Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2017, M. et MmeC..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 47, L. 47 A et L. 52 du livre des procédures fiscales ;
- ils contestent l'existence et le montant des revenus distribués dès lors que l'administration ne pouvait rejeter la comptabilité de la société Au Vieux Tours comme étant non probante et procéder à une reconstitution de son chiffre d'affaires ; ils invoquent le paragraphe 110 du BOI-CF-PGR-20-30 ; la reconstitution du chiffre d'affaires de cette société aboutit à un résultat exagéré et est excessivement sommaire dans son principe ;
- ils n'ont pas appréhendé les revenus réputés distribués.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements, en droits et pénalités, accordés en cours d'instance en matière de contributions sociales, soit les sommes de 4 416 euros pour 2010, 6 809 euros pour 2011 et 7 436 euros pour 2012 et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que :
- le litige est dépourvu d'objet en tant qu'il porte sur les droits et pénalités dégrevés ;
- les autres moyens invoqués par M. et Mme C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité de la société Au Vieux Tours, qui exploite un fonds de commerce de débit de boissons à Tours, l'administration fiscale a regardé la comptabilité comme régulière en la forme mais non probante au titre des exercices clos les 30 septembre 2010, 2011 et 2012 et a procédé à une reconstitution de recettes. Les rehaussements apportés aux bases de l'impôt sur les sociétés à la suite de cette reconstitution ont été portés à la connaissance de la société par proposition de rectification du 24 juillet 2013. L'administration a, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, demandé à la société de lui faire connaître l'identité et l'adresse des bénéficiaires des distributions correspondant aux omissions de recettes. En réponse à cette demande, le gérant de la société s'est lui-même désigné par lettre du 6 août 2013, comme bénéficiaire de ces distributions. Les rehaussements correspondants, que l'administration a imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 109 du code général des impôts au titre des années 2010 à 2012, ont été portés à la connaissance de ce dernier par deux propositions de rectification du 17 décembre 2013. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2012.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 23 juin 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à hauteur de 18 661 euros, de contributions sociales supplémentaires mises à la charge de M. et Mme C...au titre des années 2010, 2011 et 2012, conformément à la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. M. et Mme C...soutiennent que les opérations de vérification de comptabilité engagées à l'encontre de la société Au Vieux Tours sont irrégulières et méconnaissent les articles L. 47, L. 47 A et L. 52 du livre des procédures fiscales. Toutefois, en vertu du principe de l'indépendance des procédures suivies d'une part à l'encontre de la société Au Vieux Tours et d'autre part de son gérant, les irrégularités de procédure ainsi invoquées sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'établissement des impositions mises à la charge de M. et MmeC.... Par ailleurs, pour les mêmes motifs, ils ne sont pas fondés à se prévaloir du BOI-CF-IOR-60-40-10-50 en ce qu'il énonce que les " données de caisse " ne font pas partie intégrante de la comptabilité informatisée et n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital / (...) ". Lorsque le gérant d'une société se désigne lui-même comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, il doit être regardé comme les ayant appréhendés, à défaut de preuve contraire apportée par lui devant le juge de l'impôt. Il appartient, en revanche, à l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés à l'origine de cette distribution dès lors que le bénéficiaire désigné a refusé les redressements qui lui ont été notifiés.
En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus réputés distribués :
5. D'une part, à l'occasion de la vérification de comptabilité de la société Au Vieux Tours, l'administration a relevé des écarts significatifs, pour les trois exercices clos les 30 septembre 2010, 2011 et 2012, entre les quantités revendues déclarées et les quantités revendues reconstituées à partir des factures d'achats pour les catégories de boissons essentiellement revendues à la bouteille et pour le café. Pour ce faire, elle a tenu compte, d'une part, des conditions d'exploitation de l'établissement telles qu'indiquées par le représentant de la société lors des opérations de contrôle, présentées à M.C..., le gérant, le 21 mars 2013 et figurant dans trois comptes rendus d'intervention notifiées au gérant les 4 avril 2013, 6 juin 2013 et 4 juillet 2013 sans observation de la part de ce dernier, d'autre part, des variations de stocks à partir des états détaillés présentés. Ces écarts ont été consignés en annexe 1 de la proposition de rectification du 24 juillet 2013 ainsi qu'en annexe du courrier du 4 avril 2013 portant sur la prorogation du délai de vérification sur place. L'administration a dès lors estimé que la comptabilité de la société était non probante. Ces anomalies comptables concernent une vingtaine de produits sur les soixante articles vendus et non seulement cinq, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeC.... Pour justifier de ces écarts, M. et Mme C...précisent que les boissons non alcoolisées sont également répertoriées dans d'autres catégories et notamment lorsqu'elles sont servies avec un alcool. Toutefois, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations alors que l'administration fait valoir que les écarts constatés sur ces boissons ne concernent que les bouteilles de 25 cl ou 33 cl et que pour la confection des cocktails, la société utilise les bouteilles de 1 litre ou 1,5 litre de boissons non alcoolisées. Les requérants soutiennent en outre que l' " Orangina " est un produit qui accompagne également un sirop pour la boisson " l'Indien ". Toutefois, il ressort du compte rendu du 4 avril 2013 relatif aux modalités d'exploitation du débit de boissons que cette boisson n'apparaît pas sur la carte de celles proposées pour la période vérifiée. Par ailleurs, les intéressés n'établissent pas que l'intégralité des différents types de coca n'a été pris en compte dans cette catégorie. En outre, les requérants ne justifient pas que la quantité retenue de café par tasse, soit 7 grammes, conformément à ce qu'avait indiqué le représentant de la société lors des opérations de contrôle, est inférieure aux usages. Enfin, la société a indiqué, lors des opérations de contrôle, que les pertes concernaient uniquement les bières à la pression et les bières sans alcool eu égard à une date de péremption plus avancée que les bières alcoolisées, que les offerts représentent seulement un à deux cafés par jour pour les exercices clos en 2010 et 2011 et aucun pour celui de 2012, que les offerts de vins sont effectués à partir de bouteilles offertes par les fournisseurs, qu'il n'y a pas d'offerts sur les bières à la pression et les alcools et pas d'offerts en basse saison et que la consommation moyenne du personnel est de six cafés par jour, six jus de fruits par jour en période estivale à partir des bouteilles de 1 ou 1,5 litre et de sirop à l'eau. Les requérants ne peuvent par suite invoquer l'absence de prise en cause par le vérificateur des pertes, des offerts, de la consommation du personnel et de la casse, qui ne permettent pas de combler la différence entre le nombre reconstitué d'articles vendus et celui nombre enregistré en comptabilité. L'administration était, dans ces conditions, et bien que la comptabilité fût régulière en la forme, fondée à procéder, ainsi qu'elle l'a fait, à la reconstitution des recettes de la société Au Vieux Tours.
6. D'autre part, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Au Vieux Tours, le vérificateur a examiné les factures d'achat présentées par l'entreprise, celles obtenues dans le cadre du droit de communication exercées auprès du fournisseur France Boissons et a retenu les conditions d'exploitation telles que décrites par le représentant de la société lors des opérations de contrôle. Ainsi, les boissons ont été répertoriées en cinq catégories et le vérificateur a déterminé, à partir des factures, les quantités achetées par type de boissons. Les quantités revendues de liquides, avant pertes et offerts, ont été déterminées par addition aux achats de l'exercice du stock initial et soustraction du stock final de chaque catégorie de boisson. Le vérificateur a ensuite pris en compte les pertes, offerts et boissons consommées par le personnel. Il a par ailleurs déterminé pour chaque boisson le conditionnement de revente à partir de la carte des tarifs des consommations et des indications fournies lors des opérations de contrôle. Enfin, il a appliqué pour chaque boisson le prix unitaire de la vente, étant précisé que pour les alcools ou les cocktails à base d'alcools, il a été déterminé un prix moyen pondéré pour tenir compte de la nature des ventes. Les propositions de rectification du 17 décembre 2013 comportent en annexe la copie de la proposition de rectification du 24 juillet 2013 adressée à la société Au Vieux Tours.
7. Pour contester la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la société Au Vieux Tours, les requérants soutiennent que les conditions d'exploitation retenues par l'administration sont erronées et que la mention des dosages sur la carte vise uniquement à se conformer aux obligations légales de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en garantissant le minimum d'alcool qui est servi aux clients. Ils précisent que la bière à la pression ne permet pas un tirage de plus de 3, 33 demis par litre, que le dosage de café se situe entre 7,4 et 7,5 grammes, que les boissons non alcoolisées accompagnant les alcools n'ont pas été décomptées à tort des consommations vendues seules, que l'administration n'a pas tenu compte des ventes de bouteilles d'alcool, qu'un verre de vin contient 12 centilitres et non 10 centilitres, enfin, que les quantités servies d'alcools forts étaient probablement du double et que la société était contrainte par ses fournisseurs à verser un minimum de 7 centilitres par verre. Toutefois, les requérants n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt. Les conditions d'exploitation de l'établissement ont été indiquées par le représentant de la société lors des opérations de contrôle, à savoir un directeur, puis présentées à M.C..., le gérant, le 21 mars 2013 et figurent dans trois comptes rendus d'intervention notifiées au gérant les 4 avril 2013, 6 juin 2013 et 4 juillet 2013 sans observation de la part de ce dernier. Par suite, la méthode de reconstitution ne saurait être regardée comme étant radicalement viciée ou excessivement sommaire dans son principe et n'aboutit pas à un résultat exagéré. M. et Mme C...ne proposent par ailleurs aucune autre méthode de reconstitution aboutissant à une évaluation plus précise que celle résultant de la méthode suivie par l'administration.
8. Enfin, les requérants ne sont pas fondés à invoquer le paragraphe 110 du BOI-CF-PGR-20-30 qui énonce notamment que " La notion de graves irrégularités recouvre les irrégularités formelles mais également les irrégularités au fond de la comptabilité qui peut être régulière en apparence. " et ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
En ce qui concerne l'appréhension des revenus réputés distribués :
9. Sous la signature de M.C..., son gérant, la société Au Vieux Tours, en réponse à la demande que l'administration lui avait adressée en application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, a désigné son gérant comme bénéficiaire des excédents de distribution présumés. Par suite, M. C...n'est pas fondé à se prévaloir de ce que l'administration n'a pas prouvé d'enrichissement personnel dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle diligentée au titre des années 2010 et 2011. Par ailleurs, M. C...se borne à soutenir sans en justifier qu'il a dû être victime d'un vol ou d'un abus de confiance de la part de son personnel, qu'il n'est pas un professionnel et n'était pas sur place pour vérifier les conditions d'exploitation de son établissement. Dans ces conditions,
M. C...doit être regardé comme ayant appréhendé les revenus réputés distribués à défaut de preuve contraire apportée par lui devant le juge de l'impôt.
10. Il résulte de ce qui précède que l'administration a pu, à bon droit, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, imposer M. et Mme C...à l'impôt sur le revenu à raison des revenus distribués par la société Au Vieux Tours.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme C...à concurrence des dégrèvements, en droits et pénalités, à hauteur de 18 661 euros, des contributions sociales supplémentaires mises à leur charge au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No17NT00165