Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2015, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 9 juillet 2015 ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Calvados du 14 août 2014, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 21 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de résident de dix ans sur le fondement du 2° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4° ) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au profit de MeD..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la substitution de motif à laquelle le tribunal a procédé le prive d'une garantie procédurale dans la mesure où la décision attaquée n'est fondée que sur la menace à l'ordre public au seul motif de l'existence d'une condamnation pénale et où le préfet n'a pas, en défense, fait valoir que sa décision était justifiée par un autre motif ;
- sa seule condamnation à un mois de prison avec sursis pour utilisation d'un permis de conduire tchadien en août 2008 est ancienne et il a eu un comportement irréprochable depuis, de sorte qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- il ne peut lui être reproché un manque d'intégration républicaine, dans la mesure où le maire n'a pas émis d'avis défavorable sur sa demande, conformément à ce que prévoient les dispositions du 2° de l'article L. 314-2 du CESEDA, et où il réside en France depuis 7 ans, maîtrise parfaitement le français, connaît et respecte les valeurs de la République, a toujours exercé une activité professionnelle, a la garde principale de sa fille et veille à sa scolarisation ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré 1er septembre 2015, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête. Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 9 février 2016 :
- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...relève appel du jugement du 9 juillet 2015, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 août 2014 par laquelle le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer une carte de résident de dix ans sur le fondement du 2° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de la décision de rejet de son recours gracieux ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident peut être accordée : 2° A l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour temporaire et qu'il ne vive pas en état de polygamie (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 314-3 du même code : " La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public. " ; qu'aux termes de l'article L. 314-2 du même code : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 314-10 : " Dans tous les cas prévus dans la présente sous-section, la décision d'accorder la carte de résident (...) est subordonnée au respect des conditions prévues à l'article L. 314-2. " ;
3. Considérant, d'une part, que si M. A...a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Caen du 30 juin 2009, à un mois de prison avec sursis pour avoir, le 25 août 2008, usé d'un faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, afin d'obtenir un permis de conduire français, il ressort des pièces du dossier que depuis ces faits, anciens de six ans à la date de la décision contestée, il ne s'est jamais fait connaître défavorablement des services de police mais a au contraire mené une vie stable, en travaillant et en s'occupant de sa fille, née en 2008, dont il a la garde principale ; que, dans ces conditions, le préfet du Calvados ne pouvait pas, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser le titre de séjour sollicité par M. A...au motif que celui-ci constituerait une menace à l'ordre public ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que M.A..., qui par ailleurs maîtrise la langue française, mène depuis plus de six ans une vie stable et responsable, dans le respect des principes de la République ; qu'en opposant pour la seconde fois les mêmes faits à la demande de carte de résident de l'intéressé pour en déduire le non respect de la condition d'intégration prévue par les dispositions précitées de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Calvados a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Calvados du 14 août 2014 et de la décision de rejet de son recours gracieux ;
Sur les conclusions à fin d'injonction:
6. Considérant que si le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet du Calvados délivre à M. A...la carte de résident qu'il sollicitait, il implique en revanche que le préfet procède à un nouvel examen de sa demande, au regard des motifs du présent arrêt, dans un délai de deux mois à compter de sa notification ;
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
7. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de MeD..., sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 juillet 2015, la décision du préfet du Calvados du 14 août 2014 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par M. A...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de procéder au réexamen de la demande de carte de résident de M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à MeD..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1500 euros au titre des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 9 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er mars 2016.
Le rapporteur,
S. RIMEU
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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