Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 novembre 2017 et 8 février 2019, l'EURL Vaucouleurs, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer les restitutions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision d'admission partielle du 20 mai 2015 laissant à sa charge les reliquats de crédit d'impôt recherche est insuffisamment motivée et méconnaît les dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration, en indiquant dans cette décision qu'elle entendait se conformer à l'avis émis par l'expert mandaté par le ministère de la recherche, qui ne disposait pas des qualifications et des compétences requises pour apprécier le caractère novateur des projets, s'est trouvée en situation de compétence liée ;
- les conclusions de son expertise sont infirmées par un second expert mandaté par le ministère de la recherche au titre des années 2012 à 2014 ;
- les travaux recherche et développement concernant l'intégralité des quatre projets réalisés par sa filiale, la SAS Setur, sont éligibles en totalité au crédit d'impôt recherche ;
- les dotations aux amortissements du projet " Aquaphyltra " devaient être prises en compte pour l'année 2011 ;
- les dépenses en personnels, lesquels ont tous des compétences en matière de recherche et développement, sont, par suite, éligibles au crédit d'impôt recherche.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 avril 2018 et 21 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'EURL Vaucouleurs ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Vaucouleurs, société mère d'un groupe fiscalement intégré, conteste le jugement du 27 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à la restitution des reliquats de créances de crédit d'impôt recherche correspondant aux dépenses que sa filiale intégrée, la SAS Setur, bureau d'études en urbanisme, a engagées à raison de l'éligibilité de quatre projets au crédit d'impôt au titre des années 2009, 2010 et 2011.
2. En premier lieu, l'EURL Vaucouleurs reprend devant la Cour, sans apporter d'élément de droit ou de fait nouveau, ses moyens invoqués en première instance et tirés de ce que la décision d'admission partielle du 20 mai 2015 laissant à sa charge les reliquats de crédit d'impôt recherche serait insuffisamment motivée et de ce que l'administration fiscale, en indiquant dans cette décision qu'elle entendait se conformer à l'avis émis par l'expert mandaté par le ministère de la recherche se serait trouvée, par suite, en situation de compétence liée ainsi que de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ces moyens.
3. En second lieu, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. / (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Il résulte de ces dispositions que ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée.
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.
En ce qui concerne le projet " Aquapluvia " (années 2009 à 2011)
5. Ce projet " Aquapluvia " a pour objet la conception de deux ouvrages de phytoépuration à Vitré/Langouët (Ille-et-Vilaine) et à Vaas (Sarthe) permettant la gestion quantitative (régulation des débits) et qualitative (dépollution des eaux) des eaux pluviales ruisselées sur les surfaces imperméabilisées (parkings, voiries), et réside dans la combinaison de deux technologies existantes (noue de rétention-filtration à écoulement vertical avec bassin de filtration) réunissant les fonctions de stockage et d'épuration.
6. Dans son rapport établi le 11 juin 2014, l'expert de la direction régionale à la recherche et à la technologie, dont au demeurant il n'est pas démontré qu'il ne disposait pas des qualifications et des compétences requises pour apprécier le caractère novateur des quatre projets, a relevé que la finalité de recherche fondamentale et appliquée des deux ouvrages à Vitré/Langouët et à Vaas n'était pas démontrée et que leur réalisation devait être regardée comme s'inscrivant pour partie dans le cadre des activités de maîtrise d'oeuvre urbaine de la société par actions simplifiée (SAS) Setur. Toutefois, il a retenu comme étant des phases éligibles au crédit d'impôt recherche de ce projet la phase de recherche bibliographique, de conception théorique et de calcul du dimensionnement des ouvrages et la phase " recherche et protocole analytique " destinée à tester la performance des ouvrages et à valider le concept de noue rétention-filtration.
7. L'expert a écarté l'éligibilité du projet au crédit impôt recherche du fait que, d'une part, la dernière phase du projet n'avait pas été réalisée en 2011 et, d'autre part, les phases connexes consistant en la réalisation des travaux d'implantation des deux ouvrages s'inscrivaient, comme en 2009 et 2010, dans les activités de maîtrise d'oeuvre de la SAS Setur.
8. La société requérante se prévaut du rapport de l'expert de la direction régionale à la recherche et à la technologie du 6 février 2015 qui a retenu le caractère éligible du projet en notant que les efforts de la société effectués en 2012 et 2013 pour le projet sont tangibles et qu'ils reposent sur une démarche scientifique claire et rigoureuse, laquelle s'inscrit parfaitement dans la recherche de l'amélioration continue des solutions industrielles de l'entreprise apportées notamment aux collectivités. Toutefois, ce rapport ne porte que sur les années 2012 et 2013 qui sont postérieures aux années en litige.
9. L'EURL Vaucouleurs reprend devant la Cour, sans apporter d'élément de droit ou de fait nouveau, son moyen invoqué en première instance et relatif au refus de prendre en compte les dépenses de personnel concernant deux personnes. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.
En ce qui concerne le projet " Aquaphyltra " (années 2009 à 2011) :
10. Ce projet a pour objet la conception d'un système innovant de traitement des eaux usées domestiques produites par de petits collectifs, soit des lotissements de moins de 500 équivalents habitants ou de sites isolés en hameau rural en lieu et place de leur raccordement à une station d'épuration trop éloignée, à des fins notamment de promotion de réutilisation de l'eau en boucle courte, et comporte deux volets pilotes, l'un réalisé à Vitré et l'autre implanté au siège de la société Setur à Chartres-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine).
11. Dans son rapport établi le 11 juin 2014, l'expert de la direction régionale à la recherche et à la technologie a estimé non éligible le projet à Vitré en ce qu'il faisait partie d'une opération d'urbanisation classée en zone d'aménagement concertée dont le financement de la maîtrise d'oeuvre était privé et en l'absence d'investissement de la filiale de la requérante. Toutefois, il a retenu le caractère éligible du pilote " Aquaphyltra-Oséo " à Chartres-de-Bretagne pour les années 2009 et 2010.
12. L'expert a noté l'arrêt définitif du projet en janvier 2011 à la suite d'un dysfonctionnement le rendant inéligible pour l'année en cause.
13. Par ailleurs, la société requérante soutient qu'auraient dû être prises en compte au titre des dépenses éligibles les dotations aux amortissements des installations du pilote " Aquaphyltra-Oséo " reportées sur l'année 2011 mais le projet était compromis dès le début de l'année et aucune demande concernant ces amortissements, à les supposer régulièrement inscrits en comptabilité, n'a été formée par la SAS Setur au titre des deux années précédentes.
14. L'EURL Vaucouleurs reprend devant la Cour, sans apporter d'élément de droit ou de fait nouveau, son moyen invoqué en première instance et relatif au refus de prendre en compte les dépenses de personnel concernant trois personnes. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.
En ce qui concerne le projet " Idées " (années 2010 et 2011) :
15. Ce projet, lancé en 2010 à partir de fichiers Excel, vise à la création d'un outil logiciel support à la décision destiné à évaluer les normes de qualité " Haute Qualité Environnement " (HQE) des opérations d'aménagements urbains à partir de compétences développées par la SAS Setur. Selon l'expert, il a été réalisé en dehors de la cellule recherche et développement de cette société et il s'agit d'un outil de synthèse interne à celle-ci. Ainsi, le projet n'est pas éligible dans son intégralité au dispositif de l'article 244 quater B du code général des impôts.
16. La société requérante se prévaut du rapport de l'expert de la direction régionale à la recherche et à la technologie du 6 février 2015 qui a retenu le caractère éligible du projet en notant que l'évolution du projet, depuis son origine en 2010 jusqu'en 2013 est satisfaisante, s'inscrit dans une démarche de l'entreprise engagée depuis une dizaine d'années et complète les autres projets de recherche relevant davantage de la recherche et du développement technologique. Toutefois, ce rapport ne porte que sur les années 2012 et 2013 qui sont postérieures aux années en litige.
17. Il résulte de ce qui a été dit au point 15 du présent arrêt que le moyen tiré du caractère éligible des dépenses de personnel est inopérant tant au regard de l'application de la loi fiscale que sur le fondement de son interprétation administrative.
En ce qui concerne le projet " Aquaculture " (année 2011) :
18. Le projet a pour objet le développement d'un concept écologique de dépollution des eaux de bassin d'aquaculture en vue de leur réutilisation et de la valorisation de boues produites (principe de circuit court) avec l'installation pilote envisagée en partenariat à Sizun (Finistère). L'expert a relevé que si la réalisation du projet a été réalisée en laboratoire, les travaux d'expérimentation et la mise en place de l'installation pilote n'ont pas été effectués en site naturel. Ainsi, le projet n'est pas éligible dans son intégralité au dispositif de l'article 244 quater B du code général des impôts.
19. Il résulte de ce qui a été dit au point 18 du présent arrêt que le moyen tiré du caractère éligible des dépenses de personnel est inopérant tant au regard de l'application de la loi fiscale que sur le fondement de son interprétation administrative.
20. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Vaucouleurs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Vaucouleurs est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Vaucouleurs et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2019.
Le rapporteur,
J.-E. GeffrayLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03520