Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 mai 2018, 6 novembre 2019, 24 décembre 2019, 5 mars 2020 et 4 septembre 2020, la SARL Efilog, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer ces décharges ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- en tant que logisticien exécutant un contrat d'entreprise et uniquement des prestations matérielles de réception, stockage et réexpédition de plis et de colis, elle ne participe pas aux transactions conclues entre Or Postal et ses clients, ne peut être qualifiée d'intermédiaire au sens des articles 150 VK du code général des impôts et 74 S quinquies de l'annexe II à ce code et n'est donc pas redevable des impositions en cause ; son analyse est conforme au point 69 de l'instruction 8 M-2-06 et au point 620 de l'instruction référencée BOI-RPPM-PVBMC-20-10 ;
- la taxation enfreint les textes et principes constitutionnels dans la mesure où elle rend redevable d'une taxe une personne qui n'a pas les éléments pour la liquider ; en tant que logisticien, elle ne connaît pas et n'a pas à connaître des conditions contractuelles entre l'expéditeur et le destinataire des marchandises ; il incombe à l'administration de démontrer qu'elle disposait des informations nécessaires à la liquidation de la taxe ;
- la rendre redevable de la taxe l'obligerait à violer le secret des correspondances garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 226-15 du code pénal ; elle l'obligerait également à violer le principe de protection des données personnelles garanti par la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et par le règlement relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
- la base d'imposition est erronée dès lors que l'administration n'a pas tenu compte des remboursements effectués après les règlements effectués directement par Or Postal à ses clients.
Par des mémoires, enregistrés les 19 juillet 2018, 22 novembre 2019 et 16 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée à l'appui d'une réclamation tendant à la décharge d'une imposition primitive ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire distinct, enregistré le 6 novembre 2019, la société Efilog, représentée par Me A..., demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 150 VK du code général des impôts.
Par une ordonnance du 16 janvier 2020, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a refusé la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Efilog.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observatins de Me A..., représentant la SARL Efilog.
Une note en délibéré, produite pour la SARL Efilog, a été enregistrée le 11 septembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Efilog, l'administration fiscale lui a notifié, par proposition de rectification du 24 juillet 2013, des rappels de taxe forfaitaire sur les métaux précieux et de contribution au remboursement de la dette sociale au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2012 ainsi que des amendes, pour chacune de ces années, sur le fondement de l'article 1761 du code général des impôts. Ces impositions et amendes ont été mises en recouvrement le 14 novembre 2014 pour un montant total, en droits et pénalités, de 227 643 euros. Après le rejet, par décision du 6 août 2015, de sa réclamation préalable, la société a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes la décharge de ces impositions et amendes. Elle relève appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 150 VK du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I. - La taxe est supportée par le vendeur ou l'exportateur. Elle est due par l'intermédiaire domicilié fiscalement en France participant à la transaction et sous sa responsabilité ou, à défaut, par le vendeur ou l'exportateur. (...) ". Aux termes de l'article 74 S quinquies de l'annexe II à ce code dans sa rédaction applicable : " Pour l'application du I de l'article 150 VK du code général des impôts, l'intermédiaire s'entend de toute personne domiciliée fiscalement en France participant à la transaction qui agit au nom et pour le compte du vendeur ou de l'acquéreur, ou qui fait l'acquisition du bien en son nom concomitamment à sa revente à un acquéreur final. (...) ". En vertu de ces dispositions, les ventes, autres que celles effectuées dans le cadre de l'exercice d'une activité commerciale professionnelle, de métaux précieux, de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité sont, à moins d'une option du vendeur pour le régime d'imposition des plus-values de cession défini à l'article 150 UA du code général des impôts, soumises à une taxe qui, lorsqu'un intermédiaire participe à la transaction, doit être versée par celui-ci ou, à défaut, par le vendeur.
3. Il résulte du contrat dénommé " contract to provide logistics service " conclu entre la société Efilog, qui exerce une activité de prestataire dans le domaine du e-commerce, et la société Sigma Response Trading LP, qui a pour objet le commerce d'or et de métaux précieux et dont Or Postal est le produit, ainsi que des faits exposés par les parties que la transaction, consistant en la cession à titre onéreux par des particuliers d'or, de bijoux ou de métaux précieux, se déroule de la manière suivante : après que les clients potentiels sont entrés en contact par téléphone ou internet avec la société Sigma Response Trading LP, la société Efilog, à qui la société Sigma Response Trading LP a transféré un fichier avec les coordonnées des clients, envoie à chaque client un kit personnalisé, dit " kit Or Postal ". Ce dernier remplit son kit et l'adresse en retour, par enveloppe prépayée, à l'adresse située à La Flèche de la société Efilog. Après déballage des kits renvoyés par les clients, enregistrement et reconditionnement, la société Efilog envoie les marchandises au laboratoire situé au Royaume-Uni exerçant pour la société Sigma Response Trading LP, qui procède à son expertise et à son estimation. La société Sigma Response Trading LP définit alors le montant proposé au client pour l'achat de la marchandise et prépare un courrier notifiant au client qui a choisi le paiement par virement le montant proposé ainsi que le chèque aux clients qui ont choisi le paiement par chèque. Les courriers à destination des clients, à en-tête " Or Postal " sont édités et envoyés, à partir des fichiers informatiques établis par la société Sigma Response Trading LP, par la société Maileva, société sous-traitante. Si le client n'est pas satisfait de l'évaluation faite de la marchandise qu'il a envoyée, il renvoie le chèque qu'il a reçu à la société Efilog. Cette dernière compile les chèques retournés sur un tableau Excel et les adresse à la société Sigma Response Trading LP. La société Sigma Response Trading LP renvoie alors directement la marchandise au client. En cas de perte ou de dommage, le client envoie sa demande d'indemnisation à la société Efilog.
4. Il résulte des éléments décrits ci-dessus que la société Efilog ne procède à aucune recherche de client ou mise en relation entre la société Sigma Response Trading LP et des clients potentiels, qu'elle n'intervient pas sur la définition de l'objet de la transaction dès lors qu'elle se borne à recevoir les kits " Or Postal " et à les transmettre, après reconditionnement, pour expertise au laboratoire, qu'elle n'intervient pas sur la définition du prix de la transaction dès lors que celui-ci fait suite à l'estimation réalisée par le laboratoire et est fixé par la société Sigma Response Trading LP et qu'elle n'intervient pas directement dans le processus de paiement du prix dans la mesure où aucun flux financier ne transite par ses comptes. Son intervention se limite à une activité d'entremise centrée sur la réception et la transmission des kits ainsi que la réception des chèques retournés par les clients si ceux-ci, insatisfaits de l'estimation, renonçent à la transaction et il n'est pas contesté qu'à aucun moment, les clients de la société Sigma Response Trading LP ne voient apparaître le nom de la société Efilog, notamment en tant que mandataire de la société Sigma Response Trading LP. Par suite, eu égard aux missions qui lui sont dévolues, quand bien même elle constitue indéniablement le relais en France de la société Sigma Response Trading LP et a connaissance de la provenance et de la contenance de l'objet des transactions ainsi que d'une partie des opérations de paiement, elle ne peut être regardée comme un intermédiaire, participant à la transaction et agissant au nom et pour le compte de la société Sigma Response Trading LP, qualité qui la rendrait responsable, en application des dispositions citées au point 2, du paiement de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux.
5. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner sur les autres moyens de la requête, la société Efilog est fondée à solliciter la décharge des rappels de taxe forfaitaire sur les métaux précieux qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2012 ainsi que, par voie de conséquence, dès lors qu'ils reposaient sur ce même fondement, la décharge des contributions supplémentaires au remboursement de la dette sociale à laquelle elle a été assujettie sur le fondement de l'article 1600-0-I du code général des impôts ainsi que la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1761 du code général des impôts. Elle est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
6. Au titre des frais liés au litige, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à verser à la société Efilog et de rejeter la demande relative aux dépens en l'absence de frais exposés à ce titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 8 mars 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La SARL Efilog est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations de taxe sur les métaux précieux et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2012 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1761 du code général des impôts.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SARL Efilog sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SARL Efilog est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Efilog et au ministre des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
F. BatailleLa greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 18NT018622