Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2021, M. C... A... et M. B... A..., représentés par Me Le Strat, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne M. B... A... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B... A... le visa sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de Me Le Strat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a jugé irrecevables les conclusions présentées pour M. B... A..., dès lors qu'un refus de visa lui a bien été opposé ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bréchot,
- et les observations de Me Le Strat, représentant MM. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 15 juillet 2016, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a accordé à M. C... A..., ressortissant afghan né en 1967, le bénéfice de la protection subsidiaire. Des demandes de visas d'entrée et de long séjour ont été présentées par son épouse, Mme E... A..., née le 2 février 1968, et quatre de leurs enfants ensemble, D... A..., né le 10 novembre 1999, H... A..., née le 15 octobre 2000, G... A..., née le 10 août 2001 et F... A..., née le 20 août 2002. Les requérants soutiennent qu'une demande de visa d'entrée et de long séjour a également été présentée par M. B... A..., né le 20 octobre 1990. L'autorité consulaire française à Kaboul a refusé de délivrer ces visas. Par courrier daté du 29 août 2017, reçu le 4 septembre 2017, le conseil de M. et Mme A... a exercé un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contre le refus des autorités consulaires de délivrer un visa à l'ensemble des membres de la famille de M. A..., dont M. B... A.... Le silence gardé sur ce recours par la commission a donné naissance à une décision implicite de rejet, dont les consorts A... ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Nantes. M. C... A... et M. B... A... relèvent appel de ce jugement en tant que celui-ci n'a pas fait droit à leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne M. B... A....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué a rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en tant qu'elle concernait M. B... A... et à ce qu'il soit enjoint de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour, au motif qu'aucune demande de visa auprès de l'ambassade de France à Kaboul n'avait été déposée à son nom. Il ressort cependant d'un échange de courriels entre M. C... A... et les services consulaires de l'ambassade de France à Kaboul que le premier a sollicité, le 23 février 2017, un rendez-vous au consulat afin de permettre à son épouse et ses enfants nommément désignés, dont M. B... A..., de présenter une demande de visa au titre de la réunification familiale, et qu'il lui a été répondu que " le rendez-vous pour les membres de votre famille est fixé au 8 mars à 10h00 à l'Ambassade " et que " les enfants âgés de plus de 19 ans ne sont plus concernés par la demande de réunification familiale ". Il ressort par ailleurs du formulaire de demande de visa de long séjour daté du 7 mars 2017 ainsi que des déclarations constantes de M. A..., non sérieusement contredites par le ministre de l'intérieur, que M. B... A... s'est présenté à l'ambassade le 8 mars 2017, avec les autres membres de sa famille, afin de déposer son dossier de demande de visa, mais que les services consulaires ne lui ont pas permis d'accéder au bureau des visas au motif qu'il était âgé de plus de 19 ans et n'entrait donc pas dans le champ d'application des dispositions spécifiques relatives à la réunification familiale. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de considérer qu'un refus verbal de visa a été immédiatement opposé à M. B... A... au moment où il entendait déposer son dossier de demande. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi en tant qu'elle concernait M. B... A.... L'article 4 de son jugement du 26 janvier 2021 doit, dès lors, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les consorts A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., bien qu'âgé de 27 ans à la date de la décision contestée, souffre d'un handicap mental et de troubles psychiatriques. Il n'est pas contesté par le ministre de l'intérieur qu'il était pris financièrement, matériellement et affectivement en charge par les membres de sa famille. Enfin, alors que M. C... A... réside en France en tant que bénéficiaire de la protection subsidiaire, le tribunal administratif de Nantes a annulé les refus de visa opposés à la mère et aux frères et sœurs de M. B... A... et a enjoint au ministre de l'intérieur de leur délivrer les visas d'entrée et de long séjour qu'ils avaient sollicités, ce qui va conduire M. A... à être séparé du reste de sa famille. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, le refus de visa opposé à M. B... A... a porté à son droit à une vie familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.
6. Par suite, la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France doit être annulée en tant qu'elle concerne M. B... A....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de M. A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa d'entrée et de long séjour sollicité par M. B... A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... n'a pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 janvier 2021 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne M. B... A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de M. B... A... tendant à se voir délivrer un visa d'entrée et de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de MM. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2022.
Le rapporteur,
F.-X. BréchotLe président,
A. Pérez
La greffière,
A. Lemée
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT00879