Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 avril 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 décembre 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2019 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Nantes a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les documents d'état civil qu'il a produits n'étaient pas établis conformément au code civil guinéen ;
- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ; elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée le 27 juillet 2020 au préfet de la Loire-Atlantique, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2020 à 12 heures.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de Me E..., pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 26 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2019 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
2. En premier lieu, à supposer que M. D... ait entendu soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en raison d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation, de tels moyens relèvent du bien-fondé du jugement et sont, par suite, sans incidence sur sa régularité.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
5. Pour justifier de son âge et de son identité, M. D... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un jugement supplétif ainsi que sa transcription dans les registres d'état civil de la commune, mentionnant qu'il est né le 3 mars 2001. Le préfet de la Loire-Atlantique a cependant contesté la valeur probante de ces documents en se fondant sur des éléments d'analyse qui lui ont été communiqués par la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée. Le préfet de la Loire-Atlantique a ainsi relevé le fait que l'acte avait été transcrit dix-sept jours après l'audience du jugement, en violation de l'article 682 du code de procédure civile guinéen, que cet acte ne comportait pas les dates et lieux de naissance des parents de l'intéressé, en violation de l'article 175 du code civil guinéen et que le jugement a été rendu le jour même de l'introduction de la requête, excluant toute possibilité d'enquête réelle sur les déclarations du requérant. Le préfet de la Loire-Atlantique a produit un courriel du 15 février 2019 d'un agent de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée qui confirme le fait que les actes produits par l'intéressé sont apocryphes. S'agissant de la carte consulaire de M. D..., celle-ci, qui a pour seule vocation d'établir la preuve de résidence à l'étranger d'un ressortissant, ne saurait permettre de justifier de l'identité de l'intéressé. Par ailleurs, le préfet de la Loire-Atlantique a rappelé que seul un consul peut légaliser un document d'état civil afin qu'il soit produit en France. Mme B..., attachée consulaire auprès de l'ambassade de Guinée en France, n'avait aucune compétence pour légaliser des actes d'état civil. Le préfet de la Loire-Atlantique produit un rapport de mission en Guinée de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile qui mentionne le fait qu'il est possible d'obtenir facilement un jugement supplétif mentionnant n'importe quelle date de naissance, et ce pour moins d'un euro. Enfin, M. D... n'a apporté aucune justification sur les raisons pour lesquelles il a été contraint de solliciter un jugement supplétif pour justifier de son identité. Au regard de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il existe un contexte de fraude massive à l'état civil en Guinée visant à l'obtention du statut de mineur non accompagné en France, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement se fonder sur l'existence de manoeuvres frauduleuses en vue d'obtenir un droit au séjour pour refuser de délivrer à M. D... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, M. D... se borne à reprendre en appel sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'absence d'examen de sa situation avant l'édiction de la décision portant refus de titre de séjour, de la méconnaissance, par cette décision, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance, par cette décision et celle portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont sont entachées ces décisions. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. En troisième et dernier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit l'être par voie de conséquence. Il en va de même, en l'absence d'annulation de ces deux décisions, pour la décision fixant le pays de destination.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
Le rapporteur,
H. A...Le président,
F. Bataille Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT013592
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