Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 janvier 2015, M. C...D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et contributions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que l'administration a mis en oeuvre les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les éléments constitutifs de l'opposition à contrôle fiscal n'étant pas réunis ;
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la lettre d'information du 4 avril 2011 n'a pas été adressée à son conseil alors qu'il avait conclu avec ce dernier un mandat valant élection de domicile pour l'ensemble de la procédure de contrôle ;
- la prescription du droit de reprise n'a pas été interrompue par l'administration dès lors que la proposition de rectification n'a pas été envoyée à l'adresse du nouveau siège social de la société ;
- la procédure d'imposition suivie par le service vérificateur, qui a estimé qu'il devait avec son épouse faire l'objet d'une imposition commune du 1er janvier au 19 décembre 2008 puis séparée jusqu'au 31 décembre 2008, est irrégulière ; le service vérificateur n'invoque aucune circonstance de nature à justifier une imposition séparée de M. et Mme D...à compter du 19 décembre 2008 alors qu'ils avaient souscrit une déclaration commune pour toute l'année 2008 ; c'est à tort qu'il a fait l'objet d'une imposition distincte de celle de son ex épouse à compter du 20 décembre 2008 ;
- en déterminant le montant des recettes perçues par la Sarl Loire-Atlantique Sécurité Service d'après les crédits figurant sur les comptes bancaires de celle-ci l'administration a méconnu les dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts dès lors que la société peut réaliser des prestations ponctuelles ou discontinues à échéances successives ;
- c'est à tort que la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts lui a été appliquée.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que la Sarl Loire-Atlantique Sécurité Service, dont M. D...était le gérant et l'unique associé et imposé en tant que tel sur le fondement du 4° de l'article 8 du code général des impôts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 12 novembre 2007, date de sa création, au 31 décembre 2008, à la suite de laquelle l'administration a évalué d'office ses résultats sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; que, parallèlement, M. et Mme D...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle pour les années 2007 et 2008 à l'issue duquel l'administration a taxé d'office, au titre des revenus d'origine indéterminée, les crédits figurant sur leurs comptes bancaires et demeurés injustifiés d'un montant de 44 030 euros en 2007 et de 35 445 euros en 2008 ; que, par un jugement du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de décharge, présentée par M.D..., des impositions et contributions qui avaient été mises à sa charge au titre de l'année 2008 pour la période courant du 20 au 31 décembre 2008 ; que M. D...relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Ces dispositions sont appliquent en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle dans les conditions prévues au II de l'article L.47A " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'un avis de vérification de comptabilité en date du 3 février 2010 a été adressé en recommandé avec avis de réception au siège de la Sarl Loire-Atlantique Sécurité Service dont M. D...était l'unique associé ; que, lors de la visite du vérificateur le lundi 22 février 2010, les locaux de la société étaient fermés et aucun représentant de celle-ci n'était présent ; que, par plis recommandés des 29 mars, 6 mai et 6 juillet 2010, doublés par courriers simples, qui ont été retournés au service avec la mention " refusé " ou " boîte non identifiable ", le vérificateur a proposé sans succès de nouvelles rencontres à la société respectivement les 20 avril, 26 mai et 22 juillet 2010 ; que ces lettres, qui ont été systématiquement envoyées à l'adresse déclarée comme étant celle du siège de la société et au domicile de M. D...son gérant, mettaient en garde le contribuable sur les conséquences de son comportement pouvant conduire à la mise en oeuvre de la procédure d'opposition à contrôle fiscal ; qu'au surplus, il est constant que le gérant de la société n'a pas donné suite aux appels téléphoniques du vérificateur des 22 mars, 5 mai et 6 juillet 2010 ; que, dans ces conditions, l'administration a dressé le 18 octobre 2010 un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal, le vérificateur n'ayant pas été en mesure d'accomplir sa mission malgré les différents courriers de mise en garde adressés à la société ; que si M. D... soutient à nouveau en appel qu'il n'a pas été en mesure de présenter la comptabilité de la Sarl Loire-Atlantique Sécurité Service parce que son cabinet comptable n'avait pas arrêté les comptes de manière définitive, toutefois, eu égard aux circonstances rappelées ci-dessus, l'attitude de la Sarl Loire-Atlantique Sécurité Service ne saurait être regardée comme constituant un simple défaut de présentation de comptabilité mais caractérise, ainsi que l'ont justement apprécié les premiers juges, une volonté délibérée de faire obstacle à la vérification de comptabilité, constitutive d'une attitude d'opposition à contrôle fiscal au sens de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ;
4. Considérant, en second lieu, que M. D...soutient que la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la lettre d'information du 4 avril 2011 n'a pas été adressée à son conseil alors qu'il avait conclu avec ce dernier un mandat valant élection de domicile relatif à l'ensemble de la procédure de contrôle ; que cependant, d'une part, il n'est pas contesté que l'ensemble des actes de la procédure de contrôle relative aux années 2007 et 2009 a été communiqué au mandataire désigné par M. D...et, d'autre part, il est constant que le courrier dont il s'agit était relatif à une nouvelle procédure de vérification engagée à l'encontre de la société au titre de l'exercice clos en 2009 ; que, dès lors, et ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, le moyen ainsi soulevé par le requérant tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition ne peut qu'être écarté;
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la prescription :
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due." ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...)" ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de ce qui a été précisé au point 3, que les courriers et actes relatifs à la procédure d'imposition, et notamment la proposition de rectification du 21 décembre 2010 concernant les redressements, envisagés pour la période du 20 au 31 décembre 2008 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bases imposables de M. D...ont été envoyés en double, tant au siège de la Sarl Loire Atlantique Sécurité Service qu'à l'adresse du domicile de son gérant et unique associé ; qu'ainsi, et alors même que le courrier contenant la proposition de rectification a été retourné au service vérificateur par la poste avec les mentions " Refusé " ou " Boite non identifiable ", la notification de la proposition de rectification du 21 décembre 2010 a régulièrement interrompu le délai de prescription, qui serait parvenu à son terme le 31 décembre 2011 en ce qui concerne l'imposition de l'année 2008 ;
En ce qui concerne l'imposition commune des époux :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. (...) / Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...). / 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : (...) / b. Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées (...). " ;
8. Considérant que M. D...soutient que c'est à tort qu'il a fait l'objet d'une imposition distincte de son ex-épouse à compter du 20 décembre 2008 alors qu'ils avaient ensemble déposé une déclaration commune au titre de l'année 2008 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, par une ordonnance de non-conciliation en date du 19 décembre 2008, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nantes a autorisé la résidence séparée des époux ; qu'ainsi c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé à une imposition séparée des époux à compter du lendemain de l'ordonnance précitée, soit au titre de la période courant du 20 au 31 décembre 2008 ; que, par suite, le moyen soulevé par le requérant doit être écarté ;
En ce qui concerne l'évaluation du bénéfice industriel et commercial :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " et qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : / a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution (...) " ;
10. Considérant qu'en l'absence de comptabilité présentée par la Sarl Loire-Atlantique Sécurité Service, compte tenu de l'opposition à contrôle fiscal et ainsi qu'il a été rappelé au point 3., l'administration a procédé à une reconstitution des résultats de celle-ci en retenant tous les crédits inscrits sur les comptes bancaires ouverts à son nom, dont elle a déduit un montant de charges correspondant à 90 % du chiffre d'affaires ainsi reconstitué ; que, pour contester cette méthode, M. D...qui, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, a été imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des résultats de la Sarl Loire-Atlantique Sécurité Service par application des dispositions du 4° de l'article 8 du code général des impôts, se borne à soutenir que cette société, qui exerçait une activité dans le domaine de la sécurité, était conduite à réaliser des prestations ponctuelles ou discontinues à échéances successives et que les produits des services rendus devaient être pris en compte au fur et à mesure de l'exécution ; que, toutefois, ses allégations ne sont comme en première instance assorties d'aucune précision ni de commencement de justifications sur les conditions de réalisation de ces prestations ; qu'ainsi M. D... n'établit pas, comme il lui incombe de le faire en vertu des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales citées au point précédent, qu'en rattachant les recettes de l'activité de la Sarl Loire-Atlantique Sécurité Service à l'année de leur encaissement le service aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts ; qu'il s'ensuit que M. D...n'apporte pas la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge ;
Sur les pénalités :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L.74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100% aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat (...) " ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2. et 3., notamment en ce qui concerne la situation d'opposition à contrôle fiscal de la Sarl Loire-Atlantique Sécurité Service, que l'administration a régulièrement mis en oeuvre la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L.74 du livre des procédures fiscales ; qu'elle était par suite fondée à appliquer aux droits dus à raison de l'évaluation d'office des résultats de cette société la pénalité de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts précité ; que c'est d'ailleurs ainsi qu'elle a motivé cette pénalité dans la proposition de rectification adressée au contribuable le 21 décembre 2010 ; qu'il suit de là que M. D... n'est pas fondé à contester la majoration de 100 % qui lui a été appliquée ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Specht, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le rapporteur,
O. COIFFET Le président,
I. PERROT
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00029