Par une requête, enregistrée le 13 avril 2018, la SAS CIDE 14, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du conseil municipal de Lisieux du 28 mars 2017 ;
2°) d'annuler la délibération contestée ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lisieux une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conseillers municipaux n'ont pas bénéficié d'une information suffisante et sincère relativement aux avis émis par France Domaine ;
- l'avis du service des domaines émis en novembre 2016 est insincère ;
- la cession des biens à un prix très inférieur à leur valeur a pour but de consentir une libéralité à M. F...et à la communauté de communes Lintercom.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2018, la commune de Lisieux, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- les observations de MeD..., représentant la SAS CIDE 14 et les observations de MeC..., substituant Me B...et représentant la commune de Lisieux.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 7 février 2017, le conseil municipal de Lisieux a constaté la désaffectation aux besoins du service public et prononcé le déclassement du domaine public de deux bâtiments implantés sur les parcelles cadastrées BI n° 101 et 102 et situés chemin de la Thillaye à Lisieux. Par une délibération du 28 mars suivant, le conseil municipal a autorisé la cession de cet ensemble immobilier au profit de M. F...pour un prix de 200 000 euros et prévu qu'un protocole financier serait établi avec la communauté de communes qui, dans le cadre d'un transfert de compétences, gérait ce bien. La société par actions simplifiée (SAS) Centre d'initiative et de développement d'entreprises de l'agglomération de Lisieux (CIDE 14), qui occupe les bâtiments, relève appel du jugement du 30 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Lisieux du 28 mars 2017.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal ". Le dernier alinéa de l'article L. 2241-1 de ce code dispose : " Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l'avis du service des domaines. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la teneur de l'avis du service des domaines doit, préalablement à la séance du conseil municipal durant laquelle la délibération relative à la décision de cession doit être prise, être portée utilement à la connaissance de ses membres, notamment par la note de synthèse jointe à la convocation qui leur est adressée.
3. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Lisieux a joint à la convocation des membres du conseil municipal à la séance prévue le 28 mars 2017 le projet de délibération autorisant la cession précédé d'une notice explicative. Si ce projet porte la mention " Vu l'avis de France Domaine ", il n'en précise pas la teneur alors pourtant que le dernier avis du service des domaines recueilli le 18 novembre 2016 estime les biens à 220 000 euros tandis que celui recueilli le 24 avril 2016 évalue ces mêmes biens à 542 000 euros. La notice explicative et le projet de délibération n'apportent aucune information de nature à expliquer cette différence substantielle dans l'estimation des bâtiments. Dans ces conditions et alors même que la commission des finances et celle de l'urbanisme auraient examiné la question, les membres du conseil municipal n'ont pas disposé d'une information adéquate leur permettant d'apprécier les conditions de la cession soumise à leur approbation ni n'ont, par suite, été en mesure d'exercer utilement leur mandat, en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales. Cette méconnaissance a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la délibération contestée.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS CIDE 14 est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du 28 mars 2017 et mis à sa charge le versement à la commune de Lisieux d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de procès.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Lisieux d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Lisieux une somme au titre des frais de même nature supportés par la SAS CIDE 14.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 30 mars 2018 est annulé en tant qu'il rejette la demande dirigée contre la délibération du conseil municipal de Lisieux du 28 mars 2017 et met à la charge de la SAS CIDE 14 le versement à la commune de Lisieux de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : La délibération du conseil municipal de Lisieux du 28 mars 2017 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Lisieux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Centre d'initiative et de développement d'entreprises de l'agglomération de Lisieux, à la commune de Lisieux et à M. E...F....
Une copie sera adressée à la communauté d'agglomération " Lisieux-Normandie ".
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :
Mme Brisson, président,
M.A...'hirondel, premier conseiller,
Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2019.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
C. BRISSONLe greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01537