Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2016, M. E...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 juillet 2015 ;
2°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il appartient à l'administration d'établir qu'il n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 133-13 du code pénal qui prévoit la réhabilitation de plein droit des personnes physiques ;
les faits invoqués pour déclarer irrecevable sa demande revêtent un caractère ancien alors que, depuis sa condamnation, il s'est instruit, a une vie stable et travaille ; qu'il est parfaitement intégré dans la société française, de sorte que tout risque de récidive doit être écarté ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés et s'en rapporte, à titre subsidiaire, pour le surplus, à ses écritures déposées en première instance concernant l'exposé des motifs de la décision contestée.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code civil ;
le code pénal ;
le code de procédure pénal ;
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
le décret n° 93-1362 du 30 décembre modifié ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant congolais, relève appel du jugement du 20 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mars 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a déclaré irrecevable sa demande d'acquisition de la nationalité française ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 21-23 de ce code : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'est pas de bonnes vie et moeurs ou s'il a fait l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 21-27 du présent code. (...) ; qu'aux termes de l'article 21-27 du même code : " Nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s'il a été l'objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, soit, quelle que soit l'infraction considérée, s'il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis. / (...) Les dispositions du présent article ne sont pas applicables (...) au condamné ayant bénéficié d'une réhabilitation de plein droit ou d'une réhabilitation judiciaire conformément aux dispositions de l'article 133-12 du code pénal, ou dont la mention de la condamnation a été exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire, conformément aux dispositions des articles 775-1 et 775-2 du code de procédure pénale. " ; qu'aux termes de l'article 133-12 du code pénal : " Toute personne frappée d'une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut bénéficier, soit d'une réhabilitation de plein droit dans les conditions prévues à la présente section, soit d'une réhabilitation judiciaire accordée dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. " ; qu'aux termes de l'article 133-13 de ce dernier code : " La réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée qui n'a, dans les délais ci-après déterminés, subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle (...) / 2° Pour la condamnation unique soit à un emprisonnement n'excédant pas un an, soit à une peine autre que la réclusion criminelle, la détention criminelle, l'emprisonnement, l'amende ou le jour-amende, après un délai de cinq ans à compter soit de l'exécution de la peine, soit de la prescription accomplie ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L.133-16 dudit code : " La réhabilitation produit les mêmes effets que ceux qui sont prévus par les articles 133-10 et 133-11. (...) " ;
3. Considérant que, par la décision contestée du 19 mars 2013, le ministre de l'intérieur a déclaré irrecevable, sur le fondement des dispositions précitées des articles 21-23 et 21-27 du code civil, la demande d'acquisition de la nationalité française de M. B...au motif notamment qu'il avait fait l'objet d'une condamnation à une peine de six mois d'emprisonnement pour tentative de vol le 13 octobre 1993 ; qu'il n'est pas contesté que depuis cette condamnation, dont il ressort du bulletin n°2 du casier judiciaire qu'elle a été exécutée, M. B...n'a commis aucun crime ou délit depuis au moins cinq ans à compter de cette exécution ; que, par suite, il a bénéficié de plein droit de la réhabilitation prévue à l'article 133-13 du code pénal et n'entrait pas, dès lors, dans la catégorie des étrangers visés à l'article 21-27 du code civil qui ne peuvent être naturalisés en raison d'une condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement ; qu'en opposant la seule circonstance que le bulletin n° 2 du casier judiciaire du postulant faisait encore mention de ces condamnations, le ministre de l'intérieur a commis une erreur de droit ;
4. Considérant, toutefois, que le ministre a également retenu, sur le fondement de l'article 21-23 du code civil, la circonstance que M.B..., compte tenu des faits ayant donné lieu aux condamnations, ne pouvait être regardé comme de bonnes vie et moeurs au sens de ces dispositions ; que, si M. B...a bénéficié, ainsi qu'il a été dit, d'une réhabilitation de plein droit en application des dispositions de l'article 133-12 et du 2° de l'article 133-13 du code pénal, cette circonstance a eu pour seul effet d'effacer la condamnation pénale dont il a fait l'objet, mais non les faits ayant entraîné sa condamnation ; que, de même, les dispositions de l'article 133-11 du code pénal ne faisaient pas obstacle à la mention de ces faits ; qu'ainsi, les condamnations infligées au requérant ne constituant pas le fondement de la décision contestée, le ministre a pu, à bon droit, invoquer à l'appui de sa décision les faits ayant entraîné la condamnation de M.B... ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a été condamné le 17 février 1989 par le tribunal correctionnel de Paris à quatre mois d'emprisonnement pour un vol commis le 16 février 1989, le 6 novembre 1991 par le tribunal correctionnel de Paris à une amende de 2 000 francs pour outrage à agent ou commandant de la force publique dans l'exercice de ses fonctions pour des faits survenus le 1er février 1991, le 13 octobre 1993, par le tribunal correctionnel de Nanterre, à six mois d'emprisonnement pour une tentative de vol commise le 14 décembre 1992 et, le 8 janvier 2003, par le tribunal correctionnel de Paris à quatre mois d'emprisonnement pour vol facilité par l'état d'une personne particulièrement vulnérable pour des faits commis le 22 février 2000 ; qu'en dépit de leur ancienneté, de tels faits, dont la matérialité n'est pas contestée, étaient, eu égard à leur nature et à leur gravité, propres à faire regarder l'intéressé comme n'étant pas, à la date de la décision contestée, de bonnes vie et moeurs, au sens des dispositions de l'article 21-23 du code civil ; qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre aurait pris la même décision en se fondant sur les seuls éléments défavorables ainsi recueillis sur le comportement de M.B..., lesquels étaient de nature à justifier, sans erreur de droit ni d'appréciation, une telle décision ;
6. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, celles tendant à ce qu'il soit ordonné au ministre de réexaminer la demande de M. B...ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le conseil de M.B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.
Le rapporteur,
M. D...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00246