation foncière des entreprises, et à la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises qui constitue l'une des deux composantes de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie, sont calculées sur la base de la valeur locative des biens calculée dans les conditions prévues par les articles 1494 et suivants du code général des impôts. Aux termes de l'article 1498 du même code dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales (...) ". Aux termes de l'article 324 Z de l'annexe III au code général des impôts : " I. L'évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d'autres biens de même nature pris comme types. / II. Les types dont il s'agit doivent correspondre aux catégories dans lesquelles peuvent être rangés les biens de la commune visés aux articles 324 Y à 324 AC, au regard de l'affectation, de la situation, de la nature de la construction, de son importance, de son état d'entretien et de son aménagement. / Ils sont inscrits au procès-verbal des opérations de la révision. ". Aux termes de l'article 324 AA de la même annexe : " La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance - telles que superficie réelle, nombre d'éléments - les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante. Cette valeur est ensuite ajustée pour tenir compte des différences qui peuvent exister entre le type considéré et l'immeuble à évaluer, notamment du point de vue de la situation, de la nature de la construction, de son état d'entretien, de son aménagement, ainsi que de l'importance plus ou moins grande de ses dépendances bâties et non bâties si ces éléments n'ont pas été pris en considération lors de l'appréciation de la consistance. ".
3. Lorsque, pour arrêter la valeur locative de l'immeuble à évaluer, l'administration, faisant application de la méthode par comparaison, retient valablement un local-type inscrit au procès-verbal des opérations de révision foncière d'une commune, il lui appartient, par application du coefficient prévu à l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts, d'ajuster la valeur locative afin de tenir compte des différences entre le terme de comparaison et l'immeuble à évaluer.
4. Le bien en cause à évaluer est un hôtel à l'enseigne " Première Classe ", situé 40, avenue Winston Churchill à Dreux, édifié en 1993, qui comporte soixante-dix chambres, dotées de douches, de double vitrage, du chauffage, de l'accès handicapés et dispose d'un parking pour les clients. Cet établissement ne bénéficie d'aucun classement en application de la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques et sa surface cadastrale pondérée est de 1 166 m². L'administration fiscale a, pour déterminer l'assiette de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie en litige, évalué la valeur locative de ce local commercial à usage d'hôtel en suivant la méthode prévue au 2° de l'article 1498 du code général des impôts, par comparaison avec le local-type n° 123 inscrit au procès-verbal 6660 C complémentaire de la commune de Dreux, qui est un hôtel-restaurant Campanile situé 9, avenue Churchill, édifié en 1987, de quarante-huit chambres, bénéficiant d'un classement deux étoiles, présentant un bon état d'entretien ainsi qu'une situation particulière et des aménagements classés ordinaires, qui est doté d'une surface pondérée de 1 018 m² au tarif unitaire de 7,62 m², et qui lui-même est évalué par comparaison avec le local-type n° 14 occupé par un hôtel " Ibis Styles " de la ville du Coudray.
5. Comme le fait valoir le ministre de l'action et des comptes publics pour contester l'abattement de 10% appliqué par le tribunal administratif d'Orléans dans le jugement attaqué, la seule différence de classement hôtelier prévu par la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques entre le bien en cause et le bien de comparaison n'est pas de nature à justifier l'application d'un ajustement sur le tarif du local-type, eu égard aux critères prévus par l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts. Il en est de même du tarif par nuitée. Toutefois, il résulte de l'instruction que les chambres de l'hôtel Campanile sont plus spacieuses, certaines disposant également d'une baignoire au lieu d'une douche. En outre, l'hôtel Campanile dispose d'un restaurant et d'une salle de réunion, contrairement à l'hôtel Première classe. Ainsi, alors même que ce restaurant et cette salle de conférence ne seraient pas réservés aux clients de l'hôtel, au vu de la différence d'aménagements existant entre les deux hôtels, c'est à bon droit que les premiers juges ont appliqué un abattement de 10 % au titre des dispositions de l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a, par le jugement attaqué, réduit les bases de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation de taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie mises à la charge de la SNC Eco Dreux, au titre de l'année 2016, à raison de l'établissement hôtelier " Première Classe ", à concurrence des montants résultant de l'application d'un abattement de 10 % sur la valeur locative cadastrale de ce local ayant servi à l'établissement de ces impositions et a déchargé la SNC Eco Dreux de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation de taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie, au titre de l'année 2016, correspondant à cette réduction des bases d'imposition.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SNC Eco Dreux la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société en nom collectif Eco Dreux.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
Le rapporteur,
P. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
2
N° 18NT03689
1