Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 février et 27 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait pas mention de ses problèmes de santé et de son suivi médical depuis trois ans, a été prise sans un examen préalable de sa situation, notamment au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard tant des conséquences sur sa situation personnelle que de l'article L. 313-14 et méconnaît la circulaire du 20 janvier 2004 ;
- elle se prévaut de la situation de l'emploi dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, a été prise sans un examen préalable de son état de santé, en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen préalable de sa situation et méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet et 3 août 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante cubaine, née le 13 septembre 1998, relève appel du jugement du 26 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 25 mai 2018 par lequel il a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel elle établit être admissible.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. La décision contestée, qui vise notamment le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondement de la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme D..., l'article L. 313-14 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est motivée par l'absence, d'une part, de liens personnels et familiaux de la requérante en France et, d'autre part, de considérations humanitaires ou circonstances exceptionnelles. Même si Mme D... soutient que l'arrêté ne fait aucunement mention de ses problèmes de santé et de son suivi médical depuis trois ans, la décision est suffisamment motivée en fait et en droit.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme D..., en particulier au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Mme D..., qui a déclaré être entrée en France en juin 2014, résidait en France depuis moins de quatre ans à la date de l'arrêté contesté. Même si, en France, l'intéressée vit chez une tante et est entourée de celle-ci, de sa mère, de sa grand-mère et de sa soeur, il est constant que sa mère n'est titulaire d'aucun titre de séjour et que sa soeur et sa grand-mère sont titulaires de récépissés de demande respectivement de délivrance d'un premier titre de séjour et de renouvellement d'un titre de séjour. Ainsi, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour en France, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, même si la requérante soutient qu'elle n'a plus d'attaches familiales avec son pays d'origine.
5. Les circonstances qui viennent d'être rappelées au point 4 ainsi que le fait que la requérante puisse bénéficier d'une promesse d'embauche du 7 août 2018 pour occuper un emploi à durée indéterminée au sein d'une société de restauration, après avoir obtenu en France son baccalauréat professionnel option cuisine, complété par une mention " organisateur de réceptions " et les craintes de l'intéressée que son diplôme français soit un obstacle pour trouver un emploi à Cuba et qu'elle ne maîtrise plus la langue espagnole ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doit être écarté.
6. Mme D... ne peut pas se prévaloir utilement de la circulaire du 20 janvier 2004, prise sur l'application de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, qui est dépourvue de caractère réglementaire.
7. N'ayant pas présenté de demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la situation de l'emploi dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration en France.
8. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D....
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
11. Dès lors que la décision refusant la délivrance un titre de séjour est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 2, et que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisance motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. Le certificat médical d'un psychiatre du 29 avril 2019, versé par Mme D..., attestant la suivre régulièrement depuis février 2016, n'établit ni que l'interruption de la prise en charge dont elle bénéficie actuellement pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'elle ne pourrait pas avoir effectivement accès à un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen de son état de santé, en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. La décision contestée, qui vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique la nationalité cubaine de Mme D... et précise que celle-ci n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées dans son pays d'origine ou qu'elle y est exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne dans la mesure où elle n'a ni sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ni produit des éléments qui justifieraient de l'existence d'un risque en cas de retour dans son pays d'origine.
15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de Mme D....
16. Mme D... n'apporte aucun élément précis à l'appui de ses allégations relatives aux risques que comporterait pour elle son retour à Cuba. Les moyens tirés de ce que la décision contestée fixant le pays de son renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent, dès lors, être accueillis.
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. B..., président,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.
Le président-rapporteur,
J.-E. B...
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau
H. Brasnu
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00628