Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 février 2020 Mme D... G... épouse B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 février 2020 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les refus d'entrée en France du 1er mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer le visa sollicité et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de la demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard en application des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration ;
- une erreur d'appréciation a été commise quant à l'identité et au lien de filiation l'unissant à Jacques Junior Bachirou ;
- la possession d'état doit être constatée ;
- l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2000 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la Cour a désigné Mme C..., président-assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pérez, président de la 2ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- rapport de Mme C...,
- les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... G... épouse B..., ressortissante française, née le 8 décembre 1977, est entrée en France en 2012. Le 4 février 2015, le préfet du Finistère a donné une suite favorable à la demande de regroupement familial déposée par Mme G... épouse B... au profit de son fils allégué, le jeune E... H..., né le 13 juin 1997, ressortissant camerounais. Le 13 mars 2015, une demande de visa de long séjour a été déposée au profit de ce dernier auprès des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun), laquelle a été rejetée le 18 décembre 2016. La commission de recours contre les décisions de refus de visa, saisie le 1er mars 2017, a implicitement confirmé ce refus consulaire en conservant le silence pendant plus de deux mois à compter de sa saisine. Mme G... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette dernière décision, qui s'est substituée à la décision des autorités consulaires du 18 décembre 2016. Par un jugement du 4 février 2020, ce tribunal a rejeté la demande. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". L'alinéa 2 de l'article R. 741-2 de ce code prévoit que la décision de justice " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".
3. Si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens. En l'espèce, le jugement attaqué, rappelle les dispositions de droit applicables en l'espèce et expose de manière précise les motifs de fait ayant conduit le tribunal à rejeter la demande présentée par les requérants. Il a indiqué les éléments de fait sur lesquels il s'est fondé pour estimer que l'identité et le lien de filiation ne pouvaient être regardés comme établis. Ce faisant les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en application des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article L. 232-4 du ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués.".
5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un recours préalable obligatoire fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision se trouve entachée d'illégalité si son auteur n'en communique pas les motifs à l'intéressé dans le délai d'un mois qui suit la demande formée par ce dernier à cette fin dans le délai de recours contentieux. Il est constant que Mme B... n'a pas sollicité de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France la communication des motifs de sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'un défaut de motivation ne peut être qu'écarté.
6. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public au nombre desquels figure le défaut de valeur probante des actes d'état civil produits.
7. Pour refuser de délivrer le visa sollicité, le chef de la section visa de l'ambassade de France au Cameroun s'est fondé sur la circonstance que le document d'état civil produit en vue d'établir l'identité et la filiation du jeune E... F... n'est pas authentique.
8. Les premiers juges, après avoir relevé qu'à la suite de la levée d'acte effectuée par le ministre, l'acte 087/97 transmis par Mme B... correspond en réalité à une autre personne, que le maire de la commune de Campo a attesté que seul l'acte de cette tierce personne a pu être retrouvé dans les registres d'état civil et que la possession d'état ne pouvait être constatée, ont estimé que le lien de filiation entre la requérante et le jeune E... F... ne pouvait être regardé comme établi.
9. Pour contester cette appréciation Mme B... produit devant la cour un jugement du tribunal de premier degré de Kribi du 13 juin 2019 sur la base duquel a été établi un acte de naissance de l'enfant daté du 28 mars 2020.
10. Toutefois, alors que les autorités consulaires n'ont pu procéder à l'examen de l'authenticité de ce document et qu'il n'est ni établi ni même allégué qu'une circonstance aurait pu faire obstacle à ce que l'intéressée produise ce document devant le tribunal administratif avant que celui-ci ne se prononce, la production du jugement du tribunal de Kribi et du nouvel acte de naissance, au demeurant établis postérieurement au constat par l'autorité consulaire du caractère frauduleux des pièces fournies par la requérante, n'est pas, en l'espèce, de nature à permettre de regarder comme établi le lien de filiation allégué.
11. Par ailleurs si la requérante soutient également qu'elle doit être regardée comme justifiant de l'existence d'une possession d'état, les éléments qu'elle produit, à savoir des preuves d'envoi réguliers d'argent à compter de la fin de l'année 2013, des relevés de notes à compter des années scolaires 2015-2016, des justificatifs de voyages au Cameroun effectués en 2009, 2016 et 2019 ainsi que trois photographies ne sont pas à eux seuls, en l'absence notamment de tout justificatifs d'échanges entre les intéressés qu'ils soient téléphoniques épistolaires ou par internet, de nature à établir le maintien d'une relation continue entre les intéressés. Mme B... ne peut ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, être regardée comme justifiant d'une possession d'état.
12. En l'absence de toute démonstration probante du lien de filiation allégué, la requérante n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions en injonction ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées, de même que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G... épouse B..., à M. E... H... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., président,
- Mme Douet, président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.
L'assesseur le plus ancien
H. DOUET
Le rapporteur,
C. C...
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00430