Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 août 2020 sous le n°20NT02514 et un mémoire enregistré le 9 décembre 2020, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et de l'autorité consulaire française à Oran ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa d'entrée et de long séjour sollicité dans le délai de 48 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de la réalité de leur intention matrimoniale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne représente pas une menace à l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Oran du 2 août 2019 refusant de lui délivrer un visa de long séjour en France en qualité de conjoint d'une ressortissante française.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Le 17 juillet 2018, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse a fait opposition au projet de mariage de M. E... et de Mme D..., ressortissante française. Par un jugement du 23 août 2018, le tribunal de grande instance de Nantes a débouté M. E... et Mme D... de leur demande de mainlevée de cette opposition. Par un arrêt du 16 octobre 2018, la cour d'appel de Toulouse a ordonné la mainlevée de l'interdiction à mariage. M. E... et Mme D... se sont mariés le 12 janvier 2019 à Toulouse. M. E... est retourné en Algérie en avril 2019 afin de solliciter un visa. Pour confirmer le refus de délivrer à M. E... le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la circonstance que le couple n'avait pas de projet concret de vie commune, que M. E... ne participait pas aux charges du mariage selon ses facultés propres et avait conclu au caractère complaisant de son mariage avec Mme D..., contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur, entré en France irrégulièrement et ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 21 septembre 2017.
3. En premier lieu, par courrier du 23 décembre 2019 la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a communiqué à M. E... les motifs de la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable contre la décision de l'autorité consulaire. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée que le requérant reprend en appel sans précisions supplémentaires.
4. En deuxième lieu, l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) le visa pour un séjour d'une durée supérieur à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, sur la base d'éléments précis et concordants, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.
5. Le ministre fait valoir que si M. E... a déclaré avoir rencontré Mme D... en septembre 2017 et avoir emménagé avec elle en novembre 2017 il n'apporte aucune précision sur les circonstances de cette rencontre alors que les intéressés auraient emménagé ensemble après s'être revus " deux ou trois fois " et que M. E..., dont la demande d'asile avait été rejetée, faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire en date du 21 septembre 2017. Par ailleurs, il fait valoir que Mme D... a été mariée par le passé à deux reprises avec des ressortissants algériens et que l'intéressée avait déposé un dossier de mariage avec une autre personne à la mairie de Toulouse en juillet 2017, soit deux ou trois mois avant la date déclarée de sa rencontre avec M. E.... La seule production d'un courrier EDF aux noms des intéressés, daté du mois de juillet 2018, d'attestations succinctes d'une voisine, de deux collègues de Mme D... et d'un commerçant, toutes datées du mois d'août 2018 et faisant état de ce que M. E... et Mme D... étaient vus ensemble depuis quelques mois et d'une attestation non circonstanciée du médecin généraliste de M. E... ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'un projet de vie commune. Si M E... se prévaut du séjour de huit jours de Mme D... à Oran en mars 2020 et des messages échangés par le biais d'un système de messagerie instantanée pour démontrer le maintien des liens entre les époux, tant ce séjour que ces messages sont postérieurs à la décision attaquée. Enfin, la circonstance que la cour d'appel de Toulouse ait ordonné la mainlevée de l'opposition au projet de mariage des intéressés n'est pas, à elle seule, de nature à attester de la sincérité de l'intention matrimoniale. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en considérant que les éléments qui lui avaient été transmis constituaient un faisceau d'indications suffisamment précis et concordants attestant d'une absence de projet concret de vie commune du couple et du caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur et en refusant sur ce fondement de lui délivrer un visa long séjour en qualité de conjoint de français.
6. En troisième lieu, pour les motifs énoncés au point précédent, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de substitution de motifs du ministre de l'intérieur dans son mémoire en défense devant le tribunal, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
8. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. E... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au délivrer le visa sollicité, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. E... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme B..., présidente assesseur,
- M. Lhirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2021.
Le rapporteur,
H. B...
Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02514