Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 22 mai 2017, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du 4 avril 2017.
Il soutient que :
les autorités consulaires pouvaient légalement refuser le visa sollicité pour un motif d'ordre public dès lors que Mme I...a, d'une part, fait usage de multiples identités pour obtenir un visa pour entrer dans l'espace Schengen et, d'autre part, a présenté des actes d'état civil frauduleux pour justifier de son identité dans le cadre de sa demande de visa ;
faute d'établir la véritable identité de Mme I...et donc sa qualité d'épouse de M.G..., le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
M. G...et Mme I...ont été mis en demeure de présenter leurs observations par courriers du 3 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C...G..., de nationalité congolaise, a sollicité, le 11 juillet 2013, le bénéfice du regroupement familial au profit de Mme B...I..., ressortissante congolaise, née le 16 mai 1985, qu'il présente comme son épouse ; que le préfet de Seine-Saint-Denis a réservé une suite favorable à cette demande par une décision du 12 mai 2014 ; que Mme I...a alors sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Kinshasa la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France, qui lui a été refusé le 23 juin 2014 ; que, le 25 août 2014, M. G...et Mme I...ont saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que, par une décision du 16 octobre 2014, la commission a rejeté leur recours administratif ; que, par un jugement du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande des intéressés, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité ; que le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement ;
2. Considérant, d'une part, qu'en l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où le visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard, et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais sur toute considération d'intérêt général ; que, dans l'appréciation que ces autorités portent sur le comportement d'un étranger qui a utilisé des faux documents pour chercher à pénétrer ou séjourner en France, l'existence d'une menace pour l'ordre public peut résulter des seules conditions de recherche, d'obtention et d'usage de ces faux documents ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
4. Considérant que pour rejeter le recours formé par Mme I...contre la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa ayant refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France au titre du regroupement familial, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est notamment fondée sur la circonstance que " l'intéressée a déposé plusieurs demandes de visas sous différentes identités auprès des ambassades de Belgique, d'Espagne et d'Italie à Kinshasa : de telles demandes relèvent d'une intention frauduleuse portant une atteinte réitérée à l'ordre public " ; qu'il ressort des pièces de première instance que Mme I...avait effectivement déposé deux demandes de visa auprès des autorités belges les 27 mars et 17 avril 2013 pour une visite touristique et la réalisation d'une mission évangélique sous le nom de B...F..., puis une demande de visa touristique auprès des autorités italiennes le 23 janvier 2014 sous le nom de E...H...et, enfin, une demande de visa de court séjour auprès des autorités espagnoles le 21 avril 2014 sous le nom de B...F... ; que de telles tentatives de fraude sont de nature à établir l'existence d'une menace pour l'ordre public, justifiant la décision de refus de visa prise par la commission de recours ;
5. Considérant, par ailleurs, que si la demande de visa a été sollicitée dans le cadre d'une demande de regroupement familial afin que Mme I...puisse rejoindre son mari installé en France, il ressort des pièces du dossier que le mariage a été célébré le 3 mai 2013 à Kinshasa et que M. G...était titulaire, à la date de la décision litigieuse, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée de validité d'un an délivrée le 23 janvier 2014 ; que, dans ces conditions, compte tenu du caractère récent du mariage et des conditions de séjour en France de M. G...à la date de la décision contestée, alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué que la vie conjugale ne pourrait pas se poursuivre dans le pays d'origine des intéressés, le refus de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas porté au droit de Mme I... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus lui a été opposé ; qu'elle n'a donc pas ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, par suite, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 16 octobre 2014 au motif qu'elle aurait été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. G...et Mme I... à l'appui de leur demande ;
8. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 4 que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pouvait fonder sa décision, sans commettre d'erreur d'appréciation, sur la circonstance que Mme I...avait usurpé à plusieurs reprises l'identité d'autrui pour obtenir la délivrance d'un visa ; que si M. G...et Mme I... contestent le second motif retenu par la commission, tiré de ce que la plupart des documents produits sont postérieurs à la demande de visa, il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle s'était seulement fondée sur le premier motif, qui est de nature à justifier légalement la décision en litige ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 16 octobre 2014 ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1501330 du 4 avril 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. G...et Mme I...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. C...G...et à Mme B...I....
Délibéré après l'audience du 23 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président,
- M. L'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 avril 2018.
Le rapporteur,
M. LHIRONDEL
Le président,
S. DEGOMMIER Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01571