Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 1er juillet 2020, la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... ;
3°) de mettre à la charge de Mme F... le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions présentées par Mme F... sont irrecevables, faute pour elle de présenter un intérêt à interjeter appel de la décision ;
- l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales a été méconnu dès lors que le président de la communauté de communes était compétent
Par des mémoires en défense enregistrés les 13 février et 10 juillet 2020, Mme A... F..., représentée par Me B..., conclut :
1) au rejet de la requête ;
2) à ce qu'il soit enjoint au président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, à titre principal, de lui délivrer le certificat d'urbanisme demandé ou subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier et a méconnu l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme en omettant de statuer sur tous les moyens présentés ;
- le moyen d'annulation retenu par les premiers juges est fondé ;
- les articles L. 410-1, L. 422-1 et L. 422-3 du code de l'urbanisme ont été méconnus en ce que la demande de certificat d'urbanisme a été instruite par la communauté de communes sans que l'avis du maire de Honfleur n'ait été recueilli ; le président de la commission d'urbanisme, signataire, ne disposait pas d'une délégation régulièrement publiée ;
- le plan local d'urbanisme intercommunal ne peut fonder la décision de classement des terrains en zone N ;
- la loi littoral n'a pas été méconnue ;
- le terrain est équipé par les réseaux publics.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me B..., représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... F... a déposé le 23 novembre 2017 une demande de certificat d'urbanisme opérationnel portant sur la création de deux lots à bâtir pour des constructions à usage d'habitation sur un terrain cadastré section AY n°s 138, 146 et 51. Un certificat d'urbanisme négatif lui a été délivré le 21 décembre 2017 par un arrêté du président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville. L'intéressée a exercé un recours gracieux contre cette décision le 24 janvier 2018, qui a été implicitement rejeté. Par un jugement du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé ces décisions. La communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville relève appel de ce jugement.
Sur la légalité du certificat d'urbanisme négatif du 21 décembre 2017 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article 68 de la loi susvisée du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : " I. - Sans préjudice du III de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existant à la date de publication de la présente loi se mettent en conformité avec ses dispositions relatives à leurs compétences, selon la procédure définie aux articles L. 5211-17 et L. 5211-20 du même code, avant le 1er janvier 2017 (...) ". Selon le 4ème alinéa de l'art L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales : " (...) Le transfert de compétences est prononcé par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés (...) et au 7ème alinéa de ce même article : " L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert de compétences, aux communes qui le composent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. ". Aux termes de l'article L. 5211-20 du même code : " L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les modifications statutaires autres que celles visées par les articles L. 5211-17 à L. 5211-19 et autres que celles relatives à la dissolution de l'établissement. / A compter de la notification de la délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale au maire de chacune des communes membres, le conseil municipal de chaque commune dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer sur la modification envisagée. A défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée favorable. " et aux termes de l'article L. 5211-41 de ce code: " Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre exerce déjà, au lieu et place des communes qui le composent, les compétences fixées par le présent code pour une autre catégorie d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, cet établissement peut se transformer, sous réserve qu'il remplisse les conditions de création, en établissement public de cette catégorie par délibérations concordantes de l'organe délibérant et des conseils municipaux des communes membres se prononçant dans les conditions requises pour la création de l'établissement public de coopération intercommunale. / L'ensemble des biens, droits et obligations de l'établissement public de coopération intercommunale transformé sont transférés au nouvel établissement public qui est substitué de plein droit à l'ancien établissement dans toutes les délibérations et tous les actes de ce dernier à la date de l'acte duquel la transformation est issue (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-41-3 du même code, alors applicable : " I. - Des établissements publics de coopération intercommunale, dont au moins l'un d'entre eux est à fiscalité propre, peuvent être autorisés à fusionner dans les conditions suivantes. / (...) III - Les compétences transférées par les communes aux établissements publics existant avant la fusion, à titre obligatoire, sont exercées par le nouvel établissement public sur l'ensemble de son périmètre. / Sans préjudice des dispositions du II des articles L. 5214-16 et L. 5216-5, les compétences transférées à titre optionnel et celles transférées à titre supplémentaire par les communes aux établissements publics de coopération intercommunale existant avant la fusion sont exercées par le nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sur l'ensemble de son périmètre ou, si l'organe délibérant de celui-ci le décide dans un délai de trois mois à compter de l'entrée en vigueur de l'arrêté décidant la fusion, font l'objet d'une restitution aux communes. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales : " La communauté de commune exerce de plein droit aux lieu et place des communes membres les compétences relevant de chacun des groupes suivant : / 1° aménagement de l'espace pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire; schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur; plan local d'urbanisme, document d'urbanisme en tenant lieu et carte communale/ (...) ".
3. Ainsi ces dispositions organisent, non pas une délégation de compétences, au sens de l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, lequel prévoit qu'" une collectivité territoriale peut déléguer à une autre collectivité relevant d'une autre catégorie ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre une compétence dont elle est attributaire (...) " mais, à la suite de la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale préexistants, un transfert des compétences qui étaient auparavant exercées par chacun des établissements publics de coopération intercommunale au profit du nouvel établissement public de coopération intercommunale du Pays de Honfleur-Beuzeville.
4. En l'espèce, par un arrêté du 23 septembre 2016, le préfet du Calvados a décidé la création, à compter du 1er janvier 2017, d'un nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, issu de la fusion de la communauté de communes du Pays de Honfleur et de la communauté de communes du Pays de Beuzeville. Ce nouvel établissement public de coopération intercommunale est distinct des personnes morales fusionnées et entraîne la dissolution de ces deux communautés de communes, celle du Pays de Honfleur et celle du Pays de Beuzeville.
5. La nouvelle communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville exerce notamment, à compter du 1er janvier 2017, au titre des compétences obligatoires, la compétence en matière d'aménagement de l'espace pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire, schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur, plan local d'urbanisme. Dans ce cadre, ont été reprises les compétences qui étaient exercées par la communauté de communes du Pays de Honfleur portant en particulier sur la gestion d'un service d'instruction des permis de construire, délivrance des permis de construire et autres autorisations administratives d'occupation des sols.
6. Si l'article L. 422-3 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsqu'une commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer la compétence prévue au a) de l'article L. 422-1 qui est alors exercée par le président de l'établissement public au nom de l'établissement. / La délégation de compétence doit être confirmée dans les mêmes formes après chaque renouvellement du conseil municipal ou après l'élection d'un nouveau président de l'établissement public. / Le maire adresse au président de l'établissement public son avis sur chaque demande de permis et sur chaque déclaration préalable. ", ces dispositions n'ont vocation à s'appliquer qu'en présence d'une délégation de compétences mais non d'un transfert de compétences relevant des articles L. 5211-17 et suivants du code général des collectivités territoriales.
7. Il s'ensuit qu'en exigeant que la commune de Honfleur produise la délibération par laquelle elle a délégué la compétence en matière d'autorisation des sols à la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, le tribunal administratif de Caen a méconnu les dispositions, inapplicables en l'espèce, de l'article L. 422-3 du code de l'urbanisme.
8. . Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... tant devant le tribunal que devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme F... :
9. En premier lieu, pour le même motif que celui indiqué ci-dessus, la communauté de communes du Pays de Honfleur, qui exerçait la compétence en matière d'autorisation des sols, ayant transféré cette compétence à la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville, le président de cette communauté de communes n'était pas tenu de consulter le maire de Honfleur sur le territoire de laquelle Mme F... projette d'édifier des habitations.
10. En deuxième lieu, par un arrêté du 6 juillet 2017, le président de la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville a donné délégation de fonction et de signature à M. G..., 5ème vice-président de l'établissement public de coopération intercommunale à l'effet notamment d'exercer les fonctions relatives à la délivrance des autorisations en matière de droit des sols. Par suite, le moyen tiré de l'absence de délégation conférée au 5ème vice-président de la communauté de communes en charge de l'aménagement de l'espace et de l'habitat manque en fait.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que si les parcelles de terrain cadastrées AY, n° 138, 146 et 51 sises sur le territoire de la commune de Honfleur, 73, chemin des Varêts, jouxtent à l'ouest plusieurs parcelles de terrain supportant des constructions implantées le long de la voie publique, elles sont bordées, à l'Est, par un vaste espace naturel lui-même bordé par une autre zone urbanisée. En outre, ces parcelles sont grevées d'une servitude liée au périmètre de protection des monuments naturels et des sites inscrits en raison de la qualité du paysage naturel.
13. De plus, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme intercommunal précise que ce document a pour objectif de lutter contre le mitage du territoire, de modérer la consommation du foncier et de protéger les espaces naturels remarquables tout en confirmant le caractère central de l'agglomération honfleuraise. Le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) de la communauté de communes de Honfleur intégré dans le plan local d'urbanisme intercommunal indique quant à lui que ses auteurs tendent à la maîtrise et l'organisation de l'urbanisation du territoire, à la protection de l'environnement bâti et naturel et des paysages tout en assurant l'attractivité et le dynamisme du territoire. A cet effet sont recherchés la densification des bourgs, villages et hameaux, la réduction de la consommation du foncier par l'urbanisation ainsi que la protection des espaces naturels remarquables et le maintien des coupures d'urbanisation.
14. Il s'ensuit que le classement en zone N des parcelles en cause, permettant un équilibre entre les divers objectifs poursuivis par l'établissement public de coopération intercommunale n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation et n'est pas incompatible avec les objectifs du PADD.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie (...) ".
16. Il ressort des pièces du dossier que si la Saur précise qu'un simple branchement peut être réalisé afin de desservir par les réseaux d'eau potable et d'eaux usées les parcelles concernées, Enedis a, quant à elle, mentionné que la parcelle AY 51 jouxtant la voie publique et desservant les deux autres parcelles situées en second rideau exige plus qu'un simple branchement, qu'une étude devra être faite lors de l'instruction de l'autorisation d'urbanisme et que des travaux d'extension du réseau sont à prévoir à la charge de la collectivité. Il s'ensuit qu'il a été en l'espèce fait une exacte application des dispositions précitées.
17. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 21 septembre 2017 du président de la communauté de communes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme F... doivent par suite être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes des Pays de Honfleur-Beuzeville, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par Mme F... ne peuvent dès lors être accueillies.
20. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme F... une somme de 1 500 euros qui sera versée à la communauté de communes des Pays de Honfleur-Beuzeville au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 29 mai 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Caen et ses conclusions d'appel fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Mme F... versera à la la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Pays de Honfleur-Beuzeville et à Mme A... F....
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez président de chambre,
- Mme E..., président-assesseur,
- Mme Douet, président-assesseur
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
Le rapporteur,
C. E...
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03074