Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 septembre 2017 et le 3 mai 2019, la commune de Basse-Goulaine représentée par son maire en exercice, par le cabinet d'avocats Aléo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 juillet 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme B...C...devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de Mme C...le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
le jugement attaqué est irrégulier pour ne pas être signé, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
il est également irrégulier pour être insuffisamment motivé en n'ayant pas répondu aux arguments développés en défense par la commune en méconnaissance des dispositions des articles L.9 et R. 741-2 du code de justice administrative ;
contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, alors que les parcelles ou les secteurs dans lesquelles ces parcelles se situent, n'ont pas à être référencées dans le programme local de l'habitat ou le plan local d'urbanisme, les décisions contestées, qui précisent expressément la nature de l'action de ce programme mise en oeuvre, sont suffisamment motivées au regard des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2019, Mme B...C..., représentée par la SARL Antigone, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Basse-Goulaine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête de la commune de Basse-Goulaine n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
le code de l'urbanisme ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
et les observations de MeF..., représentant la commune de Basse-Goulaine, et de MeD..., représentant MmeC....
Une note en délibéré présentée par la commune de Basse-Goulaine a été enregistrée le 6 juin 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...est propriétaire, sur le territoire de la commune de Basse-Goulaine, de trois tènements immobiliers formés respectivement par les parcelles cadastrées section AW n°s 568, 970 et 971, AW n°s 968 et 973 et AW n°s 969 et 972, situées au lieu-dit " Le Chatellier ". Le 24 mars 2015, ces trois tènements ont fait, chacun, l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner. Par trois décisions du 6 mai 2015, le maire de Basse-Goulaine a exercé, au nom de la commune, sur chacun d'eux, le droit de préemption urbain. A la demande de Mme C..., le tribunal administratif de Nantes a annulé, par un jugement du 18 juillet 2017, ces trois décisions. La commune de Basse-Goulaine relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Si la commune de Basse-Goulaine soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas être signé en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il résulte toutefois de l'examen de la minute de ce jugement, jointe au dossier de première instance transmis à la cour, que ce moyen manque en fait dès lors que le président de la formation de jugement, le rapporteur de l'affaire et le greffier de l'audience ont bien apposé leur signature sur ce document.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". L'alinéa 2 de l'article R. 741-2 de ce code prévoit que la décision de justice " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".
5. D'une part, les premiers juges pouvaient, sans entacher leur jugement d'irrégularité, se borner, dans l'analyse des mémoires en défense produits devant eux par la commune de Basse-Goulaine, à relever que cette dernière faisait valoir que les moyens de la demande de Mme C... n'étaient pas fondés, dès lors que ces mémoires se limitaient à la réfutation des moyens présentés par la requérante.
6. D'autre part, si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens. Pour annuler les décisions de préemption contestées, les premiers juges ont retenu, après avoir cité les dispositions du code de l'urbanisme dont ils ont fait application et rappelé la motivation retenue dans les décisions contestées ainsi que les objectifs assignés à la commune de Basse-Goulaine par le programme local de l'habitat (PLH), que faute d'établir que l'action ou l'opération envisagée sur les parcelles en cause se rattachait à l'un des secteurs géographiques répertoriés par ce programme, la commune ne justifiait pas de la réalité d'un projet d'action ou d'une opération d'aménagement répondant à l'un des objets mentionnés à l'article L.300-1 du code de l'urbanisme dans le secteur géographique de ces parcelles. Dans ces conditions, le tribunal a suffisamment motivé sa décision.
7. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ne peuvent être qu'écartés.
Sur la légalité des décisions contestées:
8. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...), la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. Lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat, les exigences résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en oeuvre de ce programme et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe.
10. D'une part, si les décisions de préemption en litige visent les délibérations du conseil de Nantes Métropole des 10 décembre 2010 et 15 décembre 2014, approuvant, respectivement, le programme local de l'habitat et le bilan 2013 de ce programme, elles ne précisent pas à quelle action ou opération d'aménagement de ce programme, l'exercice du droit de préemption se rattache. En outre, il ne ressort pas de ce programme que les parcelles préemptées soient situées dans un des secteurs de la commune dans lesquels des projets et opérations ont été intégrés dans le cadre du programme 2010-2016, ni dans les opérations envisagées au-delà de ce programme. Dès lors, il ne permet pas de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la commune entendait mener dans le secteur géographique de ces parcelles.
11. D'autre part, les décisions de préemption en litige ont été prises afin de constituer une réserve foncière. Après avoir rappelé les objectifs assignés à la commune par le programme local de l'habitat, d'arrêter 50 logements commencés par an dont 13 logements sociaux et que le bilan 2013 de ce programme fait apparaître un déficit de 482 logements sociaux, elles se bornent à faire valoir la nécessité de trouver de nouvelles potentialités d'opérations à lancer sur les années à venir afin de répondre aux objectifs de ce programme. Ces énonciations ne font pas elles-mêmes apparaître la nature du projet d'aménagement envisagé par la collectivité.
12. Il suit de là que la motivation retenue dans ces décisions n'est pas conforme aux exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.
13. Il résulte de tout ce qui précède, que la commune de Basse-Goulaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les trois décisions de préemption du 6 mai 2015.
Sur les frais liés au litige :
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Basse-Goulaine la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de Basse-Goulaine soit mise à la charge de MmeC..., qui n'est pas la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Basse-Goulaine est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme C...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Basse-Goulaine et à Mme B...C....
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président,
M. A...'hirondel, premier conseiller,
M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2019.
Le rapporteur,
M. E...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT02216