Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2020, le 13 octobre 2020 et le 13 janvier 2021, Mme D... E... veuve H..., Mme A... H..., M. I... H..., M. G... H... et Mme J... H..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la délibération du 3 octobre 2017 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire a approuvé la révision allégée n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune de Pornichet ou, à défaut, l'annuler en tant que la révision allégée qu'elle approuve réduit l'espace boisé classé situé avenue des Evens ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'irrégularité résultant du recours à la procédure de révision allégée ;
- la suppression d'un espace boisé classé impliquait de recourir à la procédure de révision ;
- la concertation ne s'est pas déroulée conformément aux modalités fixées par la délibération prescrivant la révision allégée ;
- aucun débat sur les orientations du plan d'aménagement et de développement durables n'a été tenu au sein du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire ;
- la teneur des avis d'enquête publique était insuffisante ;
- le dossier soumis à enquête publique est entaché de contradiction et d'un défaut de sincérité ;
- tant la réduction que la suppression de l'espace boisé classé des Evens sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 décembre 2020 et le 21 janvier 2021, la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable faute de contenir des moyens d'appel ;
- les moyens soulevés par les consorts H... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- les observations de Me C..., représentant Mme H... et les autres requérants et les observations de Me B..., représentant la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 3 octobre 2017, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire (CARENE) a approuvé la révision allégée n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune de Pornichet (Loire-Atlantique). Les consorts H..., propriétaires d'une maison et d'un terrain sur le territoire de cette commune, relèvent appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête ... Elle contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
3. Contrairement à ce que soutient la CARENE, la requête des consorts H... ne se borne pas à reproduire purement et simplement leur demande devant le tribunal administratif mais comporte, outre un moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, des précisions quant aux raisons pour lesquelles le raisonnement des premiers juges serait, selon eux, erroné. Leur requête satisfait ainsi aux exigences des dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 123-11 du code de l'environnement applicables aux enquêtes publiques organisées dans le cadre de la révision d'un plan local d'urbanisme : " I. - Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. (...) ". L'article R. 123-9 du même code prévoit que l'arrêté d'ouverture d'enquête publique précise notamment l'objet de l'enquête et les caractéristiques principales du projet, plan ou programme.
5. La méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les avis d'enquête publique se bornent à indiquer que cette dernière porterait sur le projet de révision allégée n° 1 soumise à évaluation environnementale ainsi que sur la modification n° 6 du plan local d'urbanisme de Pornichet. S'agissant de la révision allégée, aucune mention n'en précise l'objet, à savoir la réduction de trois espaces boisés classés, ni ne permet d'identifier les espaces concernés. Les caractéristiques principales du projet n'ont ainsi pas été portées à la connaissance du public en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 123-11 du code de l'environnement. Nonobstant la circonstance que le commissaire enquêteur a, dans son rapport, fait état d'un " public nombreux " et souligné l'intérêt manifesté par le public au cours de l'enquête, laquelle, au demeurant, portait également sur la modification n° 6 du plan, cette omission a nui à la bonne information de l'ensemble des personnes intéressées. Dès lors, elle a vicié la procédure et entache la délibération du 3 octobre 2017 d'illégalité.
7. En second lieu, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'un dossier mis à l'enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de cette enquête publique que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population.
8. Il ressort des pièces du dossier que les éléments versés au dossier soumis à enquête publique, en particulier ceux issus de la notice de présentation, sont de nature à créer une confusion entre, d'une part, le périmètre de l'espace boisé classé des Evens et, d'autre part, celui de l'orientation d'aménagement et d'orientation (OAP) prévue sur les parcelles cadastrées n° 477, 521 et 475 dont le classement en espace boisé classé est intégralement supprimé. En outre, ils tendent à présenter l'aménagement d'un " espace vert urbain " au sud du périmètre de l'OAP, sur une superficie de 2 600 mètres carrés, comme correspondant au maintien d'un classement en espace boisé classé pour la même surface. D'ailleurs, le commissaire enquêteur s'est lui-même mépris sur l'étendue du déclassement contesté en relevant qu'il se limitait à 1 900 mètres carrés alors qu'il correspond à 4 500 mètres carrés. De même, si ce déclassement est accompagné d'un classement ponctuel de quelques arbres auquel s'attachent des prescriptions spéciales arrêtées en 2010, lors de l'approbation du plan local d'urbanisme, sur le fondement des dispositions du 2° du III de l'article L. 123-1-5 alors en vigueur du code de l'urbanisme, le dossier est équivoque s'agissant du régime de protection retenu et des contours précis des espaces concernés par cette protection. La mission régionale de l'Autorité environnementale a, de même, estimé que " Le dossier introduit une confusion entre le régime très protecteur des espaces boisés classés et celui qu'il se propose d'y substituer sur les " arbres les plus significatifs " de la partie du site qui ne sera pas construite ". Ces imprécisions et ambigüités ont eu pour effet de nuire à la bonne et complète information de la population. Dès lors, elles ont vicié la procédure et entaché, sur ce point, la délibération contestée d'illégalité.
9. Au regard de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, susceptible de fonder l'annulation de la délibération contestée.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que les consorts H... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, lesquels ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à la CARENE au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la CARENE le versement aux consorts H... de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'ils ont supportés.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juillet 2020 et la délibération du conseil communautaire de la CARENE du 3 octobre 2017 sont annulés.
Article 2 : La CARENE versera aux consorts H... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la CARENE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... veuve H..., première dénommée et à la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire.
Une copie sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente assesseur,
- Mme F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2021.
Le rapporteur,
K. F...
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02271