Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 septembre 2020, M. B... C... N..., Mme D... B... C... et Mme G... B... C..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2020 en tant qu'il a rejeté les demandes concernant Mme D... B... C... et Mme G... B... C... ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté les recours formés par Mme D... B... C... et Mme G... B... C...;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, d'enjoindre dans les mêmes conditions au ministre de procéder à un nouvel examen des demandes de visa de long séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France méconnaît les dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les demanderesses n'étaient pas âgées de plus de 19 ans lors du dépôt de leur demande de visas, l'âge devant s'apprécier à la date de la première demande et non à celle de la seconde demande ;
la décision contestée a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. B... C... N... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
et les observations de Me J..., substituant Me E..., représentant M. C... N... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... N..., ressortissant somalien, né le 1er février 1973, est entré en France le 9 février 2011 et a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 août 2011. Les 11 et 16 avril 2018, Mme K... qu'il présente comme son épouse, I... D..., G... et M... B... C... et MM. Abdirahman, Abdisamad et Mohamed B... C..., qu'il présente comme les enfants du couple, ont sollicité la délivrance de visas de long séjour au titre de la réunification familiale. Par une décision du 6 juin 2019, l'autorité consulaire à Djibouti a refusé de leur délivrer ces visas. En l'absence de réponse par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France au recours formé le 31 juillet 2019 contre cette décision, une décision implicite de rejet est née à compter du 1er octobre 2019. Par un jugement du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision implicite en tant qu'elle a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme K..., à Mme M... B... C... et à MM. Abdirahman, Abdisamad et Mohamed B... C... et a rejeté le surplus de la demande. Les requérants relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours en tant qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme D... B... C... et à Mme G... B... C....
2. En premier lieu, la délivrance des visas d'entrée en France aux membres de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire est notamment régie par les dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi rédigées dans leur rédaction alors applicable issue de la loi du 29 juillet 2015 : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. (...) ". Aux termes de l'article R. 752-1 du même code : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa mentionnée au troisième alinéa du II de l'article L. 752-1 ; elle est déposée auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle résident les membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire ". Ce dernier article, pris pour l'application de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, est entré en vigueur le 1er novembre 2015.
3. Si les requérants soutiennent que M. C... N... a fait connaître à l'administration, dès le mois de février 2012, son souhait d'engager une procédure de réunification familiale en faveur de sa famille comprenant notamment I... D... et G... B... C..., il est constant que cette demande a donné lieu à une décision de refus, notifiée un an plus tard, laquelle n'a pas été contestée. Les requérants ne sauraient utilement alléguer leur inertie pour contester cette décision du seul fait des connaissances lacunaires de la langue française par l'intéressé. Les nouvelles demandes introduites les 11 et 16 avril 2018 devant les autorités consulaires françaises à Djibouti ne sauraient dès lors être regardées comme le prolongement de celle formée en 2012. Dans ces conditions, l'âge auquel la procédure de regroupement familiale a été introduite et qui a donné lieu à la décision implicite de rejet contestée, doit être apprécié, en application des dispositions précitées de l'article R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la date à laquelle les demandes de visa ont été sollicitées auprès des autorités consulaires soit, en l'espèce, le 11 avril 2018 pour Mme G... B... C... et le 16 avril 2018, pour Mme D... B... C.... A ces dates, Mme D... B... C..., née le 5 mai 1997 et Mme G... B... C..., née le 1er juin 1998 étaient âgées de plus de dix-neuf ans. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit, ni fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en refusant, pour ce motif, de délivrer aux intéressées les visas qu'elles sollicitaient. Il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.
4. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dispose : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatives, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
5. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier et n'est pas allégué que I... G... et D... B... C... se trouveraient isolées et sans attaches familiales à Djibouti où elles sont domiciliées. Par ailleurs, M. C... N..., qui est entré en France le 9 février 2011, ne justifie avoir effectué des transferts d'argent au profit de son épouse ou au bailleur de cette dernière que le 9 février 2012 et le 28 novembre 2014, les autres versements des 8 octobre 2018 et des 9 avril, 7 mai et 11 juin 2019 étant postérieurs aux demandes de visa. Il ne s'est rendu à Djibouti pour rencontrer les membres de sa famille qu'à deux reprises du 25 février au 23 mai 2014 puis du 28 avril au 26 juillet 2015. Les conversations électroniques échangées depuis son arrivée en France entre M. B... C... N... et ses deux filles sont concomitantes ou postérieures aux demandes de visa. Dans ces conditions, les requérants n'établissent pas les liens étroits qu'auraient conservés I... G... et D... B... C... avec leur père entre son arrivée en France en 2011 et l'année 2018. Par suite, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne porte pas, en ce qu'elle refuse de délivrer les visas sollicités à I... G... et D... B... C..., une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale eu égard aux buts dans lesquels elle a été prise. Les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent, dès lors, être écartés. En outre, I... G... et D... B... C... étant majeures à la date de la décision contestée, les requérants ne peuvent davantage utilement invoquer la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... C... N... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à I... G... et D... B... C.... Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... C... N... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... N..., à Mme D... B... C..., à Mme G... B... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2021.
Le rapporteur,
M. H...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02894