Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2016, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de MmeA....
Il soutient que les traitements nécessités par l'état de santé de Mme A... existent en Serbie, son pays de nationalité et s'en rapporte à son mémoire de première instance s'agissant des autres moyens présentés par MmeA....
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2017, MmeA..., représentée par Me Kaddouri, demande à la cour de rejeter la requête du préfet de Maine-et-Loire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que :
- le moyen présenté par le préfet de Maine-et-Loire n'est pas fondé ;
- elle n'est affiliée à aucun système de sécurité sociale dans son pays d'origine et ne pourra bénéficier du traitement nécessaire ;
- elle reprend l'ensemble de ses autres moyens de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Delesalle.
1. Considérant que Mme A..., ressortissante serbe née en 1957 à Pristina, est entrée irrégulièrement en France le 22 septembre 2006 ; que sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du 27 mars 2007 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 18 mars 2009 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en raison de son état de santé, elle a obtenu la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 5 juillet 2010, puis, en raison de l'état de santé de son mari, titulaire d'une carte de séjour temporaire, elle a obtenu une nouvelle autorisation valable jusqu'au 13 février 2012 ; que lui a ensuite été délivrée une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade au mois d'octobre 2012, renouvelée jusqu'au 17 août 2015 ; que sa demande de renouvellement présentée le 8 septembre 2015 a été rejetée par un arrêté du 14 avril 2016 du préfet de Maine-et-Loire l'obligeant également à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi d'office éventuel ; que Mme A... en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 12 octobre 2016 dont le préfet relève appel, a fait droit à sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
3. Considérant, d'une part, que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la disponibilité du traitement approprié dans son pays d'origine ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant, d'autre part, que si les requêtes formées devant le juge administratif doivent être rédigées en langue française, les requérants peuvent joindre à ces demandes des pièces annexes rédigées dans une autre langue ; que si le juge a alors la faculté d'exiger la traduction de ces pièces lorsque cela lui est nécessaire pour procéder à un examen éclairé des conclusions de la requête, il n'en a pas l'obligation ;
6. Considérant que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, dans un avis rendu le 1er octobre 2015, que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié en Serbie ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante souffre d'une pathologie cardio-vasculaire d'hypertension artérielle avec une insuffisance ventriculaire gauche, d'une pneumopathie consécutive à cette hypertension avec une dyspnée d'effort, d'un diabète récent, d'une pathologie psychiatrique ainsi que d'une pathologie polyarthrosique ; qu'à ce titre elle bénéficie d'une prise en charge médicale, notamment par voie médicamenteuse ; qu'il résulte du document établi le 31 mars 2014 par la direction générale de l'Office des étrangers de Belgique sur l'accès aux soins de santé en Serbie et dont il est loisible à la cour de tenir compte quand bien même il est rédigé en langue anglaise, que la Serbie dispose d'un système de santé opérationnel doté d'un ensemble de médicaments dont la liste est annexée ; que la requérante n'apporte aucun élément sur l'absence des médicaments et des soins nécessités par son état de santé compte tenu des possibilités de substitution existantes ; que, dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour sur ce fondement ;
7. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par MmeA... ;
Sur le refus de titre de séjour :
8. Considérant que la décision, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;
9. Considérant que, conformément à l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de refuser à Mme A...le renouvellement du titre de séjour prévu par le 11° de l'article L. 313-11 du même code dès lors qu'elle ne remplissait pas effectivement les conditions pour l'obtenir ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique par rapport à celle du refus de séjour ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, la décision de refus de séjour est suffisamment motivée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;
11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
12. Considérant que si Mme A... est entrée en France en 2006, y réside depuis, ainsi que trois de ses enfants, dont l'un l'héberge, elle a toutefois vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans et ne se prévaut d'aucun élément particulier sur son insertion en France ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de tout lien en Serbie ou même au Kosovo alors même qu'elle indique ne pas savoir où résident ses trois autres enfants ; que, dans ces conditions, la décision n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux but poursuivis et, dès lors, ne méconnaît pas l'article 8 de la convention de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
13. Considérant que l'arrêté vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les dispositions du II de cet article laissent, de façon générale, un délai de trente jours pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, alors même que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le délai de départ volontaire soit prolongé, le cas échéant, d'une durée appropriée pour les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde ce délai de trente jours, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger n'a présenté aucune demande en ce sens ; que Mme A...n'allègue pas avoir présenté une telle demande ; que la décision fixant le délai de départ volontaire est, par suite, suffisamment motivée ;
14. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit au point 7, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant son délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en raison de l'absence de traitement existant dans son pays d'origine ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. Considérant qu'il ressort de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi ; que, dès lors, les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration reprenant celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel l'étranger sera éloigné résultant de l'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire s'il ne respecte pas le délai imparti pour un départ volontaire ;
16. Considérant que si la carte de séjour temporaire délivrée en 2014 et le récépissé de demande de titre de séjour délivré en 2016 mentionnent, au vu de ses déclarations, que Mme A... est de nationalité kosovare, il ressort des pièces du dossier qu'un passeport, d'une durée de validité de dix ans, lui a été délivré le 23 mars 2012 par les autorités serbes qui l'ont reconnue comme une ressortissante de leur Etat ; qu'au demeurant, il ressort de la fiche " TelemOfpra " que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont estimé que l'intéressée était de nationalité serbe ; que, dès lors, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de Maine-et-Loire a fixé la Serbie comme pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 14 avril 2016, lui a enjoint de délivrer à Mme A...la carte de séjour temporaire prévue par le l1° de l'article L. 313-1 l du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Kaddouri, avocat de MmeA..., la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
18. Considérant que, doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de Mme A...présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 octobre 2016 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A...et ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...veuve B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Delesalle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2017.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03685