Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, M. B... et Mme A... épouse B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 avril 2019 ;
2°) d'annuler la délibération contestée ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Pouliguen une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- les conseillers municipaux n'ont pas, faute de justificatifs portant sur les données chiffrées contenues dans la note explicative de synthèse, disposé, préalablement au vote de la délibération, d'une information suffisante, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;
- la délibération du 28 octobre 2016 porte atteinte à l'intérêt public communal qui découle de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2020, la commune du Pouliguen, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- faute de contenir des moyens d'appel, la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- les observations de Me G..., substituant Me H... et représentant la commune du Pouliguen.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 28 octobre 2016, le conseil municipal du Pouliguen (Loire-Atlantique) a, notamment, décidé de céder à titre gratuit la parcelle cadastrée AK n° 152p lui appartenant au profit de la société Espace Domicile en vue de la construction de cinq logements locatifs sociaux. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 24 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. et Mme B... soutiennent que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, ils n'assortissent pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
Sur la légalité de la délibération du 28 octobre 2016 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) ". Selon l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ".
4. Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la note de synthèse accompagnant la convocation adressée aux membres du conseil municipal à la séance du 28 octobre 2016 rappelle la carence de la commune au regard de ses obligations en matière de production de logements sociaux sur son territoire, laquelle avait conduit le conseil municipal, par une délibération en date du 27 juin 2013, à approuver, à la demande du préfet de la Loire-Atlantique, la cession gratuite de terrains appartenant à la commune et destinée à accroître le terrain d'assiette d'une opération de construction de logements locatifs sociaux. La note fait ensuite état d'une évolution de ce projet et de la réduction du périmètre de terrain à céder. Elle précise également les modalités de financement de l'opération par les différentes parties et le coût total supporté par la commune à hauteur de 156 381 euros en incluant la moins-value inhérente à la cession à titre gratuit et estimée à 35 000 euros. Elle indique enfin que l'engagement de ces dépenses permettra à la commune de ne pas se voir infliger de pénalités en 2017. Les membres du conseil municipal ont ainsi disposé d'une information suffisante pour exercer utilement leur mandat.
6. D'autre part, les requérants soutiennent que la " note se contente de faire état des données chiffrées sans apporter les justificatifs correspondants ". Toutefois, si les membres du conseil municipal doivent pouvoir, en application des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, obtenir avant la séance la communication des différentes pièces justificatives et documents relatifs à l'objet sur lequel ils sont appelés à délibérer, aucun texte ni aucun principe n'impose au maire de leur communiquer ces pièces et documents en l'absence d'une demande de leur part.
7. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.
8. En second lieu, la cession par une commune d'un terrain pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur, lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes.
9. Par la délibération contestée, le conseil municipal a décidé de céder gratuitement à la société Espace Domicile une parcelle non bâtie d'une superficie de 126 mètres carrés, dont la valeur vénale a été estimée par les services fiscaux à 35 000 euros. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la note de synthèse jointe à la convocation au conseil municipal et de la délibération litigieuse, que cette cession s'inscrit dans une opération locative sociale dont le portage foncier est assuré par l'Agence Foncière de Loire-Atlantique, établissement public local, à la demande du préfet de ce département. Cette opération consiste en la construction de cinq logements locatifs sociaux.
10. La cession litigieuse est consentie au profit d'une société anonyme d'habitations à loyer modéré (SA HLM), organisme privé remplissant une mission de service public tenant à l'amélioration des conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées. Ainsi, elle ne saurait, en principe, constituer une libéralité dont la légalité serait subordonnée à l'existence, l'effectivité et le caractère suffisant de contreparties.
11. Au surplus, d'une part, en décidant d'aliéner le terrain communal à titre gratuit, le conseil municipal a souhaité contribuer à la réalisation d'une opération foncière dont l'objet est de doter le territoire de la commune, conformément aux objectifs assignés par le législateur et déclinés dans le programme local de l'habitat, de logements à caractère social, favorisant ainsi le logement et la mixité sociale. Il a également entendu limiter les prélèvements sur les ressources fiscales de la commune effectués en raison de sa carence en logements sociaux. D'autre part, eu égard à l'opération dans laquelle la cession s'inscrit, la cessionnaire doit être regardée comme s'engageant à construire sur le territoire du Pouliguen cinq logements de type 4 qui seront offerts à la location à des ménages de revenus modestes pour des loyers dont le montant est plafonné réglementairement. La réalisation de ces logements permet à la commune d'atteindre en partie l'objectif de construction de neuf logements locatifs sociaux par an fixé par le programme local de l'habitat. En outre, la moins-value de 35 000 euros à laquelle elle consent sera, ainsi que le prévoient les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 302-7 et du 3° de l'article R. 302-16 du code de la construction et de l'habitation, déduite du prélèvement sur les ressources fiscales auquel sont assujetties les communes qui ne respectent pas leurs objectifs triennaux de production de logements sociaux, lequel prélèvement s'est élevé, pour la commune du Pouliguen, à 52 127,01 euros en 2016. M. et Mme B... soutiennent que ces contreparties sont insuffisantes compte tenu des loyers que la commune pourrait percevoir en louant son terrain et du nombre de logements à créer. Toutefois, ils n'apportent aucun élément permettant d'apprécier le montant des loyers susceptibles d'être perçus par la location de cette parcelle non bâtie d'une superficie de 126 mètres carrés ni de démontrer que ceux-ci auraient été insuffisamment pris en compte dans l'estimation de la valeur vénale du terrain faite par les services fiscaux. Par ailleurs, s'il ressort du procès-verbal de séance du conseil municipal à l'issue de laquelle la délibération contestée a été adoptée que certains conseillers ont souligné le faible nombre de logements au regard du coût total de l'opération foncière pesant sur la commune, lequel, au demeurant, ne se limite pas à la moins-value estimée à 35 000 euros mais s'élève à 156 381 euros, les débats ont également mis en exergue la taille et la qualité des logements destinés à accueillir des familles. Aucune pièce au dossier ne permet de regarder la production de cinq logements sociaux comme significativement en-deçà du potentiel foncier offert par le terrain d'assiette de l'opération, dont la parcelle cadastrée AK n° 152p, objet de la cession litigieuse, ne constitue d'ailleurs qu'une partie. En outre, la moins-value est déductible des prélèvements sur les ressources fiscales quel que soit le nombre de logements prévus.
12. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance des contreparties de la cession et, en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune du Pouliguen, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme B... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ces derniers la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature supportés par la commune du Pouliguen.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme B... verseront à la commune du Pouliguen la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et Mme F... A... épouse B... et à la commune du Pouliguen.
Une copie sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, président-assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
Le rapporteur,
K. C...
Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02317