Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mai 2017 et 3 avril 2018, M. B...A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il appartient à l'administration fiscale de prouver qu'elle a régulièrement notifié la proposition de rectification à la société Etablissements Guillot ;
- la restitution des documents informatisés retraçant la comptabilité de la société Etablissements Guillot est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été opérée auprès du mandataire liquidateur, seul représentant légal ; cette irrégularité a eu une influence sur la procédure et a privé le contribuable d'une garantie dès lors que le mandataire liquidateur aurait pu demander une prolongation du délai de réponse à la proposition de rectification et la contester ;
- l'éventuelle acceptation tacite en l'absence de réponse par la société à la proposition de rectification ne lui est pas opposable ; l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales vise le contribuable et non son ancien dirigeant ou un débiteur solidaire en vertu du principe d'indépendance des procédures ;
- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé sur le moyen relatif à la charge de la preuve auquel il n'a pas répondu ;
- la preuve du bien-fondé des impositions n'est pas rapportée par l'administration fiscale alors que le montant du poste " clients et comptes rattachés " arrêté par le vérificateur au titre de l'exercice clos le 30 juin 2007 est inexact dans la mesure où il n'a pas pris en compte les clients dont la créance faisait l'objet d'une transmission et n'a pas considéré les clients Ateliers du bois, ILPR et Placardecor Distribution comme des clients à l'encaissement ;
- il peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, précisé par les points 120 et 320 de l'instruction BOI-SJ-RES-10-10-20-20120912, de prises de position formelle consistant, d'une part, en la validation lors d'un précédent contrôle fiscal de l'intégration des clients dont la créance avait été transmise dans le dû clients et, d'autre part, en la position que le vérificateur adopte pour les exercices clos en 2005 et 2006 ;
- il démontre que la taxe sur la valeur ajoutée collectée présente dans les comptes ne correspond pas à la taxe sur la valeur ajoutée sur le dû clients, ce qui révèle l'incohérence des rappels qui sont notifiés ;
- contrairement aux préconisations du point 83 de l'instruction administrative 13 N-01-07, les chefs d'insuffisance n'ont pas été envisagés séparément ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors que la société Etablissements Guillot n'a pas, du fait de sa mise en redressement judiciaire, opéré de régularisations au titre de l'exercice clos en 2007 comme pour les années passées et que les insuffisances en base taxable sont très faibles par rapport aux chiffres d'affaires déclarés et procèdent d'erreurs commises involontairement.
Par deux mémoires, enregistrés les 4 décembre 2017 et 24 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par lettre du 13 décembre 2018, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R.611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'omission à prononcer le non-lieu partiel à statuer résultant du dégrèvement intervenu le 16 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
- les observations de MeD..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Etablissements Guillot, dont M. A...était le gérant jusqu'à sa liquidation judiciaire le 27 février 2008, l'administration fiscale a notifié à la société, par propositions de rectification des 17 décembre 2007 et 18 février 2008, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, notamment pour la période du 1er avril 2005 au 30 juin 2007. Les rappels résultant de ce contrôle ont été mis en recouvrement le 7 août 2008 pour un montant total de 228 288 euros. Une mise en demeure de payer la somme de 168 014 euros, incluant les impositions supplémentaires dues pour la période du 1er avril 2005 au 30 juin 2007 et les pénalités, a été adressée le 26 mars 2014 à M.A..., qui est tenu solidairement redevable de ces impositions en application de l'article 1745 du code général des impôts. Après le rejet, par décision du 3 juillet 2014, de sa réclamation préalable, l'intéressé a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes la décharge de ces impositions. Il relève appel du jugement du 23 mars 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. L'administration fiscale a, par une décision du 16 mars 2015, postérieure à l'enregistrement de la demande de M.A..., prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, à hauteur de 1 466 euros au titre de l'exercice clos en 2006. Alors qu'il a mentionné ce dégrèvement dans les motifs de son jugement, le tribunal administratif a omis de prononcer un non-lieu à statuer à concurrence de l'imposition dégrevée. Il y a lieu d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.
3. Dès lors que les premiers juges se sont prononcés au point 10 sur la dévolution de la charge de la preuve, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il a omis de se prononcer sur ce point.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. En premier lieu, la proposition de rectification du 18 février 2008, qui a été adressée à " M. Le représentant légal de la SARL ETS Guillot Jean ", a été distribuée le 20 février 2008. Dès lors que la mise en liquidation judiciaire de la société n'est intervenue que le 27 février 2008 par jugement du tribunal de commerce de Nantes, l'administration fiscale n'a pas, en mentionnant le représentant légal de la société, commis, à cette date, d'erreur sur le destinataire de cette notification.
5. En second lieu, l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dispose que : " I.-Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. (...) L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. (...) ".
6. M. A...soutient à juste titre que la restitution, par courrier du 19 mars 2008, des copies des fichiers contenant les grands livres des comptes des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 de la société Etablissements Guillot a été, à tort, adressée au " représentant légal de la société " à Arthon en Retz dès lors qu'à cette date, la société avait été placée en liquidation judiciaire depuis le 27 février 2008 par jugement du tribunal de commerce de Nantes nommant Me C...comme mandataire liquidateur. Toutefois, cette irrégularité n'a pas eu d'influence sur la décision de rectification et n'a privé le contribuable d'aucune garantie dès lors que cette restitution ne portait que sur des copies de fichiers dont le contribuable est détenteur. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
7. En vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable, qui s'est abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification qui lui a été notifiée dans le cadre de la procédure contradictoire de rectification, peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition en démontrant son caractère exagéré.
8. Il résulte de l'instruction que la société Etablissements Guillot n'a pas répondu à la proposition de rectification du 18 février 2008 qui lui a été notifiée le 20 février 2008 dans le délai de trente jours prévu par la loi. En application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la preuve du caractère exagéré de l'imposition lui incombait. Par voie de conséquence, M. A...ne peut obtenir la décharge ou la réduction des rappels dont le paiement lui est réclamé qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition assignées à la société.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
9. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. L'article 269 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, dispose que : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) / 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b, c, d et e du 1, lors de la réalisation du fait générateur ; (...) / c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ".
10. D'une part, faute de produire les factures correspondant à ces prestations de services permettant de justifier de la date d'exigibilité de la taxe, M. A...n'apporte pas la preuve du caractère exagéré du rappel réclamé au titre de l'exercice clos en 2007 en se bornant à soutenir que la taxe sur la valeur ajoutée est exigible lors de l'encaissement pour les clients Atelier du bois, ILPR et Placardecor Distribution.
11. D'autre part, il n'établit pas davantage, par la production d'une facture de 277 424 euros et d'une liasse fiscale dite " rectificative ", dont aucun élément n'établit le bien-fondé ou le fait qu'elle ait été adressée à l'administration fiscale, que le vérificateur aurait omis de prendre en compte les créances cédées à Oseo avant le 30 juin 2007.
12. Enfin, s'il affirme démontrer l'incohérence des rappels qui ont été notifiés à la société par des rapprochements avec la taxe sur la valeur ajoutée collectée, M. A...ne produit pas, alors que la charge de la preuve lui incombe, les éléments justifiant des corrections qu'il effectue sur les rapprochements effectués par le vérificateur.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
13. Ni le courrier du 17 novembre 2006, non motivé, par lequel le vérificateur a abandonné les rectifications envisagées lors d'un précédent contrôle, ni la méthode employée, différente selon M.A..., par le vérificateur pour les exercices clos en 2005 et 2006 ne constituent des prises de position formelles dont le requérant peut se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
14. M. A...n'est, par ailleurs, pas fondé à se prévaloir des points 120 et 320 de l'instruction BOI-SJ-RES-10-10-20-20120912 qui ne comportent pas une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
Sur les pénalités :
14. D'une part, M. A...se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1729 du code général des impôts du fait du caractère non justifié des pénalités appliquées en l'absence de manquement délibéré. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
15. D'autre part, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir du point 83 de l'instruction administrative 13 N-01-07 qui ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale.
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 15 du présent arrêt que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1407525 du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur l'imposition ayant donné lieu à un dégrèvement du 16 mars 2015 à concurrence de la somme de 1 466 euros.
Article 2 : A concurrence de la somme de 1 466 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M.A....
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT01576
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