Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2020, Mme E... H... et Mme F... B... C..., représentées par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'admettre provisoirement Mme E... H... au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du 26 février 2020 ;
3°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
4°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme F... B... C... le visa de long séjour sollicité, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à tout le moins, et dans les mêmes conditions, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à un nouvel examen de sa situation;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à leur conseil si Mme H... obtient le bénéfice de l'aide juridictionnelle ou dans le cas contraire à leur verser directement sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
la décision contestée est irrégulière car insuffisamment motivée ;
si l'authenticité du jugement supplétif du 28 décembre 2017 du tribunal de paix de Kinshasa / Assossa peut être contestée, le lien de filiation allégué est établi par le jugement supplétif du 29 juillet 2019 rendu par le même tribunal de paix, lequel était compétent pour rendre ce jugement dès lors que Mme B... C... était devenue majeure.
la possession d'état est établie par les pièces versées au dossier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme E... H... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
le code des relations entre le public et l'administration ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
et les observations de Me D..., représentant Mme H... et Mme B... C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... H..., née le 29 juillet 1973 et de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), est entrée en France le 20 novembre 2013. Elle a déposé une demande de regroupement familial en faveur de Mme F... B... C..., née le 31 janvier 2020 à Kinhasa et qu'elle présente comme sa fille. Cette demande a été accueillie favorablement par le préfet de la Loire-Atlantique suivant une décision du 23 avril 2018. La demande de regroupement familiale a été transmise le 3 mai 2018 au consulat général de France à Kinshasa en vue de la délivrance du visa. Par une décision notifiée le 24 avril 2019, l'autorité consulaire a opposé un refus à cette demande. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté, par une décision implicite intervenue le 6 juillet 2019, le recours formé contre la décision des autorités consulaires. Par un courrier du 30 juillet 2019, la commission de recours a communiqué aux intéressées les motifs de sa décision. Mme H... et Mme B... C... relèvent appel du jugement du 26 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. Par une décision du 15 juin 2020, postérieure à l'introduction de la requête, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme E... H... l'aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions des requérants, tendant à ce que l'intéressée soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
6. Enfin, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère.
7. Il ressort du courrier de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 30 juillet 2019 que pour refuser le visa de long séjour sollicité, la commission s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité et partant le lien familial allégué de Mme B... C... à l'égard de Mme H... n'étaient pas établis dès lors que l'acte de naissance présenté à l'appui de la demande de visa n'est pas conforme à la législation locale du fait qu'il avait été transcrit suivant un jugement supplétif rendu 17 ans et 8 mois après l'événement et qu'aucun élément probant de possession d'état n'a été présenté. Un jugement supplétif d'acte de naissance n'ayant cependant d'autre objet que de suppléer l'inexistence, la perte ou la destruction de cet acte, la commission ne pouvait utilement retenir, compte tenu de la nécessité de présenter un tel acte à l'appui de la demande de visa, le motif tiré de ce que celui contenu dans cette demande a été établi tardivement. Les requérantes reconnaissent néanmoins le caractère non probant de ce jugement dès lors que l'avocat mentionné dans le jugement supplétif a indiqué n'être jamais intervenu dans la procédure et que le tribunal de paix de Kinshasa / Assossa n'a pas été en mesure de retrouver ce jugement.
8. Toutefois, les requérantes ont présenté, en cours d'instance devant le tribunal administratif de Nantes, le jugement supplétif n° R.C.3466/G/18 du 29 juillet 2019 rendu par le tribunal de paix de Kinshasa/ Pont Kasa-Vubu et sa transcription tenant lieu d'acte de naissance n°1979 du 30 septembre 2019 établie par l'officier de l'état civil de la commune de Bandalungwa. Le ministre n'établit pas ni même n'allègue le caractère frauduleux de ces documents. Dans ces conditions, ces documents qui confirment une situation de fait préexistante sont de nature à établir la réalité du lien de filiation allégué. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en refusant de délivrer à Mme B... C... le visa de long séjour qu'elle sollicitait.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme H... et Mme B... C... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande des requérantes. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme F... B... C... un visa de long séjour au titre du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mme H..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant au bénéfice de Mme H... à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 février 2020 et la décision née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contre le recours formé par les requérantes contre la décision du 24 avril 2019 des autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme F... B... C... le visa de long séjour sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme H... et de Mme B... C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Douet, présidente-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2021.
Le rapporteur,
M. G...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01059