Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 juin 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est illégale en raison de l'irrégularité de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; cet avis méconnaît l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 en ce que les extraits du logiciel Thémis produits au dossier ne permettent pas d'établir qu'il a été rendu de façon collégiale ; cet avis repose sur un rapport médical incomplet, en raison de l'absence de mention du traitement suivi dans les rubriques relatives à la thérapeutique ; la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence.
Par un mémoire, enregistré le 13 septembre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me C..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien né le 21 octobre 1984, est entré en France le 9 novembre 2014, sous le couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision 31 octobre 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par un arrêt du 11 juillet 2016 de la Cour nationale du droit d'asile. Par la suite, M. D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Cette demande a fait l'objet d'une décision de refus du 6 février 2017, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Nantes puis par la présente Cour. M. D... a ensuite sollicité de la préfète de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 28 septembre 2018, la préfète de la Loire-Atlantique a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
6. Lorsque l'avis médical porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 1er juillet 2018 concernant M. D..., signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Pour contester la régularité de cet avis, M. D... a produit une capture d'écran tirée du logiciel de traitement informatique Themis faisant apparaître des mentions " donner avis " à des dates et heures différentes pour chacun des trois médecins. Ces mentions, compte tenu de leur caractère équivoque, ne sauraient constituer la preuve contraire quant au caractère collégial de l'avis. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'OFII qui résulte des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ".
9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
10. M. D... fait valoir que le rapport médical établi par le médecin de l'Office serait incomplet en ce qu'il n'est pas fait mention de son traitement par Bromazepam et Diazepam (Valium). Toutefois, il ressort du rapport médical établi par le médecin du service médical de l'OFII que celui-ci mentionne, au titre des éléments complémentaires relatifs à la pathologie psychiatrique, la demande de délivrance de benzodiazépines, classe de médicament à laquelle appartiennent le Bromazepam et le Diazepam. En outre, ce même rapport détaille l'histoire des troubles mentaux ainsi que l'état mental actuel. Dans ces conditions, bien que ce rapport ne mentionne pas, dans la case intitulée " prise en charge thérapeutique ", le traitement médicamenteux de l'intéressé, cette circonstance n'est pas susceptible d'avoir eu une influence sur le sens de la décision prise et n'a pas privé le requérant d'une garantie. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, il résulte des textes précités que la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
12. Par un avis du 1er juillet 2018, les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. M. D... remet en cause le sens de cet avis en faisant valoir qu'un suivi régulier a pu se mettre en place au sein du service d'addictologie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes et qu'il parvient à diminuer progressivement les benzodiazépines, grâce notamment à des prescriptions de Tiapridal et de Mianserine. Si ces éléments ressortent effectivement du certificat médical du Dr Eyzop en date du 31 octobre 2018, ils ne permettent cependant pas de remettre utilement en cause l'avis du 1er juillet 2018, dès lors que ces éléments sont uniquement relatifs au mode de prise en charge de cette pathologie en France. Ces éléments ne permettent donc pas d'établir que la prise en charge de la pathologie dont souffre M. D... ne pourrait pas se faire de manière appropriée en Algérie. Au demeurant, il est constant que la Mianserine est bien disponible en Algérie. Quant au Tiapridal, il n'est pas contesté par le requérant que ce médicament ne peut être prescrit que pour une durée courte de quatre semaines. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a écarté ce moyen.
13. M. D... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
15. En second lieu, M. D... reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 novembre 2019.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02108
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