Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2018, M. F...E..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de représentant légal de son enfant mineur D...H...A...'G..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2018 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 080 euros à lui verser et celle de 6 000 euros à verser à D...N'Djembo Soungou, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter du 25 novembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 392 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative qui sera versée à son conseil au titre de la première instance et, au titre de l'appel, celles de 720 euros à verser à son conseil et de 1 820 euros à lui verser.
Il soutient que :
- le délai de délivrance était anormalement long dès lors que la production d'une nouvelle réquisition du procureur de la République n'était pas nécessaire ;
- la pratique consistant à demander de nouvelles pièces postérieurement à la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est déloyale et illégale puisqu'elle ne pouvait fonder sa décision sur des éléments qui n'ont pas été sollicités ;
- les délais constatés sont exclusivement imputables à l'administration ;
- les autorités consulaires n'ont pas procédé à l'examen de sa demande pendant deux ans ; le délai de délivrance est anormalement long ;
- l'article L 314-11-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;
- les articles 25 de la convention de Genève et l'article L 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été violés ;
- une erreur de droit a été commise quant à la critique de l'acte d'état civil ;
- la critique de l'acte d'état civil est irrecevable et infondée ;
- l'article 47 du code civil a été méconnu ;
- aucune fraude n'a été commise ;
- la possession d'état doit être constatée ;
- les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnus ;
- l'illégalité commise est à l'origine d'un préjudice matériel, d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2019 :
- le rapport de Mme Brisson,
- les observations de Me C...substituant Me B....
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., né au Congo le 3 mai 1970, est entré en France en 2010. Par une décision du 28 février 2012, la qualité de réfugié lui a été reconnue par la Cour nationale du droit d'asile. Par une demande déposée le 7 novembre 2012 et complétée le 26 décembre suivant, il a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour pour l'enfant D...N'Djembo Soungou en qualité d'enfant de réfugié. Après avoir sursis à statuer sur cette demande en application de l'article R. 211-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision expresse de refus a été prise le 16 avril 2014 par les autorités consulaires de Pointe-Noire le 26 février 2013. Le recours formé par l'intéressé le 30 mai 2014 devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté le 17 juillet 2014. Par une ordonnance du 10 octobre 2014, le juge des référés près le tribunal administratif de Nantes a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la demande de visa. Celui-ci ayant été délivré le 21 octobre 2014, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer le 21 octobre 2014. Par une nouvelle requête présentée le 13 mars 2015, M. E...a saisi le tribunal d'une demande tendant à la réparation des préjudices matériels et moraux qu'il estime avoir subis en raison des conditions dans lesquelles le visa sollicité a été refusé avant d'être accordé. Aux termes du jugement du 17 mai 2018, dont le requérant relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Pour refuser à M. E...le visa sollicité en qualité de membre de famille d'un réfugié statutaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la circonstance que le lien familial invoqué par l'intéressé ne pouvait être tenu pour établi au vu des documents d'état civil produits à l'appui de la demande de visa dès lors que l'acte de naissance du 30 mars 2010 a été établi sur une réquisition du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pointe-Noire pour déclaration tardive mentionnant qu'elle a été demandée par D...N'Djembo Soungou, alors âgée de 9 ans, un tel motif était au nombre de ceux pouvant légalement, le cas échéant, justifier un refus de visa. Consécutivement à la production par M. E...d'une nouvelle réquisition aux fins de déclaration tardive de naissance présentée au Procureur de la République le 25 mars 2010 et d'éléments de possession d'état, la réalité du lien de filiation unissant le requérant à la jeune D...n'a plus été contestée par le ministre.
3. Toutefois, eu égard aux modalités dans lesquelles a été délivré le premier acte de naissance communiqué à l'administration, celui-ci ne pouvait, à lui seul, établir la réalité du lien de filiation invoqué. Dans ces conditions, alors que l'administration n'était pas tenue de solliciter des éléments complémentaires et alors même que le formulaire de demande de visa ne mentionne pas la possibilité pour le demandeur de fournir d'autres pièces de nature à justifier du lien familial, au besoin au moyen de la possession d'état, les pièces permettant d'établir la réalité de ce lien n'ont finalement été portées à la connaissance de l'administration qu'à l'occasion du débat contentieux s'étant engagé en mars 2015, soit postérieurement à la date à laquelle est née, le 17 juillet 2014, la décision de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
4. Si la qualité de réfugié de M. E...exigeait que sa demande soit examinée avec une diligence particulière et que l'intérêt de sa fille requérait qu'elle ne reste pas trop longtemps séparée de son père, et alors, que, comme l'ont relevé les premiers juges, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose à l'administration un délai particulier pour se prononcer explicitement sur une demande de visa, la délivrance, dans les conditions qui viennent d'être rappelées du visa de long séjour de D...N'Djembo Soungou ne caractérise en l'espèce ni un dysfonctionnement du service des visas ni un défaut d'examen sérieux de la demande de nature à engager la responsabilité de l'administration. Pour le même motif, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du 8° de l'article L 314-11-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit qu'une carte de résident est délivrée de plein droit aux enfants d'un étranger qui a été reconnu réfugié auraient été méconnues.
5. Il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens tant au titre des frais exposés en première instance que de ceux exposés en appel. Les conclusions présentées à ce titre par M. E...ne peuvent dès lors être accueillies.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E..., est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A...'djembo et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2019 où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2019
Le rapporteur,
C. BRISSONLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT03904