Par une requête, enregistrée le 3 août 2020, M. I..., agissant en son nom propre et pour le compte de l'enfant C... D... I..., représenté par Me Pollono, demande à la cour :
       1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 janvier 2020 ;
       2°) d'annuler la décision contestée ;
       3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer la demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
       4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. 
       Il soutient que :
       -	la régularité de la composition de la commission qui s'est réunie le 22 août 2018 n'est pas établie ;
       -	le tribunal n'a que partiellement répondu au moyen tiré de ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait légalement se fonder sur l'absence de lien de filiation sans préalablement les mettre à même de justifier d'un tel lien par des éléments de possession d'état ;
       -	alors que la décision des autorités diplomatiques contre laquelle le recours a été formé n'était pas fondée sur l'absence de lien de filiation, la commission, qui était tenue d'examiner si un tel lien était établi par possession état, ne les a pas mis en mesure d'en justifier, en méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et les administrations ; 
       -	la décision contestée est contraire à l'intérêt supérieur de son fils en méconnaissance tant des dispositions de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; 
       -	elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
       Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
       Il fait valoir que les moyens soulevés par M. I... ne sont pas fondés.
       M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 
       - la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
       - le code civil ; 
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - le code des relations entre le public et les administrations ;
       - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
       - le code de justice administrative.
       Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Ont été entendus au cours de l'audience publique :
       - le rapport de Mme Bougrine, 
       - et les observations de Me Nève, substituant Me Pollono et représentant M. I....
       Considérant ce qui suit : 
       1. M. I..., ressortissant tchadien né le 6 avril 1985, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 janvier 2017. La demande de visa de long séjour présentée le 12 février 2018 au profit du mineur C... D... I... qu'il présente comme son fils a été rejetée par une décision des autorités diplomatiques françaises au Tchad le 26 avril 2018. Saisie d'un recours préalable obligatoire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, par une décision du 22 août 2018, maintenu le refus de visa aux motifs, d'une part, que l'identité de l'enfant et, partant, son lien de filiation avec M. I... n'étaient pas établis et, d'autre part, qu'aucune demande de visa n'ayant été présentée pour la mère de l'enfant, le principe d'unité familiale faisait obstacle à la délivrance du visa sollicité. M. I... relève appel du jugement du 15 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. 
       Sur les conclusions à fin d'annulation : 
      2. Il résulte des dispositions de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles les dispositions du II de l'article L. 752-1 du même code renvoient, que la réunification familiale doit, en principe, concerner l'ensemble des membres de la famille du réfugié visés au I de l'article L. 752-1 mais qu'une réunification familiale partielle peut être autorisée pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. 
      3. M. I..., qui a quitté le Tchad en février 2010, a indiqué être marié religieusement avec Mme H... G... avec laquelle il a eu deux fils, nés le 1er janvier 2003 et le 19 octobre 2004. Le second est décédé le 31 mars 2010. Il ressort des pièces du dossier que C..., son fils aîné, présente un état de santé dégradé qui a conduit ses parents à le confier à un proche parent pour le faire soigner en Egypte où il réside désormais. Le requérant précise également que la mère de son fils étant contrainte de demeurer au Tchad pour s'occuper de ses parents, sa venue en France est différée. Dans ces circonstances, eu égard notamment à la situation de l'enfant C..., séparé tant de sa mère que de son père, en estimant que la réunification partielle serait contraire à son intérêt, et alors que le lien de filiation n'est plus contesté devant la cour, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions combinées des articles L. 752-1 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.  
       4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. I... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. 
       Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 
       5. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de long séjour au jeune C... D... I.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte. 
       Sur les frais liés au litige : 
       6. M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Pollono dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
       D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 janvier 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 22 août 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer au jeune C... D... I... un visa de long séjour, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Pollono la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... I... et au ministre de l'intérieur.
       Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre, 
- Mme Douet, présidente- assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.  
       Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 janvier 2021.
       Le rapporteur,
       K. Bougrine
       Le président,
       A. PEREZLe greffier,
       K. BOURON 
        La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02379