Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 décembre 2017 et un mémoire enregistré le 2 octobre 2018, la commune d'Assérac, représentée par MeC..., demande à la cour :
- 1) d'annuler le jugement n° 1510259 du 31 octobre 2017 en tant qu'il a annulé la délibération du 15 juin 2015 en ce qu'elle a classé en zone Ab la parcelle AK n° 139 ;
- 2) de rejeter la demande de M.F... ;
- 3) de mettre à la charge de M. F...une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'erreurs de fait eu égard à la vocation du secteur de Keravelo, la parcelle AK 139 constitue une coupure d'urbanisation, elle est située à proximité du littoral et s'ouvre sur un espace naturel protégé qui s'étend jusqu'au rivage ; elle ne peut être qualifiée de dent creuse ;
- aucun vice de procédure n'a été commis dès lors que le projet de plan local d'urbanisme a fait l'objet d'une modification après l'enquête publique et que cette modification procède de cette enquête ;
- l'article L 121-1 du code de l'urbanisme n'a pas été méconnu : le plan local d'urbanisme a prévu une augmentation des zones destinées à l'habitat dans les centres bourg et les villages ;
- le plan local d'urbanisme est compatible avec le programme local de l'habitat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2018, M. A...F..., représenté par MeB..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à la confirmation du jugement du 31 octobre 2017 ;
- à ce que soit mise à la charge de la commune d'Assérac une somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable comme tardive en méconnaissance de l'article R 811-2 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire, la requête est infondée :
- le secteur de Keravalo est densément construit ;
- la parcelle AK 139 ne constitue pas une coupure d'urbanisation ;
- elle est située dans un secteur urbanisé ;
- elle est caractéristique d'une dent creuse ;
- à titre infiniment subsidiaire :
- les modifications apportées après l'enquête publique ne résultent pas de celle-ci ; la demande de suppression de l'emplacement réservé n° 3 n'a pas été portée à la connaissance du public ;
- les auteurs du plan local d'urbanisme ont méconnu l'article L 121-1 du code de l'urbanisme en augmentant les espaces naturels, en diminuant les espaces agricoles et les espaces urbanisés ou à urbaniser ;
- le plan local d'urbanisme n'est pas compatible avec les objectifs du plan local de l'habitat compte tenu de la diminution des espaces urbanisés ou à urbaniser ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
Le code de l'urbanisme,
Le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- les observations de MeD..., substituant MeC..., représentant la commune d'Assérac, et les observations de MeE..., substituant MeB..., représentant M.F....
Une note en délibéré présentée par M. F...a été enregistrée le 17 octobre 2018.
Une note en délibéré présentée la commune d'Assérac a été enregistrée le 19 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 15 juin 2015, le conseil municipal de la commune d'Assérac a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. M.F..., propriétaire de la parcelle cadastrée AK n°139, sise au lieu-dit Keravelo-Mesquery, a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande à fin d'annulation de cette délibération. La commune d'Assérac relève appel du jugement du 31 octobre 2017 par lequel le tribunal a annulé la délibération du 15 juin 2015 en tant qu'elle a classé en zone Ab la parcelle AK n° 139.
Sur la fin de non-recevoir opposée par M.F... :
2. Aux termes de l'article R 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article R.751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. (...) " et l'article R 751-4-1 dudit code dispose que : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application (...) ".
3. Il ressort de l'examen du dossier de première instance que le jugement dont il est fait appel, a été notifié à la commune dans les conditions prévues à l'article R 751-4-1 du code de justice administrative au moyen de l'application télérecours le 31 octobre 2017 et il en a été accusé réception le même jour ainsi qu'il ressort des mentions de cette application. Par ailleurs, un délai expirant un samedi, un dimanche ou un jour férié est prorogé jusqu'au 1er jour ouvrable suivant. Il s'ensuit qu'en l'espèce, le délai d'appel expirant en principe le 1er janvier 2018 a été prorogé jusqu'au 2 janvier 2018. Par voie de conséquence, M. F...n'est pas fondé à soutenir que la requête de la commune enregistrée au greffe de la cour le 28 décembre 2017 aurait été présentée tardivement. La fin de non-recevoir opposée par ce dernier doit dès lors être écartée.
Sur la légalité de la délibération contestée :
4. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction.
5. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de la commune d'Asserac précise que les secteurs de transition entre des secteurs urbains ou futurs secteurs urbanisés et secteurs agricoles revêtent une sensibilité paysagère particulière et permettent de maintenir des paysages agricoles préservés de toute constructibilité sans toutefois préjuger des orientations en matière de développement urbain à très long terme. Le règlement du plan local d'urbanisme prévoit que la zone A correspond aux secteurs de la commune à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles et comprend notamment un secteur Ab lié aux espaces de transition aux abords du bourg et du village de Mesquéry dans lesquels toute construction nouvelle, y compris celle destinée aux activités agricoles, est interdite.
6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle AK n° 139 d'une superficie de 2 880 m2 environ, est contigüe, au nord, à 5 parcelles, dont 2 ne supportent aucune construction (les parcelles n° 140 et 146) et dont les trois parcelles (n°141, 143 et 145) qui sont bâties ne sont classées en zone Ua que pour les parties de ces biens situées au nord de ces parcelles le long de la route du village de Keravelo, les parties sud étant, quant à elles classées en secteur Ab. La parcelle AK 139 s'ouvre à l'ouest sur le vaste espace naturel protégé en raison de la qualité du site et des milieux bordant le littoral dont elle n'est séparée que par la voie d'axe nord-sud traversant le village de Mesquery. Elle jouxte à l'Est et au sud-est les parcelles n° 90, d'une superficie de près de 5 000 m2, et n° 137 vierges de toute construction, classées en zone Ab du plan local d'urbanisme. Si, au sud-ouest de la parcelle AK 139, deux parcelles (n° 252 et 253) supportent des constructions, la parcelle AK 136 localisée au sud des parcelles AK 137, 252 et 253, est dépourvue de toute construction.
7. Dans ces conditions alors que d'une part, le schéma de cohérence territoriale Cap Atlantique indique que les coupures d'urbanisation ont pour objet, en empêchant que deux secteurs urbanisés ne se rejoignent, d'éviter la linéarité et la banalisation des espaces urbains le long du littoral et que d'autre part, le projet d'aménagement et de développement durable de la commune d'Assérac a pour objectif de privilégier le renforcement de la structure urbaine du bourg et des coeurs de village et de préserver l'environnement, les continuités écologiques ainsi que les espaces agricoles pérennes, la parcelle AK 139, qui ne peut être regardée comme constituant une dent creuse au sein d'un espace urbanisé, caractérise au contraire une coupure d'urbanisation au sein du village de Mesquery.
8. Il s'ensuit, nonobstant la circonstance que la parcelle était précédemment classée en zone Uc, que les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas entaché le classement de la parcelle AK 139 d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce motif pour annuler ce classement.
9. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...tant devant le tribunal que devant la cour.
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme en sa rédaction alors en vigueur : " Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale (...). Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. Après l'enquête publique (...) le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 123-6, du conseil municipal. ". Il est loisible à l'autorité compétente de modifier le plan local d'urbanisme après l'enquête publique, sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. et MmeG..., propriétaires des parcelles AB n° 302 et 303 ont, par un courrier du 31 octobre 2014 adressé au commissaire-enquêteur, contesté la pertinence du projet des auteurs du plan local d'urbanisme consistant à prévoir un emplacement réservé n°3 destiné à la création d'une liaison piétonne. Après que le commissaire-enquêteur a estimé que les emplacements autres que l'emplacement n° 8 envisagé pour la création d'un parking sont utiles pour les futurs aménagements, donnant ainsi son avis, le conseil municipal de la commune d'Assérac, postérieurement à la clôture de l'enquête publique, a, ainsi qu'il ressort de la notice explicative annexée à la délibération du 15 juin 2015, décidé de supprimer cet emplacement réservé. Cette modification, qui ne remet pas en cause l'économie générale du projet, procède de l'enquête publique.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L 121-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur: " Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable : /1° L'équilibre entre : / a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; /b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; /c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables (...) ". Le juge exerce un contrôle de la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec ces principes d'équilibre et de gestion économe de l'espace.
13. Il ressort des pièces du dossier que la commune d'Assérac, dont le schéma de cohérence territoriale préconise de maîtriser la pression démographique affectant les communes littorales, a choisi de recentrer son développement urbain dans le bourg et les villages, de valoriser les espaces naturels et agricoles en ayant une gestion économe de l'espace prohibant le mitage par les constructions et en densifiant les possibilités de construire sur les terrains urbanisables.
14. Il ressort du bilan de la consommation de l'espace que si la superficie des zones N est de 1 184 ha dans le plan local d'urbanisme alors que celle de la zone ND du plan d'occupation des sols n'était que de 700 ha, cette augmentation trouve son origine dans la prise en compte d'espaces tels que les cours d'eau et leurs abords, les zones humides, les principaux boisements, ce que ne faisait pas le plan d'occupation des sols antérieurement en vigueur. Par ailleurs les zones urbanisées ou à urbaniser sont respectivement de 124 et 16 ha dans le plan local d'urbanisme contre 202 et 46 dans le plan d'occupation des sols et il est constant que la majorité des zones constructibles sont situées en zone 2AU du plan local d'urbanisme. Eu égard à la circonstance que la commune dispose d'un potentiel de création de 110 à 130 logements au cours des 10 prochaines années au sein des enveloppes urbaines des bourgs et des coeurs de village, en limitant à 27 l'offre de nouveaux logements par an sur une période de dix ans, avec une densité de 16 logement par ha, tenant compte à la fois d'une compensation de déficit de création de logements entre 2007 et 2012 et de la capacité de la commune à se doter d'équipements d'intérêt collectif et à maintenir un niveau régulier d'effectifs scolaires en lui permettant d'atteindre une population de 2 300 habitants à l'horizon 2023, le moyen tiré de l'atteinte au principe d'équilibre entre les possibilités de construction sur le territoire de la commune et la préservation de ses espaces agricoles et naturels doit être écarté.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article L 123-1-9 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " (...) Le plan local d'urbanisme doit, s'il y a lieu, être compatible avec les dispositions du schéma de mise en valeur de la mer, ainsi que du plan de déplacements urbains et du programme local de l'habitat. Il n'est pas illégal du seul fait qu'il autorise la construction de plus de logements que les obligations minimales du programme local de l'habitat n'en prévoient.(...) ". Alors que le plan local de l'habitat de la communauté d'agglomération de la Presqu'île de Guérande-Atlantique a fixé pour la commune d'Assérac un objectif de création de 23 logements par an dont un logement social, le projet d'aménagement et de développement durable prévoit la production de 27 logements dont au moins 2 logements locatifs sociaux. Dans ces conditions, le plan local d'urbanisme n'est pas incompatible avec les objectifs du plan local de l'habitat.
16. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Assérac est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du conseil municipal du 15 juin 2015 en tant qu'elle a classé en zone Ab la parcelle cadastrée section AK n° 139.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Assérac, qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, la somme que demande M. F...au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. F...une somme de 1 500 euros qui sera versée à la commune en application des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 octobre 2017 est annulé en tant qu'il a annulé la délibération du 15 juin 2015 en ce qu'elle a classé en zone Ab la parcelle AK 139.
Article 2 : La demande de première instance de M. F...est rejetée.
Article 3 : M. F...versera la somme de 1500 euros à la commune d'Assérac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Assérac et à M. A...F....
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président assesseur,
- M Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le rapporteur,
C. BRISSONLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT03986
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