Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2018, M. B...et MmeA..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté leur demande dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 6 décembre 2017 ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer à Mme A...un visa d'entrée et de long séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de visa, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- la décision de la commission est insuffisamment motivée tant en droit qu'en fait ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le lien matrimonial étant établi tant par le certificat délivré par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la possession d'état, la demande de substitution de motifs présentée par le ministre étant vouée au rejet ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il indique se référer à ses écritures et pièces de première instance.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les observations de MeD..., substituant Me C...et représentant M. B...et MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. M. E...B..., ressortissant guinéen, né le 7 septembre 1977, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 octobre 2015. La demande de visa présentée sur le fondement de l'article L. 751-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par Mme F...A..., ressortissante guinéenne née le 15 octobre 1988 qu'il présente comme son épouse, a été rejetée par une décision des autorités consulaires françaises à Conakry notifiée le 5 octobre 2017. Le recours formé contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté le 6 décembre 2017 au motif que le lien matrimonial allégué n'était pas établi. M. B...et Mme A...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 6 décembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " I.-Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...), âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage (...) est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / (...) / II - (...) / Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / (...) ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié (...). En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. / (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. / Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. / Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les documents établis par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides font foi, quelle qu'ait été la date de leur délivrance, tant que n'a pas été mise en oeuvre par l'administration la procédure d'inscription de faux prévue aux articles 303 à 316 du code de procédure civile et en cours d'instance à l'article R. 633-1 du code de justice administrative.
4. D'une part, les requérants produisent un certificat de mariage tenant lieu d'acte d'état civil établi le 22 juillet 2016, en application des dispositions précitées de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il ressort de ce document que M. B...a épousé le 5 mars 2013 Mme F...A...née le 15 octobre 1988. En l'absence de mise en oeuvre par le ministre de la procédure d'inscription de faux, ce document fait foi en ce qui concerne l'existence du lien matrimonial unissant M. E...B...et Mme F...A.... Dès lors, en estimant que ce lien n'était pas établi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, à qui il n'appartient pas de mettre en cause le bien-fondé des pièces tenant lieu d'actes d'état civil délivrées par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a commis une erreur d'appréciation.
5. D'autre part, le ministre a demandé aux premiers juges de substituer au motif tenant à l'absence de lien matrimonial établi celui fondé sur le défaut de documents probants attestant de l'identité de la personne ayant présenté la demande de visa. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le passeport guinéen de Mme F...A...sur lequel est apposée la photographie de son titulaire permet de s'assurer de ce que l'auteur de la demande de visa est bien l'épouse de M. B.... A cet égard, le ministre n'apporte aucun élément tangible de nature à démontrer que ce passeport aurait été délivré par les autorités guinéennes sur le fondement de documents frauduleux que ces dernières n'auraient pas été en mesure de déceler.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme F...A...d'un visa de long séjour. Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu de fixer la somme dont le versement à Me C...est, dans les conditions définies à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991, mis à la charge de l'Etat à 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B...et de Mme A...dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 6 décembre 2017.
Article 2 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 6 décembre 2017 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme F...A...un visa d'entrée en France et de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E...B...et à Mme F...A....
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président,
- M. Giraud, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
C. BRISSONLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04148