Procédure devant la cour :
I- Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2019 sous le n° 18NT04140, le ministre de l'intérieur, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 septembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par MmeB....
Il soutient que :
- la demande présente en première instance était irrecevable car elle ne comportait que des conclusions à fin d'injonction ;
- le risque de détournement de pouvoir est établi ;
Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2019, MmeB..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de court séjour sollicité à MmeB..., dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins et dans les mêmes conditions, de procéder à un nouvel examen de la demande de visa de court séjour et à ce que la somme de 2000 euros soit mise à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
II- Par une requête enregistrée le 27 novembre 2018 sous le n° 18NT04141, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué.
Il soutient que :
- la demande présente en première instance était irrecevable car elle ne comportait que des conclusions à fin d'injonction ;
- le risque de détournement de pouvoir est établi ;
Par un mémoire en défense enregistré le 15 février 2019, MmeB..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2000 euros soit mise à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Giraud,
- et les observations de MeD..., représentant Mme C...B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...épouseB..., ressortissante algérienne née le 25 mai 1948, a sollicité de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) la délivrance d'un visa de court séjour pour visite familiale. Après le rejet de sa demande, Mme E...épouse B...a formé le 20 mars 2018 un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Elle a demandé l'annulation de la décision du 11 mai 2018 par laquelle la commission a rejeté son recours et confirmé le refus de visa. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et sollicite le sursis à exécution de ce jugement. Ces deux requêtes concernent le même jugement et sont fait l'objet d'une instruction commune. Il ya lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la demande de première instance de MmeB... :
2. Il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes qui s'intitulait " recours pour excès de pouvoir ", accompagnée de la décision attaquée et d'un grand nombre de pièces justifiant sa situation devait être interprétée, comme l'a justement fait le tribunal administratif de Nantes, comme comportant des conclusions à fin d'annulation et des moyens. Dès lors la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur et tirée de ce que la requête ne comportait que des conclusions à fin d'injonction doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Pour rejeter la demande de visa de Mme E...épouseB..., la commission de recours s'est fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
4. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que MmeB..., propriétaire de la maison qu'elle habite perçoit une pension de réversion d'un montant annuel de 177 830 dinars soit 1 306 euros, revalorisée avec effet rétroactif depuis 2015 à 185 327 dinars, soir 1 367 euros. D'autre part, Mme B...a toujours vécu en Algérie, la seule circonstance qu'elle soit veuve et retraitée et que l'ensemble de sa famille réside en France ne suffit pas à caractériser l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, contrairement à ce que soutient le ministre, alors que par ailleurs, quatre de ses huit enfants et certains de ses petits-enfants, dont Monsieur A...B...dont Mme B...indique être très proche, résident sur le territoire algérien. Ainsi, le refus de visa opposé par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 11 mai 2018 de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
6. La cour statue par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du ministre de l'intérieur tendant à l'annulation du jugement attaqué. Sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est, en conséquence, devenue sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, le versement à Mme B...de la somme de1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du ministre de l'intérieur enregistrée sous le n° 18NT04141.
Article 2 : La requête du ministre de l'intérieur enregistrée sous le n° 18NT04140 est rejetée.
Article 3 : Le ministre de l'intérieur versera à MmeB..., une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B....
Délibéré après l'audience du 20 mai 2019, où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin2019.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04140,18NT04141