Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 mai 2020 et le 3 novembre 2020, Mme H... K... C..., agissant en son nom propre et au nom de ses enfants allégués M..., N..., O... C... et L... C... ainsi que M. D... C..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, subsidiairement, et dans les mêmes conditions, de procéder à un nouvel examen des demandes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil en application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent :
Sur la régularité du jugement attaqué, que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation en retenant le motif tiré de ce que les conditions tenant à une réunification partielle n'étaient pas réunies ;
Sur la légalité de la décision contestée, que :
- pour les mêmes motifs que ceux précédemment invoqués, la décision contestée est illégale en tant qu'elle est fondée sur le respect du principe d'unité familiale ;
- le ministre n'établit pas le caractère frauduleux des jugements supplétifs rendus le 5 septembre 2019 par le tribunal pour enfants J... ;
- le ministre ne saurait utilement faire valoir pour contester le caractère authentique des actes de naissance le fait qu'ils contiennent plus de mentions que les jugements supplétifs sur lesquels ils se fondent ;
- les passeports des intéressés constituent un élément qui peut être pris en compte pour établir leur identité ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit en ce qui concerne l'intérêt supérieur des enfants ;
- l'existence d'une situation de possession d'état est justifiée par les pièces du dossier ;
- la demande de visa sollicitée par la jeune E... formée à la suite du jugement contesté, est restée sans effet en raison de la fermeture du consulat pour risque sanitaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre, qui renvoie pour l'essentiel à ses écritures produites en première instance, fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérants n'est fondé.
Mme K... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
et les observations de Me F..., représentant Mme K... G... et M. C....
Une note en délibéré, présentée pour Mme K... C... a été enregistrée le 10 novembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Mme H... K... C..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 26 août 1978, est arrivée en France le 12 mars 2016 où elle s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 avril 2017. Le 12 mars 2018, les jeunes Fabrice, M..., N..., O... C... et à la jeune L... C..., ressortissants de la République démocratique du Congo, nés respectivement les 13 février 2000, 4 octobre 2004, 9 mars 2006, 12 décembre 2008 et 7 juillet 2011, et se présentant comme les enfants de l'intéressée, ont formé des demandes de visas de long séjour en qualité de membres de la famille d'une réfugiée auprès des autorités consulaires françaises à Kinshasa. Par une décision du 12 décembre 2018, ces autorités ont rejeté ces demandes. Par une décision expresse du 5 avril 2019, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision. Mme K... C..., agissant en son nom propre et aux noms des enfants mineurs, et M. D... C..., relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 novembre 2019 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La régularité d'un jugement ne dépendant pas du bien fondé de ses motifs, les requérants ne sauraient utilement faire valoir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et de ce que les premiers juges ont faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 411-4 du même code : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Selon l'article R. 421-3 de ce code : " Dans le cas où le regroupement sollicité n'est que partiel, la demande comporte en outre : / 1° L'exposé des motifs, tenant notamment à la santé ou à la scolarité du ou des enfants ou aux conditions de logement de la famille, qui justifient, au regard de l'intérêt du ou des enfants, que le regroupement familial ne soit pas demandé pour l'ensemble de la famille ; / 2° La liste de ceux des membres de la famille pour lesquels le regroupement familial est demandé ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'outre les enfants pour lesquels des demandes de visa de long séjour ont été sollicités, Mme H... K... C..., qui déclare être veuve, est également la mère d'une jeune E... G..., née le 13 février 2000 et qui vit en République démocratique du Congo avec ses frères et soeurs. Les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent, avoir déposé une demande de regroupement partiel comportant, comme le prévoient les dispositions de l'article R. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un exposé des motifs justifiant le recours à cette procédure. Par ailleurs, selon les écritures des requérants, si aucune demande n'a été faite au nom de la jeune E..., c'est au seul motif qu'à la date du rendez-vous aux services consulaires, l'enfant était introuvable, ayant fait une fugue de trois jours. Cette circonstance ne constitue pas un motif justifiant le recours à la procédure du regroupement partiel qui, s'il devait être autorisé, aurait pour effet d'isoler en République démocratique du Congo la jeune E... du reste de sa famille. Dans ces conditions, alors que les requérants disposaient de la faculté de déposer une demande de regroupement familial pour l'ensemble de la famille et que la décision contestée n'aura pas pour effet de diviser la fratrie qui continuera de résider dans le pays où elle a toujours vécu, ils ne sont pas fondés à soutenir, alors même qu'il est également dans l'intérêt des enfants de vivre auprès de leur mère, que cette décision porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants ou porte une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie familiale normale. Enfin, la légalité de la décision contestée s'appréciant à la date à laquelle elle a été prise, la circonstance que la demande de visa présentée pour la jeune E..., qui a été déposée après l'intervention du jugement attaqué, se heurte à des difficultés procédurales du fait de la fermeture des services consulaires pour des raisons sanitaires, est sans incidence. Par suite, c'est sans erreur de droit et sans avoir fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu refuser de délivrer les visas sollicités au motif que la demande rompait le principe d'unité familiale.
5. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif, qui est de nature à justifier légalement cette décision. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête relatifs à la valeur probante des actes d'état civil produits et à la possession d'état, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Il appartient à la requérante, si elle s'y estime fondée, de solliciter une demande de regroupement familial pour l'ensemble de ses enfants allégués. Compte tenu de la longueur de la procédure déjà engagée et des liens de filiation allégués, il serait d'une bonne administration que, si une telle demande devait être déposée, elle soit examinée prioritairement par l'autorité administrative.
6. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme K... C... et de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... K... C..., à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020 , à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme B..., présidente-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2020.
Le rapporteur,
M. I...Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01441