Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, méconnaît les dispositions de l'article L. 121- 2 du code des relations entre le public et l'administration, le droit d'être entendu, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, est insuffisamment motivée et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de Me B..., représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite du rejet de sa demande d'asile par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 juin 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mars 2019, le préfet de la Loire-Atlantique, par un arrêté du 27 juin 2019, pris sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a obligé Mme C..., ressortissante guinéenne, née le 26 septembre 1998, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. Par un jugement du 7 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté. L'intéressée relève appel de ce jugement.
2. Alors qu'elle est récemment entrée en France, le 1er décembre 2016 selon ses déclarations, après avoir fui la Guinée en urgence par peur d'être mariée de force, Mme C..., célibataire et sans enfant à charge, s'est rapidement intégrée dans la société française grâce à un membre d'un collectif associatif qui lui a proposé un accueil et un hébergement, tantôt à Nantes tantôt dans sa ferme à Saint-Dolay (Morbihan), et à un réseau de bénévoles ainsi qu'à ses efforts en suivant un certificat d'aptitude professionnelle en menuiserie et agencement à Redon dès le mois de décembre 2017 et en obtenant ce certificat en juin 2019. Elle justifie d'une pré-inscription en baccalauréat professionnel dans la même spécialité auprès du centre de formation d'apprentis à Vannes, qui a retenu sa candidature, et a pu trouver un contrat de stage auprès d'une entreprise pour la durée de sa formation. Malgré le défaut de signature du contrat par le centre de formation d'apprentis, compte tenu de la situation alors irrégulière de Mme C... en France, cette entreprise a organisé son stage au regard des compétences de l'intéressée. Ensuite, elle a montré pendant ses études professionnelles une volonté d'aborder la culture, notamment littéraire et théâtrale, de la France. En outre, Mme C... supporte des conséquences physiques et psychologiques du fait de l'excision qu'elle a subie dans son pays d'origine à l'âge de quinze ans. La gravité des conséquences nécessite que la requérante soit suivie sur le plan médical. Les soins, y compris chirurgicaux, doivent être poursuivis en France. Enfin, il n'est pas sérieusement contesté que Mme C... est dépourvue de tout lien familial avec son pays d'origine en raison des événements intrafamiliaux survenus dont elle a été victime. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et des circonstances de l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C....
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et qu'il y a lieu d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination.
4. Eu égard au motif d'annulation, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou droit, à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
5. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me B..., conseil de Mme C..., d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 7 novembre 2019 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 27 juin 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou droit, à Mme C... un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des
articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à
Me B..., conseil de Mme C....
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00624