Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2020, M. B..., représenté par Me E... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard et dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros qui devra être versée à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
sur le refus de titre de séjour :
- la décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnaît l'article L. 313-14 du même code et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français et par conséquent la décision fixant le pays de renvoi.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2021, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 31 octobre 1999, déclare être entré en France le 19 octobre 2015 sans pouvoir justifier d'une entrée régulière. Le 14 mai 2018, il a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 mai 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a pris à son encontre un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 9 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande. Il fait appel de ce jugement.
2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande notamment les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2 du même code. Aux termes de cet article : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...). ". Aux termes de l'article L. 111-6 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger et rédigé dans les formes usitées dans le pays concerné peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Pour justifier de son état civil, M. B... a présenté au préfet de la Loire-Atlantique un jugement supplétif du 4 janvier 2016 ainsi que sa transcription dans les registres d'état civil de la commune le 5 janvier 2016. Le préfet de la Loire-Atlantique a cependant contesté la valeur probante de ces documents en se fondant sur des éléments d'analyse qui lui ont été communiqués par la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée. Le préfet de la Loire-Atlantique a ainsi relevé le fait que l'acte avait été transcrit deux jours après l'audience du jugement, en violation de l'article 601 du code de procédure civile guinéen pour non-respect du délai d'appel, que cet acte ne comportait pas les dates de naissance des parents de l'intéressé, en violation de l'article 175 du code civil guinéen, que le jugement a été rendu le jour même de l'introduction de la requête, excluant toute possibilité d'enquête réelle sur les déclarations du requérant, que le jugement supplétif a été prononcé à la requête d'un tiers et que le juriste du ministère des affaires étrangères guinéen ayant procédé à la légalisation du jugement supplétif et de l'extrait du registre d'état civil n'avait aucune compétence pour ce faire. Si le requérant soutient que les articles précités ne sont pas applicables, il n'est pas établi que les jugements supplétifs relèveraient de la matière gracieuse et que l'article 175 du code civil guinéen n'inclurait pas, s'agissant des mentions relatives aux parents, les actes d'état civil transcrivant un jugement supplétif. De plus, le préfet de la Loire-Atlantique produit un courriel du 16 août 2018 d'un agent de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée qui confirme le fait que les actes produits par l'intéressé sont apocryphes, en raison de la méconnaissance de l'article 601 du code de procédure civile guinéen et de l'article 180 du code civil guinéen et de l'absence de mentions obligatoires. Si le requérant a produit un second jugement supplétif en date du 14 mai 2019, il en ressort, comme cela a été relevé par les premiers juges, que Fodé B... serait le fils F... B... et de Mariama Sylla ", alors que le jugement supplétif du 4 janvier 2016 indique que Fodé B... est le " fils F... et de Yalikha Sylla ". S'agissant du passeport, ce document, qui ne constitue pas un acte d'état civil, n'est, en l'espèce, pas de nature à justifier de l'identité de M. B... dès lors qu'établi le 29 août 2016, il a pu l'être sur le fondement d'actes d'état civil viciés. En outre, le préfet de la Loire-Atlantique produit un rapport de mission en Guinée de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile qui mentionne le fait qu'il est possible d'obtenir facilement un jugement supplétif mentionnant n'importe quelle date de naissance, et ce pour moins d'un euro. Enfin, M. B... n'a apporté aucune justification sur les raisons pour lesquelles il a été contraint de solliciter des jugements supplétifs pour justifier de son identité et sur les discordances entre ces jugements. Dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique a pu, sans commettre d'erreur de droit, estimer que le requérant ne justifiait pas de son état civil et refuser de lui délivrer un titre de séjour.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
6. Le requérant est célibataire et sans enfant. Sa présence sur le territoire français, depuis octobre 2015, soit un peu plus de trois ans à la date de la décision contestée, est relativement récente. Il ne justifie pas de liens personnels ou familiaux intenses, anciens et stables en France, en se bornant à produire une attestation d'une bénévole d'une association. Il n'est pas dépourvu d'attaches, notamment familiales, dans le pays dont il a la nationalité et où il n'est pas dans l'impossibilité de poursuivre sa vie. Ainsi, alors même qu'il aurait été mineur lors de son entrée en France, qu'il est scolarisé au lycée Saint-Félix depuis le mois de septembre 2017 et poursuivait, à la date de la décision contestée, un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) mention " aide à la personne ", le préfet de la Loire-Atlantique, en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise cette décision. Il en résulte que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (...). ". Au vu des motifs indiqués au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. B... en estimant que son admission au séjour ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels qu'il aurait fait valoir.
8. En quatrième et dernier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
La rapporteure,
P. D...
Le président,
F. BatailleLa greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02798