Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2017, M.E..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2017 ;
2°) d'annuler cette décision implicite de refus de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités à MM. C...E...et SulabE...dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer les demandes de visas dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de l'engagement de son avocat à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation quant au lien de filiation ; les certificats de naissance des enfants ne sont pas contestés, dès lors l'identité de ses enfants est établie ; il est dans l'impossibilité de produire des pièces d'identité népalaises pour ses enfants, en l'absence de leur mère, faute pour ces derniers d'être ressortissants de ce pays ; les cartes d'identité scolaires établissent leur identité, ces cartes ayant été rééditées avec des photographies actualisées ; le lien de filiation et les identités ont été contrôlés par les autorités népalaises ; la filiation paternelle est établie par la possession d'état ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cette décision n'est pas motivée ; la communication des motifs de la décision est intervenue tardivement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête et se réfère à ses écritures de première instance.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Degommier,
- et les observations de MeF..., substituant MeD..., représentant M.E....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...E..., réfugié bhoutanais, relève appel du jugement du 2 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a confirmé le rejet de sa demande de visas de long séjour opposée aux jeunes C...et G...E..., qu'il présente comme ses enfants.
2. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'absence de preuve de l'identité des enfants allégués du requérant et, par suite, du lien de filiation avec ce dernier, sur l'absence de jugement confiant la garde des enfants à M.E..., justifiant que l'intérêt supérieur des enfants commande qu'ils restent auprès de leur mère dans leur pays d'origine et sur l'absence de méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement de membres de la famille d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; le défaut de valeur probante des documents destinés à établir l'identité et le lien de filiation entre le demandeur du visa et le membre de la famille qu'il projette de rejoindre sur le territoire français figure au nombre de ces motifs.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. E...a produit à l'appui de sa demande de visas de long séjour des certificats de naissance de ses deux enfants, C...et G..., délivrés par l'hôpital de Pokhara, dont le ministre ne conteste pas la filiation qui y est mentionnée. A supposer même que les enfants soient de nationalité népalaise, le requérant justifie être dans l'impossibilité d'obtenir la délivrance de pièces d'identité des enfants par les autorités népalaises, ainsi qu'il résulte notamment de l'attestation du bureau administratif du district Kaski du 26 janvier 2016. Si la photographie de C...E...n'est pas contemporaine de la délivrance de la carte d'identité scolaire, le principal de l'école secondaire supérieure Motherland a attesté de son identité et confirmé qu'y figurait une photographie actualisée à l'occasion de la réédition de ce document, sollicitée en vue de sa production aux débats ; en outre, par une attestation du 12 janvier 2016, le bureau de Pokhara a fait état de vérifications de l'enregistrement des naissances et du registre de l'hôpital où sont nés les enfants et certifie que les enfants C...et G... sont les enfant de M.E..., photographies d'identité des intéressés à l'appui. Par ailleurs, la mère des enfants a donné, par acte notarié du 25 décembre 2012, son consentement pour confier les enfants à M.E.... Dans ces conditions, et alors que M. E...avait dès sa demande de statut de réfugié, mentionné l'existence de ses deux enfants et qu'il a maintenu avec eux des contacts réguliers tant par des voyages en Inde que par des versements d'argent, la commission de recours, en estimant que les documents présentés pour justifier de l'identité et de la filiation de MM. C...et SulabE...étaient dépourvus de valeur probante, a commis une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; le présent arrêt implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à MM. C...et SulabE..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à Me Leudetdans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2017 et la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à MM. C...E...et SulabE...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser à Me Leudetdans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... E... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIERLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02276