Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juillet 2019 et 9 avril 2020, la société civile West Invest, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ainsi que le rétablissement du déficit pour la période allant de 2009 à 2011 et le remboursement de la créance de " carry back " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve d'un acte anormal de gestion ; elle est venue en aide à sa filiale en difficulté, du fait du durcissement du recours au crédit bancaire avec l'éclatement de la crise des " subprimes " ; étant caution de sa filiale, elle n'avait pas d'autre choix que de lui venir en aide ; cette aide a permis d'éviter le dépôt de bilan de sa filiale, qui a pu finalement rembourser la holding intégralement.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 20 janvier 2020 et 25 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société West Invest ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la société West Invest.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile West Invest est une société holding ayant pour objet social la détention et la gestion de participations au sein du capital de plusieurs sociétés. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos de 2012 à 2014. Lors de ce contrôle, l'administration a constaté que la société West Invest avait accordé à ses filiales des avances de trésorerie sans mettre à leur charge les intérêts dont le principe figurait dans les conventions de gestion de trésorerie conclues avec celles-ci. Elle a estimé que la société West Invest s'était ainsi privée de recettes sans contrepartie et avait, dès lors, commis un acte anormal de gestion. Par une proposition de rectification du 18 septembre 2015, le service a ainsi informé la société de son intention de réintégrer à son résultat, au titre de chacun des exercices vérifiés, le montant des intérêts auquel elle aurait pu prétendre et de remettre en cause les reports de déficits des exercices prescrits à concurrence des renonciations à recettes constatées. Après mise en recouvrement et rejet partiel de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 à 2014. Par un jugement n° 1701326 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement.
2. Il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les prêts sans intérêts ou l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté.
3. En l'espèce, il est constant que la société West Invest a accordé à sa filiale West Promotion des avances de trésorerie non assorties d'intérêts. Une telle situation présente, en principe, le caractère d'un acte anormal de gestion. Il appartient dès lors à la société West Invest de démontrer qu'en accordant cette avance de trésorerie sans intérêts, elle a agi dans son propre intérêt.
4. Pour justifier d'un intérêt propre, la société West Invest fait valoir que cette aide a permis d'éviter le dépôt de bilan de sa filiale et lui a ainsi permis de récupérer l'avance accordée de trésorerie de deux millions d'euros. Elle précise qu'elle s'était portée caution pour sa filiale en ce qui concerne un prêt bancaire de 380 000 euros et que la société West Promotion n'a jamais dégagé, sur la période, un résultat net de plus de 10 000 euros. La société West Invest met également en avant la baisse significative de la note attribuée par la Banque de France à sa filiale, qui est passée de N0 (aucune information défavorable sur l'entreprise) à X6 (très faible capacité à honorer ses engagements financiers). Toutefois, à supposer même qu'en l'absence de cette aide financière, la filiale eût déposé le bilan, la société West Invest n'apporte aucun élément permettant de démontrer que la faillite de sa filiale aurait menacé sa propre survie ou aurait porté atteinte à son renom ou à son crédit. Au surplus, l'avance de deux millions d'euros n'a pas été accordée à la société West Promotion pour lui venir en aide mais afin de pallier le fait que l'établissement bancaire CMB n'avait pas souhaité financer le projet immobilier dénommé " La Grange ". Enfin, ainsi que le rappelle le ministre en défense, aucun élément ne permet d'établir que la société West Promotion qui a, au cours de la période, dégagé un résultat net positif, ou très faiblement négatif, n'était pas en mesure de payer à la société West Invest les intérêts prévus par la convention de trésorerie. Dès lors, la société West Invest n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle a agi dans son intérêt propre en accordant à sa filiale une avance sans intérêts. Par suite, c'est à bon droit que le service a décidé de réintégrer dans son résultat, au titre de chacun des exercices vérifiés, le montant des intérêts auquel elle aurait pu prétendre et a remis en cause les reports de déficits des exercices prescrits à concurrence des renonciations à recettes constatées.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société civile West Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société West Invest est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile West Invest et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT028012