Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 juillet 2020, 11 décembre 2020 et 4 janvier 2021, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 avril 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2018 de la préfète de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisation à travailler dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision portant refus de titre de séjour, des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été signée par une autorité compétente ; elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 novembre 2020 et 16 décembre 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les observations de Me F..., pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 17 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2018 de la préfète de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. A... a soulevé devant le tribunal administratif de Nantes le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant que M. A... avait sollicité un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 de ce code. Par suite, M. A... ne pouvait utilement se prévaloir devant le tribunal administratif de la méconnaissance de l'article L. 313-15. Le tribunal administratif de Nantes, qui a visé ce moyen et a en outre requalifié ce moyen au bénéfice du requérant, doit être regardé comme ayant implicitement écarté ce moyen inopérant. Il suit de là que le tribunal administratif de Nantes n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 juillet 2018 :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté contesté du 18 juillet 2018, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, a été signé par M. G... D..., chef du bureau du séjour de la préfecture de Loire-Atlantique, qui disposait pour ce faire d'une délégation de signature du 9 mai 2018, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs n° 56 le 11 mai 2018 et consultable sur internet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. (...) ". Ces dispositions n'imposent pas, contrairement à ce qui est soutenu, au préfet de saisir les autorités guinéennes afin qu'elles vérifient l'authenticité et l'exactitude des actes d'état civil produits par M. A....
5. En troisième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
7. Pour justifier de son âge et de son identité, M. A... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un jugement supplétif ainsi que sa transcription dans les registres d'état civil de la commune de sa naissance, mentionnant qu'il est né le 12 décembre 1999. La préfète de la Loire-Atlantique a cependant contesté la valeur probante de ces documents en se fondant sur des éléments d'analyse qui lui ont été communiqués par la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée. La préfète de la Loire-Atlantique a ainsi relevé le fait que le jugement supplétif a été rendu le jour même de l'introduction de la requête, excluant toute possibilité d'enquête réelle sur les déclarations du requérant, qu'il a été prononcé à la requête de M. A... alors supposé mineur en méconnaissance des articles 399 et 443 du code civil guinéen, que ce jugement mentionne qu'il devra être transcrit sur le registre de l'année de naissance de l'enfant, et non sur celui de l'année en cours en méconnaissance de l'article 180 du même code et que cet acte ne comportait pas les dates et lieux de naissance des parents de l'intéressé en violation de l'article 175 de ce code. La préfète rappelle également que seul un consul peut légaliser un document d'état civil afin qu'il soit produit en France. Elle produit en outre un courriel d'un agent de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée qui précise que les actes sont apocryphes. Dans ce courriel, l'agent de la section consulaire rappelle d'ailleurs que la recherche de statut de " mineur non accompagné " en France provoque sur le territoire guinéen une fraude massive dans la délivrance des actes d'état civil. Le préfet produit également un second courrier de la section consulaire précisant que Mme C..., attachée consulaire auprès de l'ambassade de Guinée en France, n'a aucune compétence pour légaliser des actes d'état civil. S'agissant de la carte consulaire de M. A..., celle-ci, qui a pour seule vocation d'établir la preuve de résidence à l'étranger d'un ressortissant, ne saurait permettre de justifier de l'identité de l'intéressé. S'agissant du passeport, ce document, qui ne constitue pas un acte d'état civil, n'est, en l'espèce, pas de nature à justifier de son identité dès lors qu'établi le 13 juin 2016, il a pu l'être sur le fondement d'actes d'état civil viciés. La préfète de la Loire-Atlantique produit un rapport de mission en Guinée de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile qui mentionne le fait qu'il est possible d'obtenir facilement un jugement supplétif mentionnant n'importe quelle date de naissance, et ce pour moins d'un euro. Enfin, M. A... n'a apporté aucune justification sur les raisons pour lesquelles il a été contraint de solliciter un jugement supplétif pour justifier de son identité. Au regard de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il existe un contexte de fraude massive à l'état civil en Guinée visant à l'obtention du statut de mineur non accompagné en France, la préfète de la Loire-Atlantique a pu légalement se fonder sur l'existence de manoeuvres frauduleuses en vue d'obtenir un droit au séjour pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans charge de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Guinée où réside son frère. S'il est présent en France depuis plus de trois ans à la date de l'arrêté contesté et a fait preuve d'une bonne intégration scolaire, il ne l'a dû en partie qu'à la faveur de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance en raison de sa minorité, laquelle n'est pas établie. Dans ces conditions, et en dépit de ses efforts de formation et d'insertion professionnelle, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts pour lesquels elle a été prise. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En cinquième lieu, il convient d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté contesté, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. La décision portant refus de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit l'être par voie de conséquence.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT020642
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