Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires en production de pièces, enregistrés le 21 juillet 2016, le 1er août 2016, le 14 novembre 2016 et le 22 novembre 2016, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 12 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation, sous la même astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, notamment au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle ne peut être regardée comme étant entrée irrégulièrement sur le territoire français ; elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a entaché sa décision d'erreur de fait en estimant qu'elle était dépourvue d'attaches familiales suffisantes en France alors que toute sa famille, hormis sa fille qui vit en Belgique, y réside et que les attaches culturelles et linguistiques primaient sur tout le reste ; le préfet a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; c'est à tort qu'il n'a pas pris en compte les lignes directrices de la circulaire du 28 novembre 2012 ; il a entaché son arrêté d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance et fait, en outre, valoir que :
- la décision contestée n'est nullement fondée sur la circonstance qu'elle serait entrée irrégulièrement sur le territoire français ;
- il n'était pas tenu d'examiner sa demande de titre de séjour au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas été saisi d'une demande sur le fondement de cet article ;
- l'intéressée ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est dépourvue de visa pour un séjour supérieur à trois mois.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les observations de MeC..., représentant MmeA... ;
1. Considérant que MmeA..., ressortissante marocaine née le 10 mai 1954 à Sidi Othmane (Maroc), est entrée en France le 15 mars 2015 sous couvert d'un visa de court séjour ; que, par un arrêté du 12 février 2016, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; qu'elle relève appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; " ;
3. Considérant que MmeA..., âgée de près de soixante-deux ans à la date de la décision contestée, est divorcée depuis 1985 ; qu'il ressort des pièces du dossier que ses deux fils, sa soeur et son frère, tous ressortissants français, résident en France et que sa fille réside régulièrement en Belgique ; qu'elle ne possède plus d'attaches familiales au Maroc ; qu'ainsi, en dépit de la durée du séjour de l'intéressée en France, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'illégalité dont la décision portant refus de titre de séjour se trouve ainsi entachée est de nature à en entraîner l'annulation ainsi que celle, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 12 février 2016 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation prononcée, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait concernant la situation de MmeA..., que le préfet de la Loire-Atlantique lui délivre, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu de prononcer une injonction en ce sens sans qu'il soit besoin de l'assortir d'une l'astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2016 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 12 février 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait concernant la situation de MmeA..., de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, où siégeaient :
- M. Bataille, président,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- et Mme Bougrine, conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.
Le rapporteur,
K. BougrineLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT02343