Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 février 2019 et 30 octobre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration fiscale a contrôlé la déclaration de la plus-value, que M. A... a réalisée au titre de l'année 2011, dès cette même année et que l'administration fiscale s'était déjà prononcée sur la plus-value litigieuse avant la date d'envoi de l'avis de vérification de comptabilité du 11 octobre 2012 ;
- l'article 151 septies du code général des impôts est applicable à la plus-value réalisée à l'occasion de la cession par M. A... de son fonds de commerce ;
- l'indemnité de 193 669 euros versée à la société à responsabilité limitée (SARL) La Guichardière l'ayant été dans l'intérêt de l'entreprise de M. A..., elle constitue bien une charge déductible du résultat ;
- il n'y a pas eu de manquement délibéré de la part de M. A... et la majoration de 40% n'est donc pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2019, et un mémoire enregistré le 12 novembre 2020 et non communiqué, le ministre chargé des comptes publics demande à la cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 1er avril 2010 au 31 janvier 2011, de l'activité de loueur de fonds de commerce de camping exercée par M. A..., l'administration fiscale a, d'une part, taxé la plus-value, non déclarée, d'un montant de 630 056 euros, réalisée à l'occasion de la cession de ce fonds de commerce, d'autre part, rehaussé les bénéfices industriels et commerciaux, à raison de la remise en cause de la déduction du résultat imposable de cette activité d'une indemnité de 193 669 euros, versée au locataire-gérant. Des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux assorties de pénalités ont été en conséquence mises à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2011 pour un montant global de 333 986 euros, dont les intéressés ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge. Par un jugement du 21 décembre 2018, le tribunal a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Lors de la cession du fonds de commerce de M. A... à la société à responsabilité limitée (SARL) Le Chantilly, une opposition au paiement du prix de vente, en application de l'article L. 141-14 du code de commerce, est intervenue de la part du service des impôts des particuliers de Pornic, le 8 mars 2011, portant notamment sur les impositions en cours d'établissement, relatives à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2011, ce qui a donné lieu à la consignation d'une somme sur un compte d'attente. Toutefois, cet acte extrajudiciaire a le caractère d'une simple mesure conservatoire ayant pour objet de permettre au créancier de faire valoir ses droits postérieurement dans le cadre d'une distribution du prix et ne constitue ni un acte de recouvrement ni même un acte de poursuites. Si M. A... a été reçu, au préalable, par les services fiscaux, il ne s'agissait que de déterminer le montant de la plus-value engendrée par la cession. Il est constant que M. A... a été informé de la vérification de la comptabilité de l'entreprise " M. A... " par un avis du 11 octobre 2012. Il a donné mandat à son comptable pour le représenter et a été présent lors de la première et de la dernière interventions. Il a également fait valoir ses observations à la proposition de rectification du 20 mars 2013. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que M. A... a été privé des garanties substantielles prévues en cas de vérification de comptabilité.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts : " I. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. / II. - Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à : (...) b) 90 000 s'il s'agit d'autres entreprises ou de titulaires de bénéfices non commerciaux ; / 2° Une partie de leur montant (...) lorsque les recettes sont supérieures à 90 000 et inférieures à 126 000 , pour les entreprises mentionnées au b du 1°. ". Ces dispositions conditionnent l'exonération ainsi prévue à l'exercice à titre professionnel des activités qu'elles concernent, en la restreignant au seul bénéfice des activités poursuivies par le contribuable lui-même, et en en excluant les activités mises par lui en location-gérance.
4. M. A..., après avoir exploité, depuis 1993, sous la forme d'une entreprise individuelle, un fonds de commerce à usage de terrain de camping sur le territoire de la commune de la Plaine-sur-Mer, dont les époux A... sont propriétaires, l'a donné en location-gérance à la société à responsabilité limitée (SARL) La Guichardière, dont Mme A... est la gérante, par un contrat conclu le 5 avril 2000. Ce contrat a été résilié le 27 janvier 2011 avec effet au 31 janvier 2011. Le fonds de commerce a été cédé à la SARL Le Chantilly par contrat conclu le 28 janvier 2011 prévoyant le transfert de jouissance au 1er février 2011. Dès lors, à la date de la cession, le 28 janvier 2011, la location-gérance n'avait pas encore pris fin. En tout état de cause, il n'est ni établi ni même allégué que M. A..., dans le cadre de la SARL La Guichardière, dont il détenait 25 % des parts, aurait participé personnellement, directement et de manière continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité du fonds de commerce. Dès lors, les requérants n'établissent pas que M. A... exerçait lui-même une activité professionnelle d'exploitant de camping à la date de la cession du fonds de commerce du camping. Ainsi, M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts.
5. En second lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...) / Toutefois, les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursement de frais (...)./ Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ".
6. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
7. M. A... a versé une indemnité de 193 669 euros à la SARL La Guichardière au cours de l'année 2011. Il ressort de la facture correspondante du 27 janvier 2011 que cette indemnité porte sur la rétrocession du matériel cédé. Toutefois, l'acte de résiliation en date du 27 janvier 2011 du contrat de location-gérance stipule, dans son article 1er, qu'aucune indemnité ne sera accordée de part et d'autre et que le locataire-gérant s'engage à restituer au bailleur le matériel afférent à l'exploitation du fonds de commerce conformément à l'inventaire qui en a été dressé ce même jour. En outre, l'article 9 de l'acte de cession du fonds de commerce stipule que le montant du matériel acquis est de 67 000 euros, en excluant un chalet d'accueil non acquis par la SARL La Guichardière, ce qui ne correspond pas au montant de l'indemnité versée. Enfin, si M. et Mme A... soutiennent que cette rétrocession du matériel par la SARL La Guichadière à M. A... était nécessaire pour la cession du fonds de commerce à la SARL Chantilly, l'article 11 de l'acte de cession du fonds de commerce stipule que l'acquéreur procède à la reprise du matériel qui existe et qui est la propriété de la SARL La Guichardière. Dans ces conditions, à supposer même que la facture du 27 janvier 2011, non numérotée, soit régulière, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que cette indemnité n'a pas été engagée dans l'intérêt direct de l'entreprise " M. A... ".
Sur la majoration pour manquement délibéré :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
9. Pour justifier de l'application des pénalités prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale fait valoir que le caractère délibéré du manquement était établi en raison du fait, d'une part, que M. A... n'a déclaré au titre de son revenu net imposable pour l'année 2011 qu'une somme correspondant à 0,6% du montant de la plus-value en cause et, d'autre part, que les requérants ne pouvaient ignorer que la plus-value ne pouvait bénéficier du régime prévu à l'article 151 septies du code général des impôts, compte tenu de la circonstance que M. A... avait rencontré en 2011 les services fiscaux, accompagné de son comptable, pour déterminer le montant de cette plus-value et permettre à ces services de produire une créance provisionnelle auprès du notaire chargé de la vente. L'administration fait également valoir que M. A... s'était rendu auprès du service comptable de Pornic, qui avait réalisé l'opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce, afin de tenter de se faire remettre la somme bloquée. Par ces éléments, l'administration fiscale établit le caractère délibéré du manquement et par suite le bien-fondé de la pénalité infligée à M. et Mme A.... Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder à M. et Mme A... la décharge de la majoration pour manquement délibéré.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
Le rapporteur,
P. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00763
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