Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2021 sous le n°21NT00561, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 janvier 2021 ;
3°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Nantes ;
Il soutient que :
- le tribunal administratif a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le caractère frauduleux du mariage de M. A..., contracté dans le but de se maintenir en France, est démontré par le faisceau d'indices relevés par l'administration ;
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 mai 2021 et le 10 août 2021, M. A..., représenté par Me Astié, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 18 novembre 1989, a sollicité un visa de long séjour en qualité de conjoint étranger d'une ressortissante française, Mme B... D..., née le 11 septembre 1996, auprès des autorités consulaires françaises à Rabat (Maroc), lesquelles ont rejeté sa demande le 16 décembre 2019. Par une décision du 19 février 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision consulaire. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 7 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 19 février 2020.
2. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...).". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français le visa qu'il sollicite afin de mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.
3. Pour rejeter le visa sollicité, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a retenu qu'il n'y avait pas de preuves suffisamment probantes du maintien d'échanges réguliers et constants entre les époux depuis le mariage, qu'il n'était pas établi qu'ils aient un projet de vie commune ni que M. A... participe aux charges du mariage à proportion de ses facultés et que ces éléments constituaient un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants attestant d'une absence de maintien des liens matrimoniaux et du caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale dans le seul but de favoriser l'établissement du demandeur qui a détourné l'objet d'un visa de court séjour délivré par l'Espagne en 2016 pour résider irrégulièrement en France depuis lors.
4. Pour établir que le mariage de M. A... et Mme D... a été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, le ministre de l'intérieur fait valoir que les circonstances de la rencontre de M. A... et Mme D... apparaissent confuses, que les échanges versés au dossier, à savoir des conversations sur le réseau Facebook ou l'application Snapchat non datées, et les attestations de proches ne sont pas probants et que M. A... s'est maintenu en situation irrégulière pendant plusieurs années. Il ressort des pièces du dossier que M. A... et Mme D... ont contracté mariage le 21 septembre 2019 à Libourne (Gironde). Ils produisent un contrat de bail le 5 janvier 2019 ainsi que plusieurs quittances de loyer à leurs noms. Sont également versées au dossier plusieurs attestations de leurs proches, dont celles des sœurs et de la mère de Mme D..., qui font état de la relation de M. A... et Mme D... à compter du début de l'année 2019. Si les échanges de messages ne permettent pas de confirmer une relation à compter du mois d'août 2018, comme le déclare M. A..., les éléments du dossier rappelés ci-avant justifient d'une vie commune antérieure au mariage. Par ailleurs, postérieurement au départ de M. A... pour le Maroc au mois de novembre 2019, les époux ont maintenu, antérieurement à la date de la décision attaquée, des liens téléphoniques et par messagerie. S'il est constant que M. A... a détourné l'objet du visa de court séjour qui lui avait été délivré en 2016 et s'est maintenu en France pendant plusieurs années, les éléments produits au dossier ne permettent pas d'établir l'absence d'intention matrimoniale de ce dernier et de regarder le mariage des intéressés comme ayant été conclu à des fins étrangères à l'institution matrimoniale. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a inexactement apprécié la situation de l'intéressé en confirmant le refus de visa qui avait été opposé par le consul de France à Casablanca.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission du 19 février 2020.
6. Pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 100 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente assesseur,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2021.
La rapporteure,
H. DOUET
Le président,
A. PÉREZ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT561