Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juin 2016, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 janvier 2016 ;
2°) d'annuler la décision de refus d'enregistrement de sa demande de réexamen de sa demande d'asile qui lui a été opposée le 10 octobre 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un récépissé attestant de l'enregistrement de sa demande dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus d'enregistrement de sa demande n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que l'administration est tenue d'examiner toutes les demandes qui lui sont adressées ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le dossier qu'il a remis à la préfecture était complet et comportait notamment deux justificatifs d'adresse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant que M.C..., ressortissant kosovar né en 1989, est entré en France le 17 décembre 2010 ; qu'il a formé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 octobre 2011, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 18 décembre 2012 ; que, le 10 octobre 2013, M. C...s'est présenté devant les services de la préfecture de la Loire-Atlantique en vue de solliciter le réexamen de sa demande d'asile ; qu'un refus d'enregistrement de sa demande lui a été opposé au motif que son dossier n'était pas complet ; qu'il relève appel du jugement du 13 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus d'enregistrement de sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 723-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " (...) / Lorsque, à la suite d'une décision de rejet devenue définitive, la personne intéressée entend soumettre à l'office des éléments nouveaux, sa demande de réexamen doit être précédée d'une nouvelle demande d'admission au séjour et être présentée selon la procédure prévue à l'article R. 723-1. (...) " ; que l'article R. 741-2 du même code dispose, dans sa version alors applicable, que : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application de l'article L. 741-1 présente à l'appui de sa demande : (...) / 4° L'indication de l'adresse où il est possible de lui faire parvenir toute correspondance pendant la durée de validité de l'autorisation provisoire de séjour délivrée sur le fondement de l'article R. 742-1. Si le choix d'une adresse se porte sur celle d'une association, celle-ci doit être agréée par arrêté préfectoral. (...) " ; qu'une décision portant refus d'enregistrement d'une demande ne constitue, faute de faire grief, une décision insusceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir que dans le cas où le dossier présenté à son soutien est incomplet ;
3. Considérant que M. C...s'est présenté, le 10 octobre 2013, devant les services de la préfecture pour y déposer une demande tendant au réexamen de sa demande d'asile ; que les services ont refusé d'enregistrer sa demande au motif que l'attestation de domiciliation produite au soutien de cette demande émanant d'une association dépourvue d'agrément préfectoral, son dossier n'était pas complet ;
4. Considérant que M. C...soutient sans être contredit qu'il s'est présenté auprès de l'association " Accueil et informations pour demandeurs d'asile " (AIDA) en vue d'obtenir la domiciliation nécessaire au dépôt de sa demande de réexamen de sa demande d'asile et que cette association n'a pas été en mesure de lui attribuer une domiciliation ; qu'il n'est pas contesté que seule l'association AIDA bénéficiait, dans le département de la Loire-Atlantique, de l'agrément préfectoral mentionné par les dispositions du 4° de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est pas davantage allégué par le préfet que le requérant avait la possibilité de bénéficier d'une domiciliation auprès d'une autre association agréée ; que, dans ces conditions, le dossier de M.C..., lequel était dépourvu de toute autre solution de domiciliation que celle effectuée auprès d'une association non agréée, ne présentait pas un caractère incomplet ; que, dès lors, M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a jugé que le refus d'enregistrement de sa demande ne constituait pas une décision susceptible d'être contestée par la voie d'un recours pour excès de pouvoir ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes ;
6. Considérant que si l'autorité préfectorale est en droit de refuser l'enregistrement d'un dossier qui n'est pas complet, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que le dossier de M. C...ne pouvait être regardé, en l'espèce, comme incomplet du seul fait que l'adresse indiquée au soutien de sa demande était celle d'une association non titulaire de l'agrément préfectoral prévu par les dispositions du 4° de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait légalement se fonder sur ce motif pour refuser d'enregistrer la demande de M. C...tendant au réexamen de sa demande d'asile ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, que M. C...est fondé à demander l'annulation de la décision du 10 octobre 2013 portant refus d'enregistrement de sa demande de réexamen de sa demande d'asile ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 723-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 723-15 du même code : " Lorsque dans les cas et conditions prévues à l'article L. 723-15, la personne intéressée entend présenter une demande de réexamen, elle doit procéder à une nouvelle demande d'enregistrement auprès du préfet compétent. " ; qu'aux termes de l'article L. 741-1 de ce code : " (...) / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. / (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. / (...) " ;
9. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, le préfet réexamine la demande d'enregistrement de la demande de M. C...tendant au réexamen de sa demande d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il y a lieu de prononcer une injonction en ce sens, sans l'assortir de l'astreinte demandée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant, lequel a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 janvier 2016 et la décision du 10 octobre 2013 portant refus d'enregistrement de la demande de réexamen de la demande d'asile de M. C...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la demande d'enregistrement de la demande de M. C...tendant au réexamen de sa demande d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2017.
Le rapporteur,
K. BougrineLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01788