Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 avril 2015, MmeD..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2015 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de soixante-quinze euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, son conseil renonçant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
a) s'agissant du refus de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- c'est à tort que le tribunal a refusé de faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cet article prévoit un cas de régularisation exceptionnelle dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de l'administration ; alors même qu'elle est marocaine, elle est éligible à l'attribution d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions puisqu'elle justifie de circonstances humanitaires ou exceptionnelles ;
- les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; elle est parfaitement intégrée sur le territoire ; son éloignement vers le Maroc l'exposerait à une situation d'isolement ;
b) s'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle reprend à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire les mêmes moyens d'illégalité interne que ceux développés à l'encontre du refus de titre de séjour ;
c) s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- le tribunal n'a pas examiné ce moyen.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2015, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 2 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pérez, président-rapporteur.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante marocaine, relève appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant comme pays de destination son pays d'origine ou tout pays pour lequel elle établit être admissible ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée que Mme D...réitère en appel sans apporter de précision nouvelle ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 susvisé : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
4. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que par suite, l'arrêté litigieux ne pouvait, en tant qu'il statuait sur la demande de titre de séjour " salarié ", être fondé sur l'article L. 313-14 ;
5. Considérant, toutefois, que les stipulations de l'accord franco-marocain n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
6. Considérant que la décision contestée, prise à tort sur le fondement de l'article L. 313-14 et motivée par la circonstance qu'aucun motif exceptionnel ou considération humanitaire ne justifiait la délivrance à Mme D...d'un titre de séjour en qualité de salariée, trouve toutefois un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet ainsi qu'il a été dit au point 5 ;
7. Considérant que le préfet a tout d'abord relevé que le droit au travail de l'intéressée était lié à son droit au séjour en qualité de ressortissante étrangère conjointe de français et qu'elle n'avait pas sollicité son changement de statut avant l'expiration de son titre de séjour ; que si Mme D...allègue par ailleurs l'exercice d'une activité professionnelle dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, née en 1987, en instance de divorce et sans enfant, est entrée récemment en France, en 2011, et n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales au Maroc où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans ; que si Mme D...soutient avoir constitué un cercle de relations amicales en France elle ne l'établit pas davantage ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste en estimant que Mme D...ne pouvait pas obtenir, à titre exceptionnel, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et le refus de titre de séjour contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, cette décision n'est pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
8. Considérant, en premier lieu, que Mme D...reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance, tiré du défaut de motivation de cette décision ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nantes ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que l'illégalité du refus de séjour opposé à Mme D...n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée ;
10. Considérant, en dernier lieu, que les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés pour les motifs exposés au point 7 ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée que Mme D...reprend en appel sans apporter de précision nouvelle ;
12. Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'omission à statuer, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
14. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er mars 2016.
Le président-assesseur,
JF. MILLETLe président-rapporteur,
A. PÉREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01198 2
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