Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 septembre 2020 et 28 janvier 2021, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros qui devra être versée à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
sur le refus de titre de séjour :
- le tribunal administratif de Nantes, dans le jugement attaqué, a dénaturé les pièces du dossier entraînant des erreurs de droit ;
- son identité est parfaitement établie conformément à l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en étant entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doit entraîner l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision n'est pas suffisamment motivée, révélant qu'aucun examen particulier de sa situation n'a été effectué.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2021, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me A..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien né le 24 juillet 2001, déclare être entré irrégulièrement en France le 21 novembre 2016. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance le 25 novembre 2016. Il a, par la suite, sollicité du préfet de la Sarthe la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 juillet 2019, le préfet de la Sarthe a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel il établit être admissible. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 11 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande. Il fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le requérant soutient que le tribunal administratif de Nantes, dans le jugement attaqué, a dénaturé les pièces du dossier entraînant des erreurs de droit, un tel moyen qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué, ne peut être utilement invoqué pour contester sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ". En vertu des dispositions de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande notamment les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2 du même code. Aux termes de cet article : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...). ". Aux termes de l'article L. 111-6 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger et rédigé dans les formes usitées dans le pays concerné peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Pour justifier de son état civil, M. C... a présenté au préfet de la Sarthe un acte de naissance n° 219 établi le 27 octobre 2016. Il indique que, faute d'avoir pu produire le jugement supplétif du 16 octobre 2016 auquel se référait cet acte de naissance, il a obtenu un second jugement supplétif, en date du 15 juillet 2019, sur la base duquel a été établi un acte de naissance n° 137. Toutefois, la circonstance que le premier jugement supplétif n'ait pas pu être retrouvé n'explique pas la discordance des numéros d'actes de naissance, le requérant n'apportant aucune justification sur ce point, alors que le second jugement supplétif n'a pas annulé l'acte de naissance n° 219. En outre, le second jugement supplétif n'est pas signé. Dans ces conditions, M. C... ne saurait utilement se prévaloir de l'ordonnance d'ouverture de tutelle du tribunal de grande instance du Mans du 26 janvier 2017 et de l'ordonnance de placement provisoire du 25 novembre 2016 du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Auxerre, dès lors qu'elle se réfère à un rapport d'évaluation indiquant que l'acte de naissance n° 219 ne présente pas de photographies et que ses conditions d'obtention sont sujettes à caution. En raison de ces anomalies graves, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement se fonder sur le seul motif tiré de l'absence de minorité de M. C... pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, si le requérant soutient que le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas les autres critères mentionnés au 2° bis de l'article L. 313-11, ce moyen est sans influence sur la légalité de l'acte.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant est présent sur le territoire français depuis novembre 2016. Cette entrée en France est récente à la date de l'arrêté contesté et il est constant que l'ensemble de sa famille, avec laquelle il n'est pas établi que les liens seraient définitivement rompus, réside au Mali. Dès lors et alors même qu'il est bien intégré en France, où il a noué des relations amicales et où il bénéficie d'une promesse d'embauche pour un travail saisonnier, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. En second lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 6.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. La décision fixant le pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle se réfère notamment aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la circonstance qu'elle ne contrevient pas à ces stipulations, et l'arrêté contesté a précisé que l'intéressé a indiqué avoir quitté son pays d'origine pour ne plus avoir à cultiver la terre tous les jours. Dès lors, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée et il ne ressort pas de cette motivation que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen particulier des risques qu'encourrait M. C... en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
La rapporteure,
P. D...
Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT02754