Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 août 2015, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de réduire, en droits et pénalités, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009.
Ils soutiennent que :
- en vertu du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, la pension alimentaire que M. B...a versée à son épouse au Chili pour l'entretien de leur fille qui vit avec sa mère en application des articles 205 à 211 du code civil doit être prise en compte à hauteur des sommes versées, soit 19 320 euros en 2008 et 12 470 euros en 2009, au titre de chacune de ces deux années ;
- les pensions correspondent à son devoir d'entretien et leur montant n'est pas exagéré par rapport à ses revenus et par rapport aux besoins de l'enfant eu égard aux frais de scolarité et à l'absence de système de santé gratuit sans qu'y fasse obstacle le fait qu'elle réside à l'étranger ;
- il ne peut apporter d'élément sur les ressources de la mère car celle-ci refuse de transmettre des documents compte tenu du conflit existant alors que l'enfant mineur n'a ni activité ni revenu ;
- le versement des sommes n'est pas contesté et est établi ;
- à tout le moins, l'obligation alimentaire permanente doit être prise en compte à hauteur de 12 000 euros ;
- l'administration n'était pas fondée à appliquer une majoration de 25 % aux rehaussements afférents aux indemnités kilométriques perçues par M. B..., qui est réservée aux revenus de toutes les professions qui sont passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux pour les contribuables qui n'adhèrent pas à une association de gestion agréée ;
- dès lors que ni la société ni M. B... n'ont été mis en demeure de désigner le bénéficiaire du revenu, ce dernier ne peut être considéré comme le résultat d'une activité habituelle relevant des dispositions des articles 39 et suivants du code général des impôts ;
- les sommes redressées ne sont pas l'objet ni le résultat d'une activité particulière et résultent d'une erreur commise dans la gestion de la société ;
- cette activité ne lui aurait de toute façon pas permis d'adhérer à un centre de gestion ;
- il n'a pas exercé d'activité ou de diligence particulière à hauteur de ce revenu ;
- l'application de la majoration de 40 % de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée dès lors que la quasi-totalité des pièces qu'il a produites spontanément a réduit de la moitié l'ampleur des redressements entrepris et que les critères tenant à l'importance, la nature et la fréquence des rehaussements prévus par la documentation administrative 13 N-1223 n° 4 du 14 juin 1996 pour retenir la mauvaise foi ne sont pas remplis compte tenu notamment du fait qu'il ignorait, tout comme l'expert-comptable, la subtilité juridique tenant à ce que le remboursement des frais kilométriques était exclu pour un véhicule en location avec option d'achat.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delesalle,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, mené conjointement à la vérification de la comptabilité de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Alphonse B...dont M. B...est le gérant salarié, une proposition de rectification du 4 juillet 2011 a été notifiée à M. et Mme B... dans le cadre de la procédure contradictoire portant sur des redressements d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis de pénalités de mauvaise foi, au titre des années 2008 et 2009 ; qu'après avoir notamment présenté leurs observations le 15 septembre 2011 auxquelles le service a répondu le 1er décembre 2011, et des réclamations des 13 mars 2013 et 12 août 2013 rejetées le 11 février 2014, ils ont saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 ; que M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 9 juin 2015 rejetant leur demande ;
Sur la déduction de pensions alimentaires :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) / II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) / 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 203 du code civil : " Les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants " ; qu'aux termes de l'article 205 du même code : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 207 du même code : " Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques. " ; que le premier alinéa de l'article 208 de ce code dispose : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit. " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B...ont eu un enfant en 1998 et se sont séparés avant finalement de divorcer ; que s'ils avaient déposé une déclaration de revenus commune au titre des années 2008 et 2009, alors qu'ils étaient séparés, en mentionnant un quotient familial de 2,5 correspondant à la situation d'un couple marié avec un enfant à charge, l'administration a estimé qu'ils auraient dû faire l'objet d'une imposition séparée, dès lors qu'ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et ne vivaient pas sous le même toit, et a ramené à 1 le quotient familial pour le calcul de l'impôt sur le revenu de M.B... ; que ce dernier, qui ne conteste pas ne pas avoir la charge de sa fille, laquelle vit au Chili avec sa mère, demande la déduction de son revenu imposable, à titre de pensions alimentaires, des sommes versées à son ancienne épouse pour les besoins de l'enfant, à hauteur de 19 320 euros en 2008 et 12 470 euros en 2009 ou, à titre subsidiaire, à hauteur de la somme de 12 000 euros pour chacune des deux années en litige ;
5. Considérant, toutefois, que M. B..., en se prévalant de manière générale de son obligation d'entretien, du caractère payant du système scolaire et de santé au Chili ou de l'insuffisance des ressources de son ancienne épouse sans autre précision, n'apporte aucun élément de nature à justifier de la situation de besoin, au sens des articles 205 et 208 du code civil, dans laquelle se trouverait l'enfant, compte tenu notamment de ce que la mère exerce la profession salariée de distributeur de produits pharmaceutiques ; que s'il soutient ne pas pouvoir obtenir d'informations de la part de celle-ci du fait de leurs rapports conflictuels, il ne justifie, en tout état de cause, d'aucune démarche en vue de leur obtention ; que, par suite, les requérants, en toute hypothèse, ne sont pas fondés à demander la déduction des sommes litigieuses du revenu de M. B...en vertu de l'article 156 du code général des impôts ;
Sur l'application du coefficient de 1,25 prévu par l'article 158 du code général des impôts :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) / 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréé défini aux articles 1649 quater C à 1649 quater H, à l'exclusion des membres d'un groupement ou d'une société mentionnés aux articles 8 à 8 quinquies et des conjoints exploitants agricoles de fonds séparés ou associés d'une même société ou groupement adhérant à l'un de ces organismes ; / 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice (...) " ; que le coefficient prévu par ces dispositions s'applique ainsi dans l'un ou l'autre des cas distinctement prévus au 1° et au 2° ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les résultats de la SCEA Alphonse B...les sommes correspondant à des indemnités kilométriques versées à M.B... ; que ces sommes ont été regardées comme distribuées à ce dernier en application notamment de l'article 109 du code général des impôts ;
8. Considérant, d'une part, que la circonstance que l'administration fiscale n'aurait pas mis la SCEA Alphonse B...en demeure de désigner le bénéficiaire des revenus regardés comme distribués est sans influence sur la régularité ou le bien-fondé de l'imposition litigieuse ;
9. Considérant, d'autre part, que compte tenu de ce qui a été dit au point 7, ces sommes devaient, en application du 2° du 7 de l'article 158 de ce code, être multipliées par 1,25, alors même, comme il est soutenu, qu'elles n'entrent pas dans le champ d'application du 1° du 7 du même article ;
Sur la majoration pour manquement délibéré :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a appliqué la majoration de 40 % prévue par ces dispositions aux redressements correspondant aux indemnités kilométriques non justifiées versées à M.B..., réintégrées dans les résultats de la SCEA Alphonse B...et regardées comme distribuées au requérant ; que le caractère déductible de ces charges a été remis en cause faute pour la société de justifier du caractère professionnel des déplacements pour lesquels les indemnités avaient été versées ; que, pour maintenir les rehaussements, le service a en outre relevé que le barème kilométrique de l'administration ne pouvait être utilisé pour un véhicule pris en location avec option d'achat ; que l'administration fait valoir que M. B..., gérant salarié de la société, ne pouvait ignorer que les sommes remboursées, pour des montants importants et de manière régulière et répétée sur chacun des exercices vérifiés, n'étaient pas justifiées ; qu'alors même qu'une partie importante des rehaussements initialement notifiés a été abandonnée au cours de la procédure d'imposition, eu égard aux justificatifs produits par M. B..., et sans que les requérants puissent utilement invoquer l'erreur commise par l'expert-comptable de la société, l'administration apporte ainsi la preuve de l'existence d'un manquement délibéré ;
12. Considérant que M. et Mme B...ne sont pas fondés à se prévaloir, en tout état de cause, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 13 N-1223 du 14 juin 1996, qui ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il leur a été fait application ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeC... B... et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Delesalle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2017.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02483