Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 septembre 2020 et le 25 mars 2021, M. B... C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal des enfants mineurs F... et Vickos C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de lui enjoindre, dans les mêmes conditions, de réexaminer les demandes de visa ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le lien qui l'unit aux deux enfants est établi par les pièces versées au dossier et qu'un regroupement partiel ne serait pas de nature à enfreindre le principe d'unité familiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée aux droits protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé en se rapportant notamment à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant centrafricain né le 4 décembre 1976, est entré en France avec sa compagne, Mme H..., le 23 avril 2016. Ils ont obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 mars 2018. Des demandes de visa de long séjour ont été déposées pour les jeunes F... et Vickos C..., nés respectivement le 1er mars 2007 et le 5 janvier 2009, qui se présentent comme les enfants de M. B... C... issus d'une précédente union avec Mme K... I.... Par une décision du 10 juillet 2019, les autorités consulaires françaises à Bangui (République Centrafricaine) ont rejeté leurs demandes. Un recours a été formé contre les décisions des autorités consulaires devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui a été enregistré le 10 septembre 2019. Une décision implicite de rejet est née le 10 novembre 2019 du silence gardé par la commission de recours. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 juillet 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
2. Il ressort des écritures de première instance du ministre de l'intérieur que pour rejeter le recours formé par M. C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dont la décision se substitue à celles des autorités consulaires, s'est fondée sur le motif tiré de ce que la demande porte sur une réunification partielle, en méconnaissance du principe d'unité familiale, sans qu'il soit justifié d'un motif tenant à l'intérêt des enfants.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 411-4 du même code : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Selon l'article R. 421-3 de ce code : " Dans le cas où le regroupement sollicité n'est que partiel, la demande comporte en outre : / 1° L'exposé des motifs, tenant notamment à la santé ou à la scolarité du ou des enfants ou aux conditions de logement de la famille, qui justifient, au regard de l'intérêt du ou des enfants, que le regroupement familial ne soit pas demandé pour l'ensemble de la famille ; / 2° La liste de ceux des membres de la famille pour lesquels le regroupement familial est demandé ".
4. Les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile renvoient notamment à l'article L. 411-4 du même code qui prohibe le regroupement partiel sauf pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants, cet intérêt devant alors être exposé dans la demande de visa comme le prévoient les dispositions de l'article R. 421-3 de ce code.
5. En l'espèce, il ressort du formulaire de demande de réunification familiale renseigné par M. C... le 14 mai 2019, que de son union avec Mme K... I... sont nés, outre les jeunes F... et Vickos C... pour qui les demandes de visa de long séjour ont été formées, deux autres enfants, G... C..., né le 4 février 2000 et Sarra (ou Sarah) C..., née le 14 juillet 2005. Si, à la date à laquelle la demande de regroupement familial a été effectuée, Jethro C... était alors âgé de plus de 19 ans et n'entrait pas, par suite, dans le cadre des dispositions du 3° de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la jeune E... C... était, en revanche âgée de 14 ans. Selon ce formulaire, l'ensemble des enfants vit à Bangui. La demande de regroupement partiel ne contenait aucun exposé des motifs de nature à justifier un regroupement partiel tenant à l'intérêt des enfants, le requérant se bornant à indiquer, sans autre précision, souhaiter " laisser Sarah et Jethro avec leur maman au pays ". M. C... fait cependant valoir, ainsi qu'il ressort au demeurant des formulaires de transfert d'argent qu'il a effectué en faveur de ses enfants, que Sarra C... vit, en réalité, avec sa mère et Jethro en République du Congo, de sorte que le regroupement partiel n'aura pas pour effet de remettre en cause le principe d'unité familiale. Toutefois, il ressort du formulaire de demande d'asile que l'ensemble de la fratrie vivait en République du Congo auprès de leur mère. Si, en 2018, soit peu de temps avant la demande de visa, F... et Vickos C... ont regagné la République Centrafricaine, M. C... n'apporte aucune précision sur le motif de leur séparation avec leur mère et le reste de la fratrie et tenant à l'intérêt de ces enfants, ni à l'impossibilité pour ces derniers de revenir vivre auprès des leurs en République du Congo. En particulier, l'attestation de prise en charge de Mme K... I... en date du 11 septembre 2020 n'est assortie d'aucun justificatif permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé, notamment en ce qui concerne le danger présenté pour effectuer le trajet entre Brazzaville et Bangui alors que les enfants ont déjà effectué ce voyage en 2018. Le requérant n'établit pas davantage les motifs tenant à l'impossibilité de pouvoir inclure, dans la demande de regroupement familial, la jeune E... C.... La circonstance que M. C... justifie le lien de filiation l'unissant avec les jeunes F... et Vickos C..., qu'il ait obtenu un jugement de tutelle et qu'il ait communiqué les passeports des enfants pour justifier de leur identité est sans incidence sur la légalité de la décision contestée eu égard à son motif. Par suite, c'est sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce au regard des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé aux enfants du requérant les visas sollicités.
6. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dispose : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatives, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier, d'un part, que les jeunes F... et Vickos C... seraient dans l'impossibilité de rejoindre en République du Congo, leur mère, et leur frère et soeur qu'ils avaient quittés peu de temps avant que ne soient formées les demandes de visa et, d'autre part, qu'il serait dans leur intérêt de les séparer de cette famille pour venir rejoindre leur père. De plus, la décision contestée n'a pas pour objet, en elle-même, d'interdire le regroupement familial souhaité par le requérant qui a la possibilité de déposer un dossier pour l'ensemble de ses enfants âgés au plus de dix-neuf ans. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E:
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Douet, président-assesseur ;
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
Le rapporteur,
M. J...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03124