Par un arrêt n° 14NT02456 du 16 juin 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par une décision n° 402447 du 30 mai 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la SCI Armor Immo, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 septembre 2014, 4 mai 2015, 25 juin 2015, 28 juin 2018, 20 septembre 2018 et 10 octobre 2018, la SCI Armor Immo, représentée par MeA..., demande, dans le dernier état de ses écritures, à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2007 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'indemnité d'occupation, qui ne rémunère pas la mise à disposition des locaux dont elle est propriétaire au locataire refusant de quitter les lieux mais constitue des dommages et intérêts réparant le préjudice causé par l'occupation illégale de ces locaux, n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; le délai imparti par le juge judiciaire au locataire pour quitter les lieux ne permet pas de regarder ce dernier comme ayant disposé d'un titre juridique lui permettant de se maintenir dans les locaux jusqu'à l'expiration de ce délai ;
- la nature indemnitaire des sommes perçues résulte du paragraphe 21 de l'instruction 3 B-1112 de l'instruction BOI 3-CA du 8 septembre 1994 et du paragraphe 290 de la documentation BOI-TVA-BASE-10-10-10.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 mars 2015, 3 juin 2015 et 29 août 2018, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société civile immobilière (SCI) Armor Immo, l'administration fiscale a estimé que les indemnités d'occupation qui lui ont été versées par la société Serpal du fait de l'utilisation d'un bâtiment industriel situé à Tavaux (Jura), depuis la résiliation, ayant pris effet le 28 avril 2006, du bail commercial qu'elle avait conclu avec cette société, jusqu'au 30 novembre 2007, date à laquelle les locaux ont été effectivement libérés, étaient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Après le rejet de la réclamation préalable, la société a sollicité auprès du tribunal administratif de Rennes la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2007 résultant de cette rectification pour un montant total de 35 501 euros. Par un jugement du 29 juillet 2014, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 16 juin 2016, la cour a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement. Par une décision n° 402447 du 30 mai 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Il résulte de ces dispositions que le versement d'une somme par un débiteur à son créancier ne peut être regardé comme la contrepartie d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée qu'à la condition qu'il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable. N'est en revanche pas soumis à cette taxe le versement d'une indemnité accordée par décision juridictionnelle qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le créancier du fait du débiteur.
3. Il résulte de l'instruction qu'alors que la résiliation du contrat de bail conclu entre la SCI Armor Immo et la société Serpal pour la location d'un bâtiment industriel situé à Tavaux a pris effet le 28 avril 2006, la société Serpal s'est maintenue sans titre dans les locaux précédemment loués jusqu'au 30 novembre 2007, date à laquelle elle a quitté les lieux, en exécution d'une ordonnance du 3 août 2006 du juge des référés du tribunal de grande instance de Dôle, confirmée le 10 janvier 2007 par un arrêt de la cour d'appel de Besançon. Par cette même décision, la société Serpal a été condamnée à verser à la SCI Armor Immo une indemnité d'occupation de 9 435,94 euros par mois, qui visait seulement à compenser le préjudice causé au propriétaire des locaux par l'occupant sans titre et ne peut être regardée comme constituant la rémunération d'une prestation de service à titre onéreux passible de la taxe sur la valeur ajoutée quand bien même le montant de cette indemnité a été fixée par référence à celui du loyer prévu dans le bail qui a pris fin le 28 avril 2006. Il s'ensuit que cette indemnité n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'examiner sur les autres moyens de la requête, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels en litige.
Sur les frais liés au litige :
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SCI Armor Immo sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1201498 du 29 juillet 2014 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La SCI Armor Immo est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2007.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Armor Immo la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Armor Immo et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- Mme Chollet, premier conseiller,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
J. E. Geffray
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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