Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 février 2018, M. D...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 4 août 2015 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un document de circulation pour mineur en faveur de son frère E...;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
la décision contestée est insuffisamment motivée ;
le préfet n'a pas procédé à une étude approfondie de la situation du jeuneE... ;
elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article D. 321-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que le titulaire de l'autorité parentale peut solliciter la délivrance d'un document de circulation, sans qu'il soit nécessaire d'établir un lien de filiation ;
elle est également entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 377 du code civil qui ont été mal interprétées ;
la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'intérêt de l'enfant a été méconnu ;
le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne prenant pas en compte l'intérêt supérieur de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2018, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
le code civil ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code des relations entre le public et l'administration
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
le code de justice administrative
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...B...a sollicité du préfet du Loiret un document de circulation pour étranger mineur en faveur de son frère E...B..., né le 20 septembre 2001 à Bejaïa (Algérie), sur lequel il exerce l'autorité parentale. Par une décision du 4 août 2015, le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer ce document. Le silence conservé par le préfet sur le recours gracieux que lui a adressé le 5 octobre 2015 M. B... a fait naître une décision implicite de rejet. M. B...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 mai 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, le préfet du Loiret fait état dans sa décision du 4 août 2015, pour justifier son refus de délivrance d'un document de circulation opposé à M.B..., d'éléments de faits et de droit relatifs à la situation particulière du jeune E...vis à vis de ses parents et du requérant. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait insuffisamment motivé sa décision et n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de l'enfant doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les mineurs algériens de dix-huit ans résidant en France, qui ne sont pas titulaires d'un certificat de résidence reçoivent sur leur demande un document de circulation pour étrangers mineurs qui tient lieu de visa lorsqu'ils relèvent de l'une des catégories mentionnées ci-après : / a) Le mineur algérien dont l'un au moins des parents est titulaire du certificat de résidence d'un an et qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial ; / b) Le mineur algérien qui justifie par tous moyens avoir sa résidence en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans et pendant une durée d'au moins six ans ; / c) Le mineur algérien entré en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ; / d) Le mineur algérien né en France dont l'un au moins des parents réside régulièrement en France " ;
4. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de délivrance d'un document de circulation au bénéfice d'un étranger mineur qui n'entre pas dans l'une des catégories mentionnées par l'article précité, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'un refus de délivrance d'un tel document ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles " dans toutes les décisions qui concernent les enfants... l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. L'intérêt supérieur d'un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions conventionnelles pour bénéficier du document de circulation prévu par l'article 10 de l'accord franco-algérien précité, lequel ne constitue pas un titre de séjour mais est destiné à faciliter le retour sur le territoire national, après un déplacement hors de France, des mineurs étrangers y résidant, s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l'obligation de présenter un visa.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, que par un jugement du 28 mai 2015 du juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance d'Orléans, M. D...B...s'est vu déléguer totalement l'exercice de l'autorité parentale sur son frère, le jeuneE..., partagé avec ses parents qui résident en Algérie. L'article 377 du code civil, qui concerne la possibilité, pour les parents, de déléguer l'exercice de l'autorité parentale, notamment à un membre de la famille, n'a pas pour objet de modifier le lien de filiation qui unit l'enfant à ses parents légitimes ou naturels. Le jeune E...n'entre pas ainsi dans le cadre des stipulations du a) de l'article 10 de l'accord franco-algérien qui réservent la délivrance du document de circulation pour étrangers mineurs en visant exclusivement la situation des parents de l'enfant. En outre, pour l'application de ces stipulations, le requérant ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article D. 321-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier celles du 2° de cet article, qui concernent la composition du dossier de demande du document de circulation et qui n'ont pas, par suite, pour objet ni pour effet de définir d'autres catégories de mineurs au profit desquels serait délivré un tel document que celles fixées, s'agissant des ressortissants algériens, par l'article 10 de l'accord franco-algérien. Le jeune E...étant né en Algérie et arrivé en France le 14 août 2014 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, il ne relève d'aucune autre des catégories de mineurs de dix-huit ans pour lesquels l'article 10 de l'accord franco-algérien prévoit la délivrance d'un document de circulation.
7. D'autre part, et comme il a été dit, l'intérêt supérieur d'un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions conventionnelles pour bénéficier du document de circulation prévu par les stipulations de l'article 10 de l'accord franco-algérien s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y retourner sans être soumis à l'obligation de présenter un visa. M. B...fait valoir que l'intérêt supérieur du jeune E...est de pouvoir rendre visite à ses parents en Algérie hors des vacances scolaires et de pouvoir revenir en France pour y poursuivre ses études et participer à des voyages scolaires. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parents de cet enfant se trouveraient dans l'impossibilité d'entreprendre eux-mêmes un déplacement en France pour le rencontrer alors que M. B...ne justifie d'aucune autre circonstance particulière qui rendrait nécessaires des voyages réguliers du jeune E...entre la France et son pays d'origine. L'absence de délivrance d'un document de circulation ne fait pas obstacle, à ce que l'enfant puisse effectuer des voyages en sollicitant la délivrance de visas. En se bornant à faire valoir la longueur de la procédure pour obtenir la délivrance d'un tel document, le requérant, qui n'indique pas, au demeurant, avoir effectué une demande en ce sens qui lui aurait été refusée, n'apporte au soutien des ses allégations aucun élément permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé, ni, en tout état de cause, que la soumission aux procédures normales d'obtention d'un visa présenterait pour l'enfant des inconvénients excessifs.
8. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que le préfet du Loiret aurait commis une erreur de droit, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et aurait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant E...garanti par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en refusant de délivrer un document de circulation à son profit doivent être écartés.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 7, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées M. B...ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur
Copie en sera adressée pour son information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
Le rapporteur,
M. F...Le président,
A. PEREZ Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00844